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Opéra Grand Avignon, Saison de la Lune, vendredi 7 octobre 2022, 20h ; dimanche 9 octobre, 14h30. Durée 3h45
Le Chevalier à la rose, Opéra en trois actes de Richard Strauss. Titre original Der Rosenkavalier. Livret de Hugo von Hofmannsthal. Création à Dresde le 26 janvier 1911. Chanté en allemand surtitré en français.
Direction musicale, Jochem Hochstenbach. Mise en scène, Jean-Claude Berutti. Scénographie, Rudy Sabounghi. Costumes, Jeanny Kratochwil. Lumières, Christophe Forey. Assistant à la mise en scène, Vladimir Steyaert. Etudes musicales, Thomas Palmer
Die Feldmarschallin, Tineke Van Ingelgem. Der Baron Ochs, Mischa Schelomianksi. Octavian. Hanna-Larissa Laujoks, remplaçant Violette Polchi souffrante. Herr Von Faninal, Jean-Marc Salzmann (notre entretien). Sophie, Sheva Tehoval. Marianne Leitmetzerin, Diana Axentii. Valzacchi, Kresimir Spicer. Annina, Hélène Bernardy. Der Haushofmeister der Marshallin / bei Faninal, Ein Wirt, Olivier Trommenschlager. Ein Sänger. Carlos Natale. Ein Polizeikommissar, Jean-François Baron. Ein Notar, Saeid Alkhouri. Eine Modistin, Clelia Moreau. Ein Tierhändler, NN. Drei adlige Waisen, Fantine Baudelot, Estelle Bobey, Angelina Lapalombara
Orchestre National Avignon-Provence
Choeur de l’Opéra Grand Avignon. Direction, Aurore Marchand
Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon. Direction, Florence Goyon-Pogemberg
Nouvelle production – En coproduction avec Theater Trier
Ni comédie légère ni drame sanglant, requérant la finesse de l’une et la profondeur de l’autre, Le Chevalier à la rose a fait, en ce vendredi 7 octobre 2022, son entrée à l’Opéra Grand Avignon, une production fort applaudie voire acclamée par le public, pour presque 4 heures de représentation entrecoupées de deux entractes. Elle réserve quelques moments de délicatesse exquise, comme la troublante complainte de la Maréchale (fin acte I – la fuite du temps est un leitmotiv important, comme le souligne le sablier conclusif) ou le trio Maréchale/ Octavian/ Sophie (acte III), où la poésie d’Hofmannsthal est pleinement sublimée par la sensibilité des interprètes ; et elle s’offre quelques envolées de légèreté, avec le motif récurrent de la valse qu’on se surprendrait presque à fredonner…
La soprano belge Tineke Van Ingelgem (la Maréchale) – à la fois imposante et sensible, et tout en nuances dans sa phrase mélodique – et la basse russe Misha Schelomianski (le baron Ochs, étonnant de muflerie et de suffisance, image d’une aristocratie déclinante et désespérément accrochée à son lustre révolu) dominent la distribution, par leur prestance, par la solidité de leur voix et de leur jeu ; mais l’applaudimètre a clairement montré que la distribution internationale était parfaitement équilibrée. La mezzo allemande Hanna-Larissa Laujoks, remplaçant au pied levé Violette Polchi souffrante, a composé avec aisance un Octavian complexe, qu’elle chante depuis 2019 ; sa voix ample et souple, aux couleurs diverses, se joue des difficultés du rôle ; et si elle livre un jeu quelque peu forcé, inutilement décalé, dans le costume de la soubrette, elle s’impose, subtile et juste dans le volet masculin, aussi convaincante en amant fougueux de la Maréchale qu’en amoureux émerveillé de Sophie.
