« L’Histoire » plutôt qu’« une histoire »
Vendredi 17 mai 2024, 20h00. Dimanche 19 mai 2024, 14h30. Opéra Grand Avignon
Luisa Miller, Giuseppe Verdi. Opéra en trois actes, livret de Salvatore Cammarano. Créé le 8 décembre 1849 au Théâtre San Carlo de Naples.
Chanté en italien et surtitré en français. Éditions Casa Ricordi
Direction musicale Franck Chastrusse Colombier. Mise en scène Frédéric Roels. Scénographie et costumes Lionel Lesire. Lumières Laurent Castaingt. Assistante à la mise en scène Nathalie Gendrot. Études musicales David Zobel
Luisa Axelle Fanyo. Miller Gangsoon Kim. Rodolfo Sehoon Moon. Wurm Mischa Schelomianski. Il Conte Walter Wojtek Smilek. La Duchessa Federica Sarah Laulan. Laura Cécile Lastchenko
Chœur de l’Opéra Grand Avignon
Orchestre national Avignon-Provence
Nouvelle production. En coproduction avec le Teatro sociale di Como AsLiCo, l’Opéra de Tours, le Teatr Wielki-Opéra de Poznan et le Slaska Opera Bytom
Voir aussi toute la saison 2023-2024 de l’Opéra Grand Avignon
C’est un opéra rarement joué, et c’est pourtant du Verdi pur jus, composé à quelques années seulement de la fameuse trilogie : des drames déchirants, une riche palette de sentiments, une intense théâtralité, et surtout la puissance d’une musique qui vous submerge.
Pourquoi donc Luisa Miller (1849) est-elle rarement donnée ? Peut-être parce qu’elle a l’étoffe des chefs-d’œuvre sans en avoir tout à fait la perfection. On y retrouve avec bonheur des attaques, des débuts de phrases mélodiques, tel accord de clarinette, tel envol de violon, telle attaque de cuivres, qu’on a déjà entendus dans Macbeth, antérieur de 2 ans, et qu’on retrouvera, polis, ciselés comme fine dentelle dans la fameuse trilogie de Rigoletto (1851), Il Trovatore (1853) et La Traviata (1853). Verdi en effet s’est auto-inspiré sans pour autant s’auto-copier. Mais chez Luisa Miller c’est trop ou trop peu. Plutôt trop. Des ronflements de cuivres un peu lourds, des flamboyances un peu indiscrètes, que certains spectateurs à l’entracte ont même qualifiés de « pompiers »… Pour autant, même dans les « trop », c’est bien Verdi, et l’on ne saurait bouder son plaisir.
Cette production, créée en Italie en automne dernier (Côme, Brescia, Crémone et Pavie) et passée par Tours en mars – avec annulation de la première des deux représentations pour raisons syndicales -… rend justice aux qualités de l’œuvre, en en donnant une version précise, homogène, équilibrée, n’en gommant ni les nuances ni les aspérités. La note d’intention (ci-dessous) nous en avertissait : le metteur en scène Frédéric Roels avait choisi le prisme de l’Histoire, le souffle contextuel collectif, plutôt qu’une histoire individuelle d’amour contrarié. Il a choisi une lecture temporelle de l’œuvre, comme en témoignait l’immense horloge évidée montant et descendant des cintres, dont les aiguilles deviennent épées, et elle-même ébauchant même un confessionnal dans le grand duo entre le Comte et Würm. Cette omniprésence du temps, sur scène et dans le livret, impose une grille d’interprétation parfaitement cohérente. Les personnages – trois bons, trois méchants, ou deux pères, deux enfants, ou deux hommes, deux femmes, deux pères… – sont à la fois profondément insérés dans leur époque, – les premiers frémissements du Risorgimento -, et en même temps décalés, aussi bien héritiers d’un temps passé qu’étonnamment modernes dans leurs aspirations à la liberté.
