Au commencement étaient les carrières au cœur du bien nommé Val d’Enfer
Ces blocs de pierre tombés en désordre et découpant depuis 15 millions d’années des sculptures inattendues, cette vallée encaissée, cette végétation indisciplinée, ce mystère, que le ciel soit bleu, pâlichon, ou orageux, en face de la forteresse sur le piton rocheux, ne pouvaient que donner naissance à des légendes inquiétantes. Le lieu a été exploité en carrières de calcaire depuis les Romains, servant ensuite, à l’époque médiévale, pour la construction du Château et de la Cité des Baux. Jusqu’en 1880 on en extrayait des blocs de 2m3, d’abord à la barre de fer puis à la scie crocodile, à plein régime jusqu’en 1925-35.
Puis Cocteau est venu…
En 1959, émerveillé par la beauté des lieux et de leur environnement, Jean Cocteau décide d’y tourner des séquences de son film Le Testament d’Orphée, toujours visible dans la partie dédiée des Carrières (20 min.)
C’est ensuite la Cathédrale d’images
Ce lieu qui défie l’imagination, ce décor naturel qui ressemble à une construction de studio, comment pourrait-on ne pas l’exploiter ? C’est Albert Plécy, rédacteur en chef du Parisien libéré, qui en 1975 tombe amoureux de ces Carrières des Grands-Fonds, alors désaffectées.
Il imagine une projection d’images géantes sur les parois lisses (4.000m2, ni sol ni voûte), affectant, pour ce festival d’images, un sujet différent à chaque millésime, comme Fééries de la Mer et Inde éternelle (1978), Impressions de Van Gogh (déjà !) et Les Plus belles Nativités (1989), Les Portes de l’Europe et Femmes, Anges, Madones (1992), l’Or des Alpilles et Un Hiver à Venise (1995), Paul Cézanne (2006), Vincent Van Gogh, et Venise (un éblouissement !) (2008), Pablo Picasso (2009, la Cathédrale d’images accueille alors plus de 250.000 visiteurs, détenant ainsi – ou frôlant – le record de fréquentation d’une entreprise privée culturelle en Europe), ou Australie (2010).
Mais certains intérêts, artistiques et autres, dont nous ne voulons pas connaître les détails, font qu’en 2011, la ville des Baux-de-Provence attribue la gestion des Carrières à Culturespaces, par délégation de service public, et malgré la société Cathédrale d’images (marque déposée) qui les occupait depuis 36 ans et avait créé le concept de festival d’images.
Arrive donc Culturespaces…
En Région Sud, Culturespaces gère un Musée et centre d’art (l’Hôtel de Caumont à Aix-en-Provence), 4 Monuments historiques (le Théâtre antique d’Orange ; la Villa & Jardins Ephrussi de Rothschild à St-Jean-Cap-Ferrat ; les arènes, Maison Carrée, Tour Magne à Nîmes ; le Château des Baux-de-Provence), ainsi que des Centres d’art numériques (les Carrières des Lumières des Baux-de-Provence, mais aussi ses petits frères, l’Atelier des Lumières, installé en 2018 dans une ancienne fonderie du 11e arrondissement de Paris, et le Bunker des Lumières, ouvert en 2018 également en Corée du Sud).
Culturespaces avait également géré dans notre région le Palais des papes d’Avignon (jusqu’en 2000) ainsi que la Villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer (jusqu’en 2015).
Avec Culturespaces naissent les Carrières des Lumières…
Désormais vont se succéder, comme auparavant, mais à une échelle élargie et avec des moyens techniques et financiers sans comparaison, des expositions immersives annuelles, à vous couper le souffle, et dont la fréquentation ne cesse de croître. Elles sont toutes signées par Gianfranco Iannuzzi (directeur artistique et réalisateur), Renato Gatto (réalisateur) et Massimiliano Siccardi (réalisateur et videomaker), avec la collaboration musicale de Luca Longobardi, parfois simple arrangeur, parfois compositeur à part entière.
– En 2012, voici Gauguin, Van Gogh (déjà et encore !), les peintres de la couleur. Cette toute première réalisation attire déjà 250.000 visiteurs, comme Picasso en 2009 sous la bannière de la Cathédrale d’images. Elle tisse des liens entre les deux peintres, tout en mettant en lumière leur utilisation différente de la palette chromatique.
- En 2013, place à Monet, Renoir, Chagall… Voyages en Méditerranée. C’est en effet un formidable « voyage en Méditerranée », sur les rives (surtout) et sur l’eau (un peu), à travers pas moins de 16 peintres des XIX et XXe siècles.
- En 2014, Klimt et Vienne traverse 100 ans de peinture viennoise, à travers Gustav Klimt, mais aussi ses contemporains et ses épigones. J’avoue que cette exposition, plus explicitement didactique, est sans doute celle à laquelle j’ai le moins adhéré, malgré les œuvres somptueuses qui l’habitaient.