Le jeune couple de tourtereaux, qui a presque l’âge du rôle, est émouvant sans mièvrerie, et Sheva Tehoval – qu’on a vue à Marseille et reverra à Avignon dans Le Voyage dans la lune – confère à la donzelle l’enthousiasme de la jeunesse, la sincérité farouche dans le refus du mariage avec le barbon cynique, et le respect sans compromission pour son père veule et opportuniste ; sa ligne de chant assurée et précise s’affirme avec l’évolution du personnage, et sa présence en scène dément la fadeur fréquente des jeunes premières ; pour celle qui fut lauréate notamment du Concours Reine Elisabeth en 2014, alors qu’elle était la plus jeune candidate, « la valeur n’attend pas, etc… ». Difficile aussi, le rôle du père, Faninal ; personnage de comédie (acte II), il bascule dans le drame familial éprouvant avant de se refaire une jeunesse fringante aux côtés de la Maréchale en recherche de sensations nouvelles après la perte de son jeune amant (III) ; le baryton Jean-Marc Salzmann (voir notre entretien) est crédible dans toute l’étendue de sa palette vocale et scénique ; profonde et chaude dans la douleur de la désillusion, ou sirupeuse dans l’odieuse flagornerie, il habite avec force un rôle épisodique mais aussi complexe que la pièce, dont la mise en scène intelligente de Jean-Claude Berutti emprunte autant à Molière qu’à Mozart (les trois masques de Don Giovanni), ou au cinéma muet, projeté en fond de décor. Ce décor, sombre et sobre, traverse l’ensemble de la production, au prix de quelques ajustements (acte II) et pivotement de panneaux mobiles (acte III) ; il donne une unité à des lieux disparates, entre les appartements de la maréchale (I), la maison de M. de Faninal (II) et l’auberge (III), et parvient très vite à se faire oublier, concentrant l’action sur les personnages, aidé en cela par le jeu de lumières de Christophe Forey. Les anachronismes entre costume-cravate et frous-frous-perruques du XVIIIe dessinent une mise en abyme piquante.
Les Chœurs, bien préparés par Aurore Marchand, fournissent aussi quelques rôles solistes ; on a remarqué aussi la soprano avignonnaise Pauline Rouillard, vue sur la scène de la Fenice en 2016 ; et les jeunes de la Maîtrise, sous la houlette de Florence Goyon-Pogemberg, s’amusent visiblement à étriller le Baron Ochs en essaim de faux enfants légitimes ; tous font honneur à la maison avignonnaise, et l’on attend avec impatience la production qui unira l’intégralité de ses forces vives – chœurs, maîtrise, ballet -.
L’Orchestre National Avignon-Provence a décliné avec souplesse et précision – après une ouverture un peu martiale – cette partition difficile qu’il découvrait, et qui exige une attention de tous les instants, intelligemment sollicité par l’excellent chef néerlandais Jochem Hochstenbach, directeur musical général du Théâtre de Trèves depuis 2018.
Ce Rosenkavalier est en effet une co-production avec le théâtre de Trêves, où il avait été annulé en raison de la pandémie, en avril 2020, puis en mars 2021. Plusieurs personnalités, de la ville et du théâtre trévois, ont honoré de leur présence cette représentation à Avignon. Et s’il ne régnait pas, en ce vendredi soir dans la cité des papes, l’effervescence festive d’une ouverture de saison scaligère, la programmation lyrique 2022-2023 a néanmoins été inaugurée dans la qualité, devant une salle honorable à défaut d’être pleine.
Par ailleurs, cette soirée du 7 octobre 2022 inaugurait aussi, plus anecdotiquement, les rencontres pré-opéra dans la charmante salle des Préludes – une mise en perspective d’une demi-heure, situant l’œuvre dans son contexte, devant une petite trentaine d’auditeurs -, et un service de petite restauration au bar – en début de soirée, et pendant les entractes -.
G.ad. Photos Mickaël & Cédric/ Studio Delestrade, Avignon
Argument (document Opéra Grand Avignon)
À Vienne, au XVIIIe siècle.