La lecture musicale du chef Franck Chastrusse Colombier épouse totalement la lecture scénique, avec, dans l’Orchestre National Avignon-Provence renforcé de six musiciens, des tuttis solidement charpentés, des groupes d’instruments colorés et des solos troublants : clarinette en I, violon en II, harpe (5 petites mesures, mais sublimes) en III.
Le décor, fait de massifs et sobres éléments mobiles, évacue toute distraction inutile : fausses fenêtres et vraies portes apparaîtront dans les modules, et même une ébauche d’arcades et colonnettes en hauteur. L’absence de meubles, hors table de festin dressée en III, contraint néanmoins trop souvent les interprètes à s’asseoir inconfortablement à même le sol. Les lumières de Laurent Castaing, qu’on a déjà vues dans de nombreuses productions dont cette saison dans l’Heure espagnole et l’Enfant et les sortilèges, baignent les trois actes d’une transparence ambrée plus ou moins soutenue, dont les nuances et les dégradés soulignent l’akmè dramatique aussi bien qu’ils caressent l’aubade joyeuse du I.
Les costumes de Lionel Lesire en revanche mélangent dans un désordre peu intelligible l’intemporalité pour les jeunes gens, la discrète rusticité de Miller père, l’extravagance diaboliquement vermillonne – jusques à la perruque – de Würm, le costume trois-pièces doré du Comte Walter, les jolies capes en velours brun pour les choristes femmes (II)… mais aussi une totale hétérogénéité pour les chœurs (I) et des capes à capuchons pour les hommes, dignes des confréries de pénitents qui ne s’expliquent guère… pas plus que la poupée à l’effigie de Luisa qui fait quelques apparitions (I, III).
La distribution, largement internationale – nul n’est hélas, prophète, etc… -, répond assez justement aux rôles. Wotjek Smilek (Le Comte) projette un timbre de basse arrogante qui signe la suffisance du parvenu, mais le père qu’il est aussi infléchit parfois jusqu’au velours son airain sombre. L’ignoble Würm (Mischa Schelomianski) promène depuis la distribution tourangelle son cynisme nonchalant, modulant son phrasé, du mielleux au tranchant dans une palette redoutable de miroitements inquiétants. On l’avait apprécié dans le même type de rôle (le baron Ochs, dans Le Chevalier à la rose) sur cette même scène avignonnaise, et le public l’a gratifié au salut final de « houh ! » vindicatifs réservés aux sombres individus : parfaite identification au rôle !
Face à ces complices d’ignominie, les autres personnages ne peuvent guère qu’opposer une bonne foi de futures victimes. Toute la personne de Gangsoon Kim, incarnant avec une authenticité poignante Miller, le père de Luisa, respire la générosité, et même une certaine grandeur dans la simplicité ; baryton au timbre solidement placé, à l’émission précise et homogène, il exprime par d’infimes modulations les émotions profondes qui l’étreignent. Sarah Laulan, souvent distribuée sur nos scènes, impose en Federica, la jeune veuve séduisante, son alto chatoyant, sachant dessiner une figure attachante sans prétendre faire de l’ombre à sa rivale, dans une composition scénique et vocale complexe et subtilement menée. Sehoon Moon, le jeune ténor (Rodolfo, déjà), deuxième sud-coréen du plateau, a du répondant : avec une vraie consistance dramatique, et des aigus impressionnants, parfois trop quand il est prétendument terrassé par le poison, il constitue avec Axelle Fanyo un couple vocal crédible. Celle-ci offre pour sa part à Luisa une formidable présence, la puissance d’un timbre qui se déploie avec ampleur, et une expressivité remarquable, jusqu’aux battements de cils visibles de la salle – au moins jusqu’à moitié des rangées -. Néanmoins, à l’instar de Traviata, Luisa ne doit pas conserver la même couleur de voix à travers les trois actes : amoureuse, juvénile (I, soprano léger), elle libère ensuite la violence du dilemme cornélien qui la déchire entre son père et son amour (II, soprano dramatique), pour glisser in fine dans le désespoir languide (III). Or la soprano a joué l’uniformité plutôt que les nuances. Retenons néanmoins que sa personnalité a brûlé les planches, ce que la longue ovation finale lui a bien confirmé. La jeune Laura de la jeune mezzo belge Cécile Lastchenko, elle, ajoute sa ligne mélodique précise à une distribution équilibrée. De même pour le ténor Julien Desplantes, artiste du chœur souvent engagé en soliste.
