« Bayreuth en Provence »
Lundi 10 avril 2023, Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
Festival de Pâques, 10e édition
Richard Wagner (1813-1883), Le vaisseau fantôme (Der fliegende Holländer),
Gürzenich und Chor des Oper Köln. François-Xavier Roth, direction
François-Xavier Roth, direction. Rustam Samedov, chef de choeur
James Rutherford, Der Holländer (Le Hollandais). Karl-Heinz Lehner, Daland. Ingela Brimberg, Senta. Maximilian Schmitt, Erik. Dalia Schaechter, Mary. Dmitry Ivanchey, Der Steuermann (Le Pilote)
« Bayreuth en Provence », tel était le titre donné par les organisateurs eux-mêmes à ce « festival dans le festival », annonçant ainsi, pour la première fois, 3 concerts Wagner : Le Vaisseau fantôme, par l’Opéra de Cologne, après l’Opéra de Vienne, accueilli en 2018 (le 10 avril) ; mais aussi « Wagner à l’italienne », avec 2 orchestres italiens, l’Orchestre symphonique national de la Rai, de Turin, sous la baguette de Fabio Luisi (le 8 avril, notre compte rendu), et l’Orchestra Mozart de Bologne dirigé par Daniele Gatti, dans un intimiste Siegfried Idyll (le 12 avril).
En l’occurrence ce soir, Le Vaisseau fantôme se donnait en version de concert, mais le spectacle était bien réel !
Un opéra en simple version concert, cela vaut-il le déplacement ? Cassons le suspens tout de suite : ce concert avait beaucoup d’expressivité dans l’attitude corporelle et faciale des solistes. Cette distribution s’est produite également en version scénique ; la connivence des artistes, déjà établie, se constate rapidement et compense avantageusement nombre de mises en scène aux décors indigents, voire remplacés par des projections en fond de scène.
J’ai eu plaisir à réentendre, redécouvrir même, cette œuvre de Wagner, certes dramatique, mais où le compositeur-librettiste a glissé de nombreux traits d’humour. Il nous entraîne d’un état à l’autre en jouant sur toute l’étendue des longueurs d’ondes détectables, à travers l’ensemble des instruments, des 7 contrebasses jusqu’au picolo. Les différents sentiments qui nous traversent sont accentués par la maestria avec laquelle François-Xavier Roth dirige l’orchestre et les chœurs de Cologne ; leur complicité est palpable dès les premières mesures, de même qu’avec les solistes, comme le 1er basson, qui ne quitte pas le ténor des yeux pour épouser au mieux son tempo.
On ne saurait féliciter assez les interprètes de chacun des rôles ! Si tous ont offert une prestation de grande qualité, d’une intensité remarquée, on adresse néanmoins une mention spéciale à Ingela Brimberg (Senta). Le public ne s’y est pas trompé, qui l’a particulièrement applaudie. Karl-Heinz Lehner (Daland) était aussi parfait pour le rôle, qu’il a habité physiquement et vocalement. Les ténors Dimitri Ivanchey et Maximilian Schmitt (Erik) étaient puissants et précis. Ce dernier et James Rutherford (Der Holländer) avaient poussé le mimétisme de la rivalité en portant la même tenue de ville. Leur physique étant semblable, seule la tessiture les a distingués : très sobre, le jeu scénique de cette version concertante était néanmoins efficace !
Choriste amateur moi-même, je suis sensible au rôle des ensembles ; les choeurs de Cologne, ne lisant que rarement leur partition, sont totalement concentrés sur la direction du chef ; l’homogénéité de leur formation, la précision de leurs attaques, la souplesse de leur ligne mélodique, la force et la vivacité de leur interprétation, ont donné un beau relief d’expressivité au Peuple et aux Marins dont ils portaient la voix.
Chaque interprète a largement contribué à faire de cette soirée un moment intense du Festival de Pâques 2023.
N.A. Photos N.A.
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