Concert pluvieux, concert heureux…
Les Saisons de la Voix, Concert de printemps, Espace Simiane, Gordes, Vaucluse (29 avril 2018)
Solistes : Ornella Bourelly, soprano ; Martin Candela, ténor. Pianiste accompagnatrice : Ayaka Niwano.
Duos voix/piano : Clarisse Dalles, soprano, et Ayaka Niwano en remplacement d’Antoine Simon ; Yui Futaeda, soprano, et Eunji Hann ; Stéphanie Guérin, mezzo-soprano, et Julien Coll ; Fiona MCGown, mezzo-soprano, et Celia Oneto Bensaid.
Ständchen (L. Rellstab), F. Schubert (1797-1828). Martin Candela, ténor et Ayaka Niwano, piano
Alte Liebe (K. Candidus), J. Brahms (1833-1897). Stéphanie Guerin, mezzo-soprano et Julien Coll, piano
Liebestreu (R. Reinick), J. Brahms (1833-1897) ; Meine Liebe ist grün (F. Schumann). Fiona McGown, mezzo-soprano et Célia Onetto-Bensaid, piano
Allerseelen (H. v. Gilm), R. Strauss (1864-1949). Ornella Bourelly, soprano et Ayaka Niwano, piano
Die Nacht (H. v. Gilm), R. Strauss (1864-1949). Clarisse Dalles, soprano et Ayaka Niwano, piano
Ständchen (A. F. v. Schack) , R. Strauss (1864-1949). Yui Futaeda, soprano et Eunji Han, piano
Desdemona’s Song, E. W. Korngold (1897-1957), Blow, Blow, Thou Winter Wind, extraits des Quatre Lieder de Shakespeare, op.31. Fiona McGown, mezzo-soprano et Célia Onetto-Bensaid, piano
Deux extraits de La bonne chanson (P. Verlaine), G. Fauré (1845-1924). Stéphanie Guérin, mezzo-soprano et Julien Coll, piano
C’est l’extase (P. Verlaine), G. Fauré (1845-1924). Ornella Bourelly, soprano et Ayaka Niwano, piano
Nuit d’étoiles (T. de Banville), C. Debussy (1862-1918). Ornella Bourelly, soprano et Ayaka Niwano, piano
Elle était descendue au bas de la prairie, L. Boulanger (1893-1918) ; Elle est gravement gaie ; Les lilas qui avaient fleuri ; extraits de Clairières dans le ciel (F. Jammes). Yui Futaeda, soprano et Eunji Han, piano
A Chloris (T. de Viau), R. Hahn (1874-1947). Martin Candela, ténor et Ayaka Niwano, piano
Montparnasse (G. Apollinaire), F. Poulenc (1899-1963). Martin Candela, ténor et Ayaka Niwano, piano
Au-delà, F. Poulenc (1899-1963) ; Aux officiers de la Garde Blanche, extraits des Trois poèmes de Louise de Vilmorin. Clarisse Dalles, soprano et Ayaka Niwano, piano
Le Temps des lilas (M. Bouchor), E. Chausson (1855-1899). Clarisse Dalles, soprano et Ayaka Niwano, piano
Zdes′ khorosho / Здесь хорошо (G. Galina), S. Rachmaninoff (1873-1943). Yui Futaeda, soprano et Eunji Han, piano
Love Went A-Riding (M. Coleridge), F. Bridge (1879-1941). Yui Futaeda, soprano et Eunji Han, piano
Ach, není tu, A. Dvorak (1841-1904), extrait n°3 de V narodnim tonu (In Folk Tone), op.73. Stéphanie Guérin, mezzo-soprano et Julien Coll, piano
« Oh luce di quest’anima… », G. Donizetti (1797-1848), air de Linda, Linda di Chamonix. Ornella Bourelly, soprano et Ayaka Niwano, piano
« Enfin je suis ici… », J. Massenet (1842-1912), air de Cendrillon, Cendrillon. Fiona McGown, mezzo-soprano et Célia Onetto-Bensaid, piano
« Oh ! ne t’éveille pas encore… », B. Godard (1849-1895), Berceuse, air de Jocelyn, Jocelyn. Martin Candela, ténor et Ayaka Niwano, piano
« Suis-je gentille ainsi… Obéissons… », J. Massenet (1842-1912), air de Manon, Manon. Yui Futaeda, soprano et Eunji Han, piano
« O mio babbino caro… », G. Puccini (1858-1924), air de Lauretta, Gianni Schicchi. Clarisse Dalles, soprano et Ayaka Niwano, piano
« Ah ! que j’aime les militaires… », J. Offenbach (1819-1880), air de La Grande-duchesse, La Grande-Duchesse de Gerolstein. Stéphanie Guerin, mezzo-soprano et Julien Coll, piano
Si la pluie s’acharne à arroser les mélomanes vauclusiens lors des concerts de printemps à Gordes, au contraire des concerts d’automne (voir en 2017), elle n’affecte en rien la qualité et la fréquentation des Saisons de la Voix. Reconnaissons que les Saisons ont été singulièrement dynamisées par leur nouveau président, Raymond Duffaut, à qui la fondatrice Monique Cecconi-Botella – compositrice et 1er Grand prix de Rome – a passé le témoin l’an dernier. Il a même fallu ajouter des sièges supplémentaires pour ce 1er concert 2018.
Jeff Cohen en est le directeur artistique, lui qui cumule par ailleurs les casquettes de compositeur, pianiste et arrangeur, et complice artistique de Jane Birkin, Angela Gheorghiou, Roberto Alagna, June Anderson, François Le Roux et bien d’autres. Chaleureux, il se montre lui aussi très attentif à ses poulains, réservant un mot personnel à chacun des jeunes artistes en sortie de concert.