Les chœurs, avec une douzaine de supplémentaires, tous bien préparés par Alan Woodbridge, ont été à la hauteur des chœurs verdiens attendus ; dans leur pâte sonore, charnue et claire, une oreille sélective a même pu retrouver le timbre de telle ou telle soprano occasionnelle bien connue ou de telle basse bien trempée : de la belle ouvrage, qui sait ménager à la fois les ensembles cohérents et les individualités marquées !
Malgré quelques réserves, on apprécie de découvrir des œuvres plus rares, à condition de ne pas les substituer aux poids lourds du répertoire… comme Boris Godounov (direction musicale Dmitry Sinkovsky et mise en scène Jean-Romain Vesperini), qui terminera la saison lyrique avignonnaise les 14 et 16 juin.
G.ad. Photos Alessia Santambrogio
Résumé (Opéra Grand Avignon)
Acte I
Luisa, fille du soldat retraité Miller, est tombée amoureuse d’un jeune homme qui se présente sous le nom de Carlo, et cet amour est réciproque. Miller néanmoins voit cette relation d’un mauvais œil, car il craint que sa fille soit tombée sous l’emprise d’un séducteur. Une visite de Wurm, conseiller du Comte Walter, semble confirmer cette crainte : Wurm, qui avait demandé un an auparavant la main de Luisa à son père, mais ne peut y prétendre – dixit Miller – que si Luisa y consent, révèle en effet que l’amoureux a menti sur son identité. Il s’agit de Rodolfo, fils du comte lui-même.
Un peu plus tard, au château, le Comte Walter désespère : son fils, pour qui il a tout sacrifié, ne rentre pas dans le rang. Le Comte espère pourtant le marier à la Duchesse Federica, son amie d’enfance, qui est veuve depuis peu. Resté seul avec elle, Rodolfo, plutôt que de lui demander sa main, lui confie qu’il aime une autre femme ; il espère que la noblesse de coeur de son amie lui pardonnera.
L’on revient à la maison de Miller, où Luisa attend Rodolfo. Il arrive en effet, et, sous les yeux de Miller, admet qu’il a menti sur son nom mais jure à Luisa un amour éternel et promet de l’épouser. Walter fait irruption et déverse sa colère. Il fait arrêter le père et la fille. Rodolfo tente différents arguments pour l’en dissuader : les menaces de mort n’étant d’aucune utilité, seule la menace de révéler un secret à propos de son père agit. Walter libère Luisa, mais fait quand même jeter Miller en prison.
Acte II
Les villageois racontent à Luisa ce dont ils ont été témoins : Miller traîné avec des chaînes jusqu’au château, dans une souffrance horrible. Wurm arrive et chasse les villageois. Il vient proposer un marché à Luisa. Elle pourra faire libérer son père si elle écrit à lui-même une lettre dans laquelle elle lui dit qu’elle n’a jamais aimé Rodolfo et qu’elle le quitte, pour rejoindre son véritable amour… Wurm ! Luisa est déchirée ; il lui semble impossible d’écrire un tel mensonge mais, pensant à son père, elle finit par s’y résigner.
Wurm rentre alors au château pour dire au Comte que le stratagème a pris. Dans une scène un peu onirique, ils se remémorent la nuit où, ensemble, ils ont tendu un piège au Comte précédent et l’ont assassiné, permettant à Walter de prendre le pouvoir. C’est cela, évidemment, le secret que Rodolfo a découvert et par lequel il a encore un peu de pouvoir sur son père.