- L’année 2015 verra trois titans, avec Michel Ange, Léonard de Vinci, Raphaël. Les géants de la Renaissance. Un triptyque impressionnant, foisonnant comme tous ; il fallait avoir une culture picturale sans faille pour apprécier toute la substantifique moelle de la présentation.
- En 2016, Chagall, Songes d’une nuit d’été, atteint 560.000 visiteurs (en 5 ans, on a plus que doublé la fréquentation !). La bande son est signée de Mikaël Rudy, immense pianiste russe, compatriote et ami de Chagall (photo, 1er à dr.), qui a illuminé de sa présence la visite de presse de cette année-là, donnant des clefs pour une approche inédite de cette œuvre très dense et expressive.
- En 2017, les amoureux des pays du Nord ont été gâtés, avec une nouvelle création Bosch, Brueghel, Arcimboldo, trois artistes du XVIe siècle à l’imagination débridée.
- En 2018, retour en arrière, ou presque, avec Picasso et les maîtres espagnols, exposition qui, par Picasso, Goya ou Sorolla, explorait un siècle de peinture ibérique. L’exposition brève, Pop, se révélait jubilatoire, avec musique planante, souvenirs de Woodstock…
- En 2019, toujours aussi bluffante, La Nuit étoilée de Van Gogh, accompagnée d’un programme court sur le Japon.
- En 2020, la pandémie du Coronavirus entraîne l’annulation de l’exposition Dali.
- Et en 2021 s’annoncent Cézanne et Kandinsky.
Ces expositions ont une deuxième, et une troisième vie. Chaque année, en cours d’été, une, deux, ou trois soirées présente(nt) des « nocturnes », ou, mieux, la projection en intégralité des expositions antérieures : exposition principale, sans le film annexe.
Elles jettent aussi des ponts vers Paris ou la Corée (voir infra).
Et si nous plongions dans le monde étourdissant des chiffres ?
Les piliers naturels de ces carrières de 15 millions d’années mesurent entre 5 et 10 mètres à la base et jusqu’à 16 mètres de haut. La surface de projection (tous les piliers sur toutes leurs faces, ainsi que sol et voûte) atteint 7.000m2 pour environ 4.000 images – projetées, fixes ou animées, mixées, fondues… – de 500 œuvres minutieusement sélectionnées. Réglées par 26 serveurs informatique, les images jaillissent de quelque 100 projecteurs laser disséminés dans tout l’espace, serveurs et vidéo-projecteurs (à phosphore laser) pouvant être distants d’environ 200m. La durée d’utilisation des vidéo-projecteurs est d’environ 20.000h.
De 250.000 visiteurs en 2012, première année d’exploitation sous le nouveau label, Culturespaces est passé à une fréquentation moyenne actuelle de 600.000 visiteurs.
L’énormité des chiffres permet d’apprécier à leur juste valeur ces réalisations, toujours spectaculaires.
L’on attend chaque année avec la même fébrile impatience la nouvelle exposition immersive, avec son programme long et son programme court, dont le calendrier s’étend de mars à janvier suivant.
G.ad. Photos G.ad. 2021
- En 2023, “De Vermeer à Van Gogh, les maîtres hollandais” (programme long) et “Kandinsky, l’architecte de la couleur” (programme court), et notre rencontre avec Virginie Martin, directrice artistique. Ainsi que “Tintin, l’exposition immersive”.
Calvin dit
Magique, j’ai connu “la cathédrale d’images”, puis “les carrières de lumières”
les thèmes sont toujours fabuleux, on est immergé dans un autre monde ; on est éblouie par toutes ces images spectaculaires projetées sur ces grands murs, on ne sait plus où regarder.
Très belle idée de culture pour tous.
Classique dit
Merci pour votre message. En effet, le terme d'”immersion” est celui qui convient tout à fait.
Dans d’autres pages de Classiqueenprovence, vous aurez aussi un aperçu des expositions des années suivantes.
Cordialement, G.ad.
Валентин dit
Suite aux dernières annonces gouvernementales, nous rouvrirons nos portes à partir du mercredi 19 mai. La billetterie en ligne est ouverte, vous pouvez dès à présent réserver vos billets. Nous mettons tout en place pour vous assurer une visite en toute sécurité. En savoir plus : Remis gratuitement aux enfants de 7 à 12 ans à l’entrée de chaque site Culturespaces, le livret-jeux leur permet d’apprendre tout en s’amusant et de découvrir un site historique de façon ludique grâce à différents jeux et énigmes. Ils sont accompagnés pendant toute leur visite par Hugo et Léa, deux enfants espiègles.