Entre concours annuel, master-class et concerts saisonniers, c’est un beau tremplin que les Saisons de la Voix offrent aux talents en éclosion.
Ce sont donc neuf artistes émergents – sept filles, deux garçons -, lauréats 2017 du Concours international lied et mélodie de Gordes, qu’un public nombreux a pu applaudir lors de ce concert de printemps, à l’issue des deux journées de master class.
Excellente d’impression d’ensemble donnée par ces neuf artistes en herbe, bien préparés, déjà engagés dans la carrière pour certains. Belles voix évidemment, agréable présence en scène malgré l’intimidante proximité du public, et diction intelligible. Le programme déclinait trois parties, de la mélodie allemande aux pages lyriques, en passant par la mélodie française, et une transition russo-anglo-tchèque.
Le ténor Martin Candela, qui a eu le redoutable honneur d’ouvrir le concert, ne m’a guère convaincue que dans la page A Chloris (Théophile de Viau, Reynaldo Hahn), registre sombre et diction impeccable ; sa Sérénade initiale, elle, n’avait pas eu le temps de se chauffer la voix, et a contrario sa « Berceuse » de Jocelyn, page délicate et légère (« Ah, ne t’éveille pas encore… »), aurait magistralement tiré du sommeil tout le village de Gordes !…
Nous avons retrouvé avec plaisir la flamboyante mezzo Stéphanie Guérin, candidate du Concours Raymond Duffaut en octobre 2017 ; malgré une diction quelque peu inégale (La bonne chanson), ses aigus chaleureux, sa puissance parfois, sa malice juvénile (« Ah, que j’aime les militaires ! », du velours pour le final !) devraient la faire pétiller dans le lyrique léger ; nous attendons de la revoir le 21 juillet (voir programme estival infra).
La souriante Fiona McGown, plus soprano que mezzo, que j’ai trouvée tout juste agile dans la mélodie allemande, m’a bluffée dans la suite du programme. A l’aise, avec déjà un certaine habitude du métier jusque dans le regard, elle a témoigné dans « Blow, Blow… » notamment, d’un sens du rythme, et de couleurs vocales qui flirteraient allègrement avec le répertoire le plus large, dont blues et jazz.
Ornella Bourelly, soprano soliste, nous régale d’une large palette, d’une égale intensité et de vocalises acrobatiques (Donizetti) malgré – détail infime – un legato parfois inopportun ; elle écarte résolument le pupitre, sûre de sa mémoire, s’offrant ainsi une projection vocale et émotionnelle plus directe. Sa mélodie française (« Nuit d’étoiles »), très réussie, s’appuie sur une agréable prononciation, de beaux aigus, et des médiums assurés à défaut d’être colorés.
Clarisse Dalles, soprano, développe des médiums parfois colorés et des aigus cristallins, même si, dans la mélodie allemande, elle n’a réussi à attraper ceux-ci qu’en vibrato. « Le temps des lilas » a pris ensuite toute la salle dans ses bras, enveloppant tout l’espace malgré une acoustique peu adaptée. On peut également saluer son courage pour avoir choisi le célébrissime « O mio babbino caro » comme page lyrique.
Quant à la jeune Japonaise Yui Futaeda, au délicieux accent exotique en voix parlée, elle a déjà acquis au chant une parfaite diction française, et nous gratifie d’une lumineuse interprétation de Manon (« Profitons bien de la jeunesse »). Mais, se connaissant des aigus magnifiques, elle en joue, en rejoue, jusqu’à s’y complaire et les surjouer, parfois même les gâcher. Sans doute petit péché de jeunesse… Nous suivrons avec beaucoup d’intérêt sa jeune carrière, comme celle des huit autres lauréats.
Les pianistes ont donné eux aussi des interprétations pleines d’intelligence et de sensibilité, qu’ils soient en duo comme Julien Coll, Eunji Hann ou Célia Onetto-Bensaïd, ou accompagnateurs comme Ayaka Niwano, déjà co-accompagnatrice avec Hélène Blanic du Concours Raymond Duffaut. Souhaitons seulement que Julien Coll ait pris le temps, avant le concert de cet été, de se raser et de se coiffer ! (G.ad. Photos G.ad.)
Prochains spectacles des Saisons de la Voix de Gordes (84)
-Mercredi 18 juillet 2018, 21h45, Gordes, Théâtre des Terrasses. « Une nuit chez Monsieur Offenbach ». Direction musicale/ piano, Kira Parfeevets. Mise en scène, Nadine Duffaut. Chorégraphie, Eric Belaud. Lumières, Philippe Grosperrin
Solistes : Erminie Blondel, soprano ; Ambroisine Bré, mezzo-soprano ; Florian Laconi, ténor ; Marc Scoffoni, baryton
Danseurs : Bérangère Cassiot, Noémie Fernandes, Anthony Beignard, Alexis Traissac
-Samedi 21 juillet 2018, 21h45, Gordes, Théâtre des Terrasses. « Correspondances ». « Tout s’affaiblit, tout disparaît. De nous, il faut que quelque chose reste ». En co-réalisation avec Les Musicales du Luberon. Direction musicale/ piano : Celia Oneto-Bensaid. Mise en scène, Nadine Duffaut. Lumières, Philippe Grosperrin
Solistes : Ludivine Gombert, soprano ; Julien Dran, ténor. Avec les lauréats du Concours international lied et mélodie 2017 : Fiona McGown, soprano ; Stéphanie Guérin, mezzo-soprano ; Julien Coll, piano