Confiant, le Comte accueille Federica et lui dit qu’il a fait venir Luisa, pour qu’elle lui confirme de sa propre bouche qu’elle a renoncé à Rodolfo. Luisa entre, intimidée, face à sa rivale. Sous l’emprise de la promesse qu’elle a faite à Wurm de ne rien révéler du mensonge, elle confirme ce que la Duchesse attend. Elle n’aime que Wurm, et n’a jamais aimé Rodolfo. La Duchesse exulte.
Pendant ce temps, un messager payé par Wurm amène à Rodolfo la lettre dictée à Luisa. Rodolfo n’arrive pas à y croire, les souvenirs qu’il a des moments passés avec Luisa sont tellement beaux ! Mais l’évidence est là, l’écriture de son amoureuse le prouve. Rodolfo convoque Wurm et le provoque en duel ; mais le traître s’esquive, laissant le jeune homme désespéré face à son père qui accourt pour soi-disant le soutenir.
Acte III
Luisa dépérit, ne pensant plus qu’à la mort comme seule issue. Ses amies assistent, impuissantes, à sa déchéance. Même le retour de son père de prison ne suffit pas à lui redonner la joie. Miller comprend l’état de sa fille, et elle lui révèle le fond de sa pensée : elle a écrit une autre lettre à Rodolfo, pour lui donner rendez-vous dans la tombe. Miller explose : Luisa ne peut pas se donner la mort, elle ne peut pas laisser son vieux père seul sans elle. Touchée par l’émotion de cet argument, Luisa prend une autre option : ils partiront ensemble, père et fille, le lendemain, pour fuir ce village où la menace est omniprésente. Luisa, seule, veut faire une dernière prière dans la maison. Mais Rodolfo arrive pour la confronter en personne à ce qui lui a été dit. Il brandit la première lettre et lui demande de confirmer que c’est elle qui l’a écrite. Toujours tenue par la promesse qu’elle a faite à Wurm, Luisa ne dément pas. Rodolfo, désespéré, prend un poison mortel, qu’il boit et donne à boire à Luisa. Ainsi, ni lui ni elle ne seront offerts à leurs prétendants désignés. Luisa comprend qu’elle va mourir, et cette perspective la libère de son serment. Elle révèle tout à Rodolfo. Mais c’est trop tard. Miller revient pour assister à l’agonie de sa fille, Walter et Wurm arrivent ensuite, alertés par le serviteur de Rodolfo. Dans un ultime élan avant de rejoindre Luisa dans la mort, Rodolfo parvient à tuer Wurm.
Note d’intention
D’un malentendu temporel
Souvent nous avons pensé : ah, si j’étais né à une autre époque, qu’aurais-je pu vivre ?
Verdi se référant à Schiller, pionnier du romantisme allemand « Sturm und Drang », donne au belcanto italien une résonance sombre, venue du nord, tumultueuse. Comme d’autres avant lui, et notamment, Bellini. Il y a chez lui ces deux composantes : le côté solaire, bouillant de l’italianité, et la face sombre d’un romantisme septentrional où l’âme humaine enfouit ses passions secrètes. Ce sera vrai dans La Traviata, Il Trovatore ou Rigoletto. C’est déjà manifeste dans ce petit trésor qu’est Luisa Miller, qui précède juste la grande période de sa maturité.
Entre Verdi et Schiller, il y a la distance de deux cultures, mais aussi celle de deux générations. Le rendez-vous entre ces deux géants, l’un de la musique, l’autre de la littérature, se fonde sur un décalage temporel. Et ce creux de quelques dizaines d’années m’intéresse, car il fonde l’intérêt dramatique de l’opéra.
