Dans le cadre de la Saison internationale 2021-2022 de Musique Sacrée/Orgue en Avignon (site officiel), et en clôture des XXIXes Automnales de l’Orgue. Samedi 27 novembre, 17h, Amphithéâtre Mozart. Conservatoire à Rayonnement Régional du Grand Avignon
Robert Schumann (1810-1856), Quintette pour piano et cordes op.44 en mi bémol majeur (1842) : allegro brillante ; in modo d’une marcia, un poco largamente ; scherzo, molto vivace ; allegro ma non troppo. Isabelle Chauvalon (née en 1955), Hoffnungsschimmer (Lueur d’espoir), Quintette pour piano et cordes, création. Grégoire Rolland (né en 1989), Trois danses pour piano et cordes : valse, passacaille, tambourin, création. Luc Antonini (né en 1961), Prélude, Alles Vergängliche…. Das Ewig-Weibliche….. Soprano, quintette pour piano et cordes (2020), en mémoire du poète Michel Bernard.
Quatuor Girard (Grégoire Girard & Agathe Girard, violons ; Hugues Girard, alto ; Lucie Girard, violoncelle). Petra Ahlander, soprano. Moya Yu-Rolland, piano
La création d’une œuvre appelle toujours ceux qui sont curieux de découvertes. Aussi n’avais-je pas hésité, ce 26 novembre, à me présenter au Conservatoire du Grand Avignon, pour y entendre non pas une, mais trois créations proposées par l’association Musique sacrée et orgue en Avignon, œuvres pour quintette à cordes et piano (plus une soprano, pour l’une d’entre elles), commandées, avec l’aide de la SACEM, à trois compositeurs, Isabelle Chauvalon, Luc Antonini et Grégoire Rolland, ces deux derniers étant également organistes, tous n’en étant pas à leur premier essai, tant en musique de chambre, que vocale ou pour orchestre.
Mais pas d’orgue, pas de musique sacrée, cette fois. N’oublions pas que l’un des objectifs de l’association est aussi l’encouragement à la création. Pour ces œuvres nouvelles, le choix avait été fait de rendre un hommage à Robert Schumann (mais aussi à Goethe), ce qui explique certains titres en allemand, et, étant donné la formation instrumentale choisie, de les mettre en regard du quintette de ce même compositeur.
Je dirai d’emblée que ces œuvres sont aisément identifiables comme contemporaines, mais qu’elles restent accessibles à des oreilles un peu habituées et qu’elles devraient trouver leur place dans le répertoire pour peu qu’elles soient diffusées et rejouées (par d’autres), problème des œuvres contemporaines qui après leur création tombent trop souvent aux oubliettes.
Les trois danses de Grégoire Rolland ouvraient le concert, pour moi l’œuvre la plus accessible. D’abord une valse, inspirée de celle décrite par Goethe dans « Les souffrances du jeune Werther », décidée et énergique, dont certains passages m’ont curieusement rappelé Ravel, peut-être par un certain dramatisme. La passacaille se développe, lente et ample, pour s’achever dans une atmosphère apaisante et extatique. Quant au tambourin, gai et enlevé, il donnait à la Provence une modernité musicale qui n’était pas pour me déplaire.
L’œuvre suivante était celle d’Isabelle Chauvalon, Hoffnungsschimmer, une « lueur d’espoir » qui pour l’auteure lui semble s’accorder à la personnalité de Schumann et au romantisme allemand. A chacun d’apprécier. Dans un premier mouvement lent se répondent en alternance piano et cordes, lesquelles déroulent de longs élans ascendants, comme une recherche vers la lumière. Le second mouvement, plus agité et énergique, voit aussi le quatuor répondre aux appels du piano pour aboutir, dans le registre suraigu, à une fin « symbolisant la clarté lumineuse à laquelle on aspire ».
Quant à Luc Antonini, il avoue que ses pièces sont librement inspirées des derniers vers du second Faust de Goethe. Dans la première, vive et agitée, le piano domine le débat. Il disparaît dans la deuxième, plus calme, pour laisser la place au seul quatuor proposant un mouvement lent dont le joli jeu de sonorités conduit au recueillement, mais mouvement peut-être un peu long. Dans la troisième pièce intervient la soprano, Petra Ahlander, offrant un poème mis en musique à la mémoire de son auteur, ami du compositeur et récemment disparu, Michel Bernard (1929-2021), « Infime geste ». Le mouvement est lent et recueilli, empreint de sérénité, pour s’achever dans la délicatesse. Une observation cependant, un reproche souvent fait à nos chanteurs actuels, la diction, qui, plus claire, aurait permis de mieux apprécier le lien entre la musique et la teneur du poème.
Le jeune quatuor Girard (Grégoire et Agathe, violons ; Hugues, alto ; Lucie, violoncelle) et la pianiste Moya Yu-Rolland ont parfaitement maîtrisé leur sujet et, en présence des compositeurs, assuré avec autorité ces créations. Ils nous ont également offert, joué avec fougue et passion, sans engendrer aucun ennui, un fort beau quintette de Schumann, avec toutefois un « bémol » pour le premier mouvement, joué trop fort. Mais il faut le souligner ici, valable pour l’ensemble du concert, l’acoustique de la salle Mozart accroît les forte et les tutti appuyés, ce qui a pu nuire, en quelques occasions, au plaisir de l’écoute.
Notons que le Quatuor Girard est bien connu des Avignonnais et affiche ici sa nouvelle configuration. Dans la fratrie des neuf musiciens avignonnais, le Quatuor, dont la renommée a largement passé les frontières, c’est Lucie qui assure la continuité, la formation s’étant déjà plusieurs fois modifiée, avec le même talent. Le benjamin, Grégoire, 23 ans, déjà lauréat de divers concours, est entré l’an dernier dans la formation en tant que 1er violon. Ayant lancé, en été 2020 sous l’illustre parrainage de Frédéric Lodéon, le Festival Rosa Musica (alors appelé Vallée-du-Rhône en musique) et l’ayant poursuivi en 2021, il lance désormais Rosa Musica hiver, que l’on pourra entendre sous peu à Avignon – et qui sera bientôt dans nos pages -.
B.D.
Laisser un commentaire