Acte I
La chambre de la Maréchale au petit jour
La Maréchale et son jeune amant Octavian échangent des mots tendres. Un bruit dans l’antichambre fait craindre le retour de l’époux de la Maréchale. Mais c’est un cousin, le baron Ochs auf Lerchenau, qui cherche à entrer. Octavian, n’ayant pas le temps de sortir, revêt la robe de Mariandel, la soubrette. Le baron, séduit par les charmes de Mariandel/ Octavian, l’empêche de partir. Ochs est venu parler de son proche mariage avec la fille de M. de Faninal, riche commerçant récemment anobli. Il demande à la Maréchale de désigner l’homme digne de présenter à sa fiancée une rose d’argent, comme le veut la coutume. La Maréchale, amusée de voir le baron courtiser Octavian déguisé, lui propose le jeune comte Octavian Rofrano. Elle lui montre un médaillon. Ochs est frappé par la ressemblance du comte avec la soubrette Mariandel et se montre d’autant plus satisfait de ce choix. L’entretien est interrompu par l’entrée des gens de la Maréchale : le notaire, le chef de cuisine, une modiste, un couple d’intrigants, le coiffeur, des musiciens, etc. Un ténor se met à chanter. Le baron Ochs et le notaire discutent avec véhémence le contrat de mariage. La Maréchale fait sortir tout le monde. Les intrigants Valzacchi et Annina offrent leurs services à Ochs qui pense les utiliser pour obtenir un rendez-vous avec Mariandel. Restée seule, la Maréchale est prise de mélancolie. Elle sent venir le déclin de sa jeunesse et pressent que son jeune amant la quittera bientôt. Octavian, de retour, proteste et l’assure de son amour. Pourtant, il la quitte sans un baiser quand elle renonce à une promenade avec lui.
Acte II
Chez M. de Faninal
C’est l’heure de la réception du chevalier à la rose. Le comte Octavian Rofrano présente la rose d’argent à Sophie de Faninal. Le dialogue s’engage entre les deux jeunes gens qui sont aussitôt attirés l’un par l’autre. Le comportement grossier du baron Ochs à son arrivée choque profondément Sophie. Quand Faninal emmène le baron pour la signature du contrat de mariage, Sophie, restée seule avec Octavian, lui demande de la protéger. Elle est bien décidée à ne pas épouser son prétendant. La conversation de plus en plus tendre des deux jeunes gens est épiée par Valzacchi et Annina, qui préviennent le baron. Octavian somme le baron de renoncer à Sophie. Le ton monte. Ochs est finalement obligé de dégainer son épée et Octavian le blesse au bras. Le baron hurle et tout le monde crie au scandale. Faninal renvoie Octavian et menace Sophie de l’envoyer au couvent si elle s’oppose au mariage avec Ochs. Le baron reçoit un billet doux de Mariandel et la perspective d’un rendez-vous lui fait oublier sa mésaventure.
Acte III
Une chambre dans une auberge
Valzacchi et Annina, furieux de n’avoir pas été récompensés par le baron, sont passés au service d’Octavian. Ils introduisent des comparses qui se cachent pour surprendre le baron en compagnie de la soi-disant soubrette. Ochs et Mariandel se mettent à table. Le baron, troublé par la ressemblance avec Octavian, se sent mal à l’aise. Annina, dissimulée sous des vêtements de deuil, se présente et prétend être sa femme abandonnée. Des enfants font irruption en criant : « Papa ! Papa ! » Tout le personnel accourt. Octavian envoie chercher Faninal. Un commissaire de police interroge le baron. Ochs prétend qu’il est simplement en train de souper avec sa fiancée mais Faninal et Sophie surviennent et le scandale est complet. La Maréchale, avertie de la situation, arrive et devine tout. Elle fait comprendre au baron Ochs qu’il conviendrait pour sa dignité de disparaître promptement et il se voit contraint d’obéir. Son départ provoque une grande agitation parmi le personnel qui cherche à être payé. Une fois le calme revenu, la Maréchale reste seule avec Sophie et Octavian. Le jeune homme ne sait que dire mais la Maréchale a déjà compris que le jour qu’elle redoutait était arrivé. Elle conduit Sophie vers Octavian et se retire. Les deux jeunes gens, restés seuls, chantent leur bonheur.
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