L’amour entre Luisa et Rodolfo ne peut pas aboutir à une union heureuse. En première apparence, parce qu’ils n’appartiennent pas à la même classe sociale, comme dans tant d’autres opéras du XIXème siècle : Rodolfo est le fils du seigneur local, Luisa n’est qu’une villageoise. Et il faut que Rodolfo épouse une duchesse. Sauf qu’en y regardant de plus près, cette fracture sociale est un leurre, fondé sur un mensonge : Walter, le père de Rodolfo, a pris le pouvoir par la force, le meurtre et la tromperie. Il n’a rien de la noblesse à laquelle peut prétendre son titre. Le vrai décalage entre Luisa et Rodolfo, c’est un malentendu temporel. Luisa a été promise par son père, un an auparavant, à l’intendant du Comte. Le père Miller est à moitié lié par cette promesse. Et Rodolfo porte sur ses épaules le poids d’un crime du passé, dont il a été le seul témoin et qu’il n’ose révéler. Les entraves lourdes du passé, pour l’un comme pour l’autre, ne leur permettent pas d’aimer comme ils le voudraient, libres et insouciants. Même la duchesse Federica, amour d’enfance de Rodolfo, est encombrée du poids de son passé – un mariage par obligation, vite anéanti par le deuil : elle y a gagné un titre de noblesse, mais perdu son amour.
Peut-être, dans un autre temps, dans un autre contexte, ces jeunes gens auraient-ils pu être heureux et libres. Qui sait ?
Dans la scène entre Luisa et Wurm, à l’acte 2, la célèbre cabalette de Luisa « A brani, a brani, o perfido », où elle crie son désespoir de devoir choisir entre l’amour de Rodolfo et la vie de son père, est entrecoupée d’une phrase clef de Wurm : « Courage, le temps est le traitement de toutes les profondes douleurs de l’homme ». Mais que faire de cette maxime dans un monde où le temps est déréglé ? Et comment entendre cette vérité de la bouche d’un homme qui ne se nourrit que de mensonge ?
Ce n’est pas tout. Le malentendu temporel va perdurer. La mort de Luisa aurait pu être évitée si Rodolfo avait su le mensonge forcé dans lequel elle s’est enfermée. Le poison agit déjà en elle quand elle se révèle, et elle ne peut en réalité se révéler que parce que la mort va s’emparer d’elle. On retrouve bien sûr dans cette scène finale des échos de l’éternel Roméo et Juliette. On voudrait – et Rodolfo / Roméo le premier – pouvoir revenir en arrière, faire comme si le poison n’avait pas agi, mais c’est trop tard.
Le chœur du début de l’œuvre chante le printemps qui arrive, l’aube naissante d’un mois d’avril. Mais bien sûr c’est une illusion : dans Luisa Miller, le printemps n’annonce pas l’été, mais court à rebours vers un long hiver.
Et face à tout cela, il est un personnage qui traverse le temps, ce Miller qui fut soldat, héros, solide et honnête. Père aimant inconscient du changement d’époque, n’ayant pas vu que la course du temps était déréglée. Il espère encore et toujours qu’un avenir meilleur puisse arriver.
Je vois dans Luisa Miller l’histoire « d’un autre temps ». Le livret se situe théoriquement au début du XVIIIème siècle, Schiller écrit sa pièce à la fin du XVIIIème siècle, Verdi compose son opéra à la moitié du XIXème… Dans ces rapports humains où la transmission par le sang, la généalogie, la hiérarchie de classe ont tellement cours, j’envisagerais plutôt une référence féodale héritée du Moyen Age. Mais comme un écho davantage qu’une situation historique. Un Moyen Age qui apparaîtrait en filigrane de toute cette complexité de la construction d’un piège fatal. La pièce originale de Schiller a pour titre « Cabale et amour ». Cabale et Amour ne sont-ils pas, finalement, de tout temps ?
Frédéric Roels, metteur en scène
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