Un spectacle réjouissant
Le Bourgeois Gentilhomme, comédie-ballet de Molière avec musique de Lully, à l’Opéra de Marseille, le 19 novembre 2021. Programmation du Théâtre du Gymnase de Marseille (site officiel)
Mise en Scène, Jérôme Deschamps ; décor, Félix Deschamps ; costumes, Vanessa Sannino ; chorégraphe, Natalie van Parys ; lumières, François Menou
Comédiens : Pauline Gardel (Lucile), Jean-Claude Bolle Reddat (Maître de Philosophie), Sébastien Boudrot (Maître de musique, Tailleur), Vincent Debost (Covielle, Maître d’armes), Jérôme Deschamps (Monsieur Jourdain), Aurélien Gabrielli (Cléonte), Guillaume Laloux (Dorante, Maître de danse), Josiane Stoleru (Madame Jourdain), Pauline Tricot (Nicole), Bénédicte Choisnet (Dorimène)
Chanteurs : Jérôme Varnier (basse), Vincent Lièvre Picard (haute contre), Natalie Pérez (soprano), Lisandro Nesis (ténor)
Danseurs : Maya Kawatake Pinon, Quentin Ferrari, Pierre Guilbault, Anna Chirescu
Avec l’Académie des Musiciens du Louvre, en partenariat avec le Jeune Orchestre de l’Abbaye et le CRR Paris
Direction musicale : David Dewaste
Le théâtre a rendez-vous pour trois soirées à l’Opéra de Marseille, pour la comédie-ballet Le Bourgeois gentilhomme qui mêle tous les arts, dont la musique et le chant. On est heureux de voir une salle pleine en ce vendredi soir, avec une jauge revenue à sa capacité d’avant-Covid, du fait du nombre réduit des dix musiciens, qui les autorise à jouer dans la fosse habituelle. Celle-ci est tout de même relevée pour ses interventions régulières d’un répertoire baroque émis dans un volume réduit. Placés sous la direction musicale de David Dewaste, qui joue également du tambourin, les instrumentistes de l’Académie des Musiciens du Louvre font un sans-faute dans les compositions de Lully… mais pas que ! Plusieurs entrées en scène de monsieur Jourdain sont en effet annoncées par le générique bien connu des retransmissions en Eurovision, un passage du Te Deum de Marc-Antoine Charpentier.
Créée en 2019 au Printemps de Comédiens Montpellier, la production de Jérôme Deschamps n’a sans doute pas tourné autant que prévu depuis lors, empêchée par la crise sanitaire. Les étapes reprennent en cet automne, le public de Marseille et sa région s’en félicitent. Car cette mise en scène est véritablement réjouissante et l’on rit de bon cœur aux mimiques de ce monsieur Jourdain aux accents épisodiques des Deschiens. Les costumes de Vanessa Sannino jouent la couleur et la fantaisie débridée, tandis que le décor unique de Félix Deschamps situe l’action dans un grand espace mixte intérieur/extérieur, entouré de hauts murs ocre qui peuvent évoquer tout aussi bien un patio méditerranéen qu’un vaste salon.
La partie théâtrale repose en premier lieu sur le personnage éponyme, omniprésent, un monsieur Jourdain plus vrai que nature incarné par Jérôme Deschamps qui aime visiblement amuser et s’amuser avec gourmandise. Quitte à en rajouter parfois en gags loufoques et clins d’œil, alors que la vis comica de l’œuvre de Molière fonctionne déjà à merveille sans tomber dans la surenchère. Le Maître de danse joue d’un caractère efféminé, en tutu et chapeau à plumes, tandis que le Maître de musique, ainsi que les chanteurs, sont facilement identifiables par leur perruque de cheveux noirs qui forment une pointe telle une licorne. Une gentille pastorale chantée à l’étage est d’ailleurs absolument hilarante : la soprano donne le biberon à un agneau, puis on amène une poule qu’on plume, et ensuite les œufs sont transformés en crêpes qu’on s’évertue à faire sauter !
Les chorégraphies de Natalie van Parys charment l’œil, entre vision classique, touche de modernisme et invention farfelue. Madame Jourdain garde bien la tête sur les épaules de sa voix posée, alors qu’à l’opposé Nicole éclate de rire à se rouler par terre et crie peut-être plus que nécessaire. Dorante est mielleux à souhait envers Jourdain et sophistiqué dans ses relations avec son aimée Dorimène. Cléonte se montre souvent pleurnichard de sa voix très haut perchée, et Covielle parvient à mener l’intrigue à bon port. La cérémonie turque finale est particulièrement réussie avec des couleurs qui éclatent dans les costumes, un monsieur Jourdain tout content d’être promu Mamamouchi, avant un joyeux chœur final.
F.J., photos Marie Clauzade
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