Les Puritains, Bellini. Opéra en 3 actes. Livret du comte Carlo PEPOLI, d’après le drame historique Têtes Rondes et cavaliers de Jacques-Arsène-Polycarpe ANCELOT et Joseph-Xavier BONIFACE dit SAINTINE
Création à Paris, Théâtre-Italien, le 24 janvier 1835. Dernière représentation à l’Opéra de Marseille, le 19 juin 1994
Version concertante
Giuliano CARELLA, direction musicale
Jessica PRATT (soprano), Elvire (Elvira). Julie PASTURAUD (mezzo-soprano), La Reine Henriette (Enrichetta di Francia)
Yijie SHI (ténor), Lord Arthur Talbot (Arturo). Jean-François LAPOINTE (baryton), Sir Richard Forth (Riccardo). Nicolas COURJAL (basse), Sir George Walton (Giorgio). Éric MARTIN-BONNET (basse), Lord Walton. Christophe BERRY (ténor), Sir Benno Robertson (Bruno)
Après une 1e partie… médiocre – litote ou euphémisme ?-, ces Puritains en version concertante ont su donner leur pleine mesure et mériter in fine des applaudissements nourris.
Il faut saluer cette deuxième production concertante de début de saison à l’Opéra de Marseille, un choix artistique pertinent tout autant que budgétaire.
Le plateau marseillais réunissait un beau quatuor de Puritains… dont deux, finalement, ne sont qu’épisodiques : lors Walton (Eric Martin-Bonnet, basse solide) et sur Robertson/Bruno (Christophe Berry, ténor incisif).
Le fil narratif de Bellini est clair. Dans l’Angleterre de 1650 où s’affrontent les royalistes (Charles 1er vient d’être décapité et son épouse Henriette risque de connaître bientôt même sort) et les partisans de Cromwell, deux camps s’opposent : les Puritains de Cromwell (les deux frères Walton, Riccardo et Bruno) et les fidèles de la monarchie, représentés par le jeune Arturo et la reine Enrichetta. Entre les deux, Elvira, fille de lord Walton, naguère promise à Riccardo, et aujourd’hui amoureuse d’Arthur. Celui-ci aide la reine à s’enfuir, et Elvira croit qu’il s’agit d’un enlèvement amoureux (I). Elle manque de perdre la raison (II), mais retrouve Arturo pour une fin heureuse, Cromwell vainqueur prônant une réconciliation générale (III).
Après la récente Reine de Saba, excellente en tous points, et dont la distribution se retrouvait partiellement dans ces Puritains (Courjal, Lapointe, Martin-Bonnet), le 1er acte nous a infligé une cinglante déception.
L’orchestre, tous pupitres confondus, sous la curieuse direction de Giuliano Carella, n’a cessé de couvrir les chanteurs ; au point que le ténor Yijie Shi (Arturo) s’époumonait, que la soprano Jessica Pratt forçait la note, et que les baryton et basse Jean-François Lapointe (Riccardo) et Nicolas Courjal (Giorgio Walton) laissaient passer avec fatalisme…
L’entracte portant conseil sans doute, la suite a largement compensé la déconvenue de début de soirée, au point que même les pianissimi des solistes étaient perceptibles dans toute leur finesse. Dans une diction parfaitement intelligible – malgré deux confusions minimes, sauf erreur de ma part : un « figlio » chez Jessica Pratt et deux « honora » chez Nicolas Courjal – les solistes ont enchaîné duos, trios ou tutti, dans ce qui apparaissait somme toute comme une succession harmonieuse de mini-récitals alternés avec des mouvements symphoniques.
Le public a commencé à manifester plus nettement son approbation. Car alors se sont révélées toutes les couleurs des pupitres, des choristes, des sept solistes.
A l’applaudimètre ce sont justement les « non puritains » qui l’ont emporté, d’une courte tête : la soprano australienne Jessica Pratt, qui maîtrise parfaitement tous les registres, de l’insouciance juvénile à l’épanouissement d’un amour partagé, en passant par les nuances de la fureur, du désespoir, de l’égarement. Sa voix chaude et claire promène son agilité dans toute l’ampleur d’un rôle complexe.
Le ténor Yijie Shi, avec ses aigus triomphants et un ambitus coloré jusque dans les médiums, a fait l’unanimité. Mais il faut une belle dose de concentration ou de métier pour chanter avec conviction « Viens dans mes bras, ma bien-aimée » en restant devant son pupitre… mais en faisant chavirer sa partenaire et la salle ! Un bel exploit.
Pour leur part Giorgio (Nicolas Courjal) et Riccardo (Jean-François Lapointe) se livrent un implacable duel, qui se mue en un duo, où la complémentarité des timbres souligne l’accord de raison politique (III). Faut-il d’ailleurs s’étonner que le public marseillais, qui a depuis longtemps pour Nicolas Courjal les yeux de Chimène, lui ait réservé une chaleureuse ovation ? Bellini a vraiment gâté son personnage, lui réservant des solos (II) et duos (III) de grande classe…
Et même la mezzo Julie Pasturaud, à l’éphémère présence, a su imposer son personnage de la reine Henriette.
Bravo pour ces Puritains, de retour sur la scène de Marseille après 25 ans d’absence (G.ad. Photos Christian Dresse).
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