Les Chorégies d’Orange 2026 : hélas ! (28-11-2025)

Pour l’édition de 2024, les Chorégies étaient au pied du mur. En 2025, petite parenthèse d’optimisme. En 2026, peut-on dire qu’elles vont carrément dans le mur, ou qu’elles se déconstruisent pierre à pierre ?

Certes, les métaphores sont osées, brutales. Mais elles reflètent la même réalité que la « chronique d’une mort annoncée », expression lue ou entendue ici ou là..

A la conférence de presse du 28 novembre 2025 à l’hôtel Mercure d’Orange, puisque telle est l’actualité, c’est le triumvirat Jean-Louis Grinda (directeur), Richard Galy (président, et par ailleurs responsable Culture au Conseil Régional), et Cyril Barthalois (président de l’association des Amis des Chorégies, sollicité pour « rejoindre la gouvernance du futur EPCC »), qui a présenté l’édition 2026. Hélas !

Etaient conviés également des sponsors privés et l’association des Amis.

Côté programmation

On continue dans le « light ». Très « light », en adoptant l’euphémisme, ou litote, du directeur. Après une édition 2024 « prudentielle », puis une édition 2025 qui se voulait rassurante, voici une édition 2026 écourtée et amputée.

Ecourtée (19 juin-18 juillet), pour cause de réquisition du théâtre antique par la Ville d’Orange pour un concert de la Musique de l’air. Et amputée du concert de Pop the Opera et de la 2^nde production lyrique (non citée pour éviter les regrets…).

13 spectacles en 2025, 6 prévus en 2026. Seule production lyrique pour ce Festival qui demeure encore, officiellement, « le plus ancien festival lyrique d’Europe » (créé en 1869) et qui est resté longtemps une référence en ce domaine, la Traviata (samedi 4 juillet). Et encore, en simple mise en espace et en unique représentation. Où est la double production lyrique grand spectacle, et à double représentation, voire triple pour Carmen, que nous offraient les Chorégies jusqu’en 2016 ? Certes, la Traviata 2026 affiche de grands noms (Nadine Sierra, Ludovic Tézier, Paolo Arrivabeni…), c’est le moins qu’on puisse attendre devant le grand mur d’Auguste. A côté de Traviata ? Renaud Capuçon (samedi 18 juillet), entendu l’année dernière, qui reviendra avec un programme 2026 déjà régulièrement proposé, de musiques de film en version symphonique, en l’occurrence avec l’Orchestre National Avignon-Provence. Un certain pourcentage de « recyclage » donc, alors qu’on attendrait d’un festival une vraie politique de création.

On verra aussi, dans le sillage des Black Legend de 2025, un concert The Magic of Motown par le Harlem Gospel Choir (samedi 27 juin). Ainsi que le fameux Cendrillon, par les Ballets de Monte Carlo, chorégraphié par Jean-Claude Maillot (lundi 13 juillet). Egalement… Philippe Katerine (mardi 7 juillet). Rires dans le public à l’annonce de ce nom (première et seule réaction de toute la séance). Jean-Louis Grinda désamorce tout de suite les critiques éventuelles : « Ceux qui n’aiment pas, n’ont qu’à ne pas venir. » Et il conclura : « Il m’a promis de ne pas chanter tout nu ! ». Et, heureusement, demeure l’indétrônable Musiques en Fête en juin, et offert en direct à des millions de téléspectateurs depuis plus d’une décennie.

Côté budget ?

Depuis l’année dernière, à la demande répétée des uns ou des autres, nous sont annoncés des chiffres. 300.000€ de bénéfices en 2024,  mais « -150 » en 2025. Traduire « moins 150.000€ » (le mot « déficit » n’est pas prononcé). « Mais, dit le directeur, -150 dans un budget de plusieurs millions, ce n’est pas grave. » Le pourcentage de la « billettique » (Richard Galy) reste à 60%, toujours trop haut – alors que les autres grands festivals sont entre 40 et 50% (NDLR) – ; mais loin néanmoins des 80% de la gouvernance précédente, sur laquelle Raymond Duffaut ne cessait d’attirer, en vain, l’attention des pouvoirs publics, car ses 80% d’autofinancement étaient le signe d’une vulnérabilité qui s’est vite confirmée par la suite.

