Voix d’anges pour mots de grands…
Francis Poulenc (1899-1963), Litanies à la Vierge Noire pour chœur et orgue. Olivier Messiaen (1908-1992), Louange à l’immortalité de Jésus pour violon et orgue. Jehan Alain (1911-1940), Ave Maria sur une vocalise dorienne pour chœur a cappella ; Trois Mouvements pour violon et orgue. Olivier Messiaen, O Sacrum Convivium, pour chœur a cappella. Gabriel Fauré (1845-1924), Requiem op. 48, pour solistes, chœur, violon solo et orgue.
Dans le cadre des Automnales de l’orgue, du 100e anniversaire de l’Armistice de 1918, 110e anniversaire de la naissance d’Olivier Messiaen.
Samuel Coquard, direction musicale (notre entretien ici). Luca Volfin, soprano enfant ; Laurent Arcaro, baryton. Luc Antonini, orgue. Anne-Cécile Brielles, violon. Maîtrise des Bouches-du-Rhône, pôle d’Art Vocal. Asmara chœur de chambre.
Par quel miracle, en ce dimanche après-midi, la collégiale Saint-Didier d’Avignon s’est-elle remplie au-delà de toute attente, même en comptabilisant les familles et amis des 47 petits choristes et de leur chef, des deux instrumentistes bien connus localement, et les mélomanes fidèles aux trois structures qui co-réalisaient ce concert, l’Opéra Grand Avignon, Musique Sacrée-Orgue en Avignon et la Maîtrise des Bouches-du-Rhône ? L’affiche n’était pourtant pas « grand public », puisque, à côté du – certes célèbre – Requiem de Fauré (dans sa 1e version, pour chœur d’enfants, créée sous la direction du compositeur, 1888-93) figuraient des œuvres moins directement accessibles, Poulenc et Messiaen, compositeurs qui ont tous deux des attaches avec la ville d’Avignon : l’un, pour y avoir écrit un acte de ses Dialogues des Carmélites, l’autre pour y être né il y a juste 110 ans, et y avoir été baptisé dans cette église même, le jour de Noël ; j’avais d’ailleurs la plaque murale commémorative, juste dans mon champ visuel tout au long du concert…
Le concert, alternant les œuvres chorales et les pièces instrumentales (repos pour les voix) aux univers complémentaires, fut de belle qualité.
Le dispositif vidéo avait été confié à Jean-Pierre Lecaudey ; la caméra fixe, à la tribune, captait les jeux de mains (pas de pieds, contrairement à la caméra mobile de Gonzague Zeno, habituellement chargé des retransmissions sur écran), notamment les croisements virtuoses dans les Trois Mouvements de Jehan Alain, compositeur que Luc Antonini a eu à cœur de faire connaître depuis quelques années, accueillant jadis sa sœur lors d’un concert exceptionnel. Le jeu d’archet d’Anne-Cécile Brielles a été également capté plus longuement dans la Louange de Messiaen.
La Maîtrise, en formations variables suivant les œuvres (Chœur d’enfants, Jeune Chœur et Chœur de chambre professionnel Asmara – hommes seulement, les voix féminines étant assurées par les enfants -) a recueilli des applaudissements mérités. Rigueur, discipline quasi militaire, en uniforme sombre, forcent l’admiration.
La diction impeccable, tant en latin qu’en français, rendait inutile tout livret de texte… d’ailleurs absent, la feuille de salle étant minimaliste.
On est impressionné par la technique de ces jeunes artistes, jouant avec un brio confirmé, du fortissimo au pianissimo, avec des finales tenues solidement, jusqu’à bouche fermée en un instant suspendu (O Sacrum Convivium). Le « Pie Jesu », chanté de la tribune, sans partition, a montré dans le jeune Luca Volfin un timbre clair, une projection parfaite et une maestria qui fait honneur à son chef de chœur Samuel Coquard (notre entretien)… avec un roulement des « r » comme un pro ! Et l’excellent baryton Laurent Arcaro a offert un « Libera me » bouleversant, malgré une voix que les premiers frimas avaient quelque peu malmenée.
Encore plus bouleversantes encore, toutes ces suppliques d’adultes confrontés de près à la mort, dans des bouches juvéniles et des voix d’anges, si jeunes, si jeunes…
Le public a été sensible à la qualité de l’interprétation et de la direction musicale, à l’émotion partagée.
Il y a tout juste un an, l’Orchestre Régional Avignon-Provence, avec deux solistes, donnait l’autre version de ce Requiem (notre compte rendu ici).
La Maîtrise des Bouches-du-Rhône donnera le même concert à Aix-en-Provence, le dimanche 11 novembre à 16h, à la cathédrale Saint-Sauveur. Puis elle partira en tournée en Vendée pour le festival des choeurs d’enfants. Elle reviendra à Avignon, à la collégiale St-Symphorien-les-Carmes le 23 décembre, en co-réalisation avec l’Opéra Grand Avignon et avec la Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon, pour un concert de Noël. (G.ad. Photos de concert, G.ad.)