Il n’est pas de bon bec que de Paris…
Musique de chambre. Opéra Confluence. Mercredi 28 novembre 2018.
Les Solistes d’Avignon, quatuor à cordes. Cordelia Palm (1er violon), Sophie Saint-Blancat (2nd violon), Fabrice Durand (alto) et Emmanuel Lécureuil (violoncelle).
Fanny Azzuro, piano.
César Franck, Quintette pour piano et cordes, en fa mineur. Robert Schumann, Quintette pour piano et cordes en mi bémol majeur, opus 44.
La musique de chambre devient une denrée rare à l’Opéra Grand Avignon, depuis la récente disparition de l’association éponyme, par baisse des subventions. Et la délocalisation de la structure depuis la rentrée 2017 et pour 3 ans – la salle provisoire Confluence en quartier périphérique – a bousculé nombre d’habitudes.
Pour cette soirée d’ouverture de la saison chambriste, on aurait pu compter sur le capital de sympathie autour des cinq artistes, avignonnais de naissance (la pianiste) ou d’adoption (les cordes). Mais la date du mercredi est sans doute la plus défavorable de la programmation.
Cette soirée du 28 novembre fut néanmoins à marquer d’une pierre blanche. Sauf erreur, c’était la première prestation en ce lieu du quatuor les Solistes d’Avignon, une formation créée en 2016. Deux couples à la ville, ils sont voisins de pupitre au sein de l’Orchestre Régional Avignon-Provence.
Ils viennent d’horizons différents : née en Allemagne, artiste très précoce, Cordelia Palm est violon supersoliste, et le Messin Fabrice Durand alto soliste, depuis une trentaine d’années dans l’Orchestre d’Avignon.
La Toulousaine Sophie Saint-Blancat, violon soliste, et l’Angevin Emmanuel Lécureuil, violoncelle 2nd soliste, ont, eux, rejoint l’orchestre en 2010. Mais le hasard de leurs instruments, et leur complicité musicale, les ont réunis avec bonheur en 2016 dans ce quatuor. Leur talent se nourrit aussi d’expériences diverses, humaines et artistiques : Cordelia Palm a fondé avec la harpiste Aliénor Girard-Guigas le délicieux Duo Alcor (2002), auquel s’adjoint Fabrice Durand pour donner l’angélique Trio Séraphin (2013) ; et le renfort d’autres musiciens, eux aussi membres de l’Orap, constitue l’Ensemble Kallisté à géométrie variable, dirigé par Cordelia Palm…
Ces formations modulables confèrent au jeu des musiciens une souplesse d’exécution, et une attention mutuelle qui soulignent la délicatesse de leur sensibilité.
Fanny Azzuro, aujourd’hui pianiste internationale, partageait ce soir-là la scène avec le quatuor. Née à Avignon dans une famille de musiciens, sœur cadette d’un corniste, elle a passé toute son enfance à Saint-Rémy-de-Provence « au milieu des oliviers » dit-elle ; elle était dans ses premières années une auditrice assidue de l’Orap, et des liens se sont tissés avec Cordelia Palm dans la cité des papes, lors de récentes éditions du Festival de cor d’Eric Sombret.
Dommage que le programme de salle, dont on croyait qu’il avait atteint ses limites minimales depuis deux ans (un A4 recto-verso), et qui s’est minimalisé en adoptant cette fois-ci le format A5, n’ait pas eu un seul mot sur les interprètes et leur riche parcours.
Au programme de cette soirée, deux magnifiques Quintettes pour cordes et piano, « deux œuvres majeures de la littérature chambriste », comme le souligne Sophie Saint-Blancat. Séparés par une bonne génération (1842 et 1879), respectivement en 4 et 3 mouvements, l’un reconnu comme un chef-d’œuvre romantique (Schumann, en mi bémol majeur, qui enthousiasma Wagner), l’autre témoignant de la grande inspiration française (César Franck, en fa mineur, particulièrement apprécié de Debussy), ils ont illuminé cette première soirée chambriste.
Le Quintette de Franck, qui s’ouvre sur quelques mesures en quatuor et se poursuit aussi vite en piano solo, a mis particulièrement en valeur les qualités d’écoute des artistes, dans cette œuvre magnifique où les relations se tissent et de se défont sans cesse, toujours différentes et miroitantes, imposant une créativité toujours renouvelée. En seconde partie, dans un univers plus familier, les cinq musiciens ont donné du Quintette de Schumann une lecture claire et sensible, délicate et précise, dans l’évidence d’une simplicité élégante.
On entendra à nouveau les Solistes d’Avignon le dimanche 16 décembre 2018 à 17h au Conservatoire du Grand Avignon avec le chœur Homilius dans le concert de Noël de Musique Baroque en Avignon. (G.ad. Photo Fanny Azzuro : lowres-Pilvax. Photos concert G.ad.)