Restent donc les autres 40%, des subventions. 400.000€ du Département, 750.000€ de la Région. Et une aide « substantielle » de l’État annoncée l’année dernière ; passée de 450.000€ + 50.000 pour les actions pédagogiques, à 600.000€ pour les 2 années 2025 et 2026.

Et une billetterie qui se maintient entre 13€ et 250€, selon les soirées et les places.

Côté bilan ? Et côté projets ?

2026, on l’a dit, sera une édition « light », bien malgré lui, souligne le directeur, qui insiste sur son « amertume ». Dans un contexte national où le budget de l’Etat peine à émerger, on peut comprendre que tout projet soit un pari. Et la réduction drastique de 250.000.000€ du budget de la culture il y a quelques mois n’ouvre certes pas un champ de possibles illimité ; même si la Région Sud a choisi, a contrario des Pays de la Loire par exemple, de ne pas écorner les dotations de la culture ; l’on ne peut que s’en réjouir.

On sait aussi que d’autres grands festivals de la région sont dans la tourmente, comme celui de d’Aix-en-Provence ; ou celui de La Roque d’Anthéron, pour de tout autres raisons.

Il faut compter aussi avec des impondérables, comme la météo et la billetterie. Aux spectateurs qui lui reprochent de n’avoir pas annulé certaines représentations dès les premières incertitudes météorologiques, le directeur oppose légitimement les conditions des assurances : celles-ci n’indemnisent le festival qu’en cas d’intempérie déclarée, avérée, et dûment constatée par deux huissiers. Et la billetterie : « Je peux garantir les dépenses, je ne peux pas garantir les recettes. » Une évidence.

Néanmoins, avec des subventions 2 fois plus importantes (voir le budget complet de 2015) que le directeur précédent, qui avait tenu et maintenu les Chorégies dans l’excellence pendant 4 décennies, on peut s’interroger….

Deux départs

Ce tableau augure mal de l’avenir. Dans ce contexte, les deux annonces pourtant majeures de deux départs de premier plan – pas nécessairement liés – ont été accueillies sans aucune manifestation. D’abord le départ de Paulin Reynard, directeur de production depuis 10 ans, après avoir été stagiaire pendant 3 ans – et par ailleurs le plus jeune majoral de l’histoire du félibrige en 2019 à 29 ans, devenu capoulié en 2022 – (il annoncera sous peu sa reconversion). Et surtout, le départ du directeur Jean-Louis Grinda ; celui-ci évoque des raisons de différente nature, notamment l’impossibilité pour lui de poursuivre ses activités autres, de mise en scène par exemple, dans le statut qui est actuellement le sien de directeur de la SPL (Société Publique Locale) ; le passage futur en EPCC (Établissement Public de Coopération Culturelle) ne lui permettrait pas d’assurer ses fonctions dans le même cadre statutaire.

Il faudra donc recruter un nouveau directeur. Jean-Louis Grinda assure qu’il se retire, conscient malgré tout de l’inquiétude de la petite équipe de 7 personnes, mais « sans drame » pour lui ; il restera « vigilant le temps qu’il faudra, sur ce qui se passe ici ». Que faut-il comprendre ? Un accompagnement, un tuilage, un contrôle ?

Au pied du mur ? Droit dans le mur ? Mort annoncée ? D’après les réactions entendues ces dernières années sur les gradins, on peut hésiter entre colère, indignation, révolte, tristesse. En tout cas, un sacré gâchis.

Pour trouver un nouveau directeur qui puisse redresser, si c’est possible, les Chorégies, il faut trouver la perle rare : une personnalité marquante, une figure reconnue voire charismatique. À quelques jours de la période calendale, on peut croire au Père Noël.

G.ad.

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