Le blues du perroquet : des bleus à l’âme, du bleu dans les yeux
Vendredi 16 février, 20h, 1h15, l’Autre Scène, Vedène
Le Blues du perroquet, d’après Wolfgang Amadeus Mozart et Emanuel Schikaneder. Texte, mise en scène, Guillaume Paire.
Baryton, Guillaume Paire. Violoncelle, Florent Chevallier. Piano, Adrien Polycarpe
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Moins d’une centaine de spectateurs avaient fait le déplacement vers Vedène, certains venant même d’Orange, mais personne ne l’a regretté. Un hasard malencontreux mettait certes en concurrence, ici même la compagnie des Variétés lyriques, avec des poids lourds, seulement quelques kilomètres autour de la cité des papes, comme le tandem Robin Renucci-Camus au théâtre du Chêne noir, Francis Huster et Michel Leeb à l’auditorium Jean Moulin au Thor, Christophe Willem en inauguration de la nouvelle grande salle Confluence-Spectacles près de la gare TGV d’Avignon, et sans doute d’autres…
Le blues du perroquet, transposition du blues du businessman de Starmania, par Papageno l’oiseleur de la Flûte enchantée, est un spectacle charmant, familial, plein d’inattendus et de trouvailles. On ne déflorera pas les divers personnages et situations que Guillaume Paire endosse pendant une heure et quart, passant du rire à l’émotion. Avec la même intelligence et sensibilité, les deux musiciens Adrien Polycarpe au piano et Florent Chevallier au violoncelle alternent aussi cocasserie et délicatesse.
Le pot-pourri mélange grands airs d’opéra (du baroque à Isabelle Aboulker), chansons de variétés, et tirade moliéresque, dans un fil narratif parfois acrobatique mais qui fait la part belle à une complicité gentiment taquine avec le public, dans la spontanéité d’une improvisation différente chaque soir. On ne cherchera pas ici de vraie voix lyrique ni de technique opératique chez ce baryton, mais un talent de comédien chanteur ; et pourtant… il avait incarné le baron Popoff aux côtés de Catherine Mutel, dans la Veuve joyeuse réussie de Fanny Gioria, captée en version « confinée », en décembre 2020 à l’Opéra Confluence d’Avignon.
L’originalité et la finesse de ce spectacle décalé, c’est l’appropriation d’un répertoire comme prétexte ludique – on rit souvent, on sourit beaucoup, on se laisse émouvoir parfois…- à des réflexions sont la subtilité trouve écho bien au-delà de la scène… Prise de conscience loufoque des « réductions de versions réduites d’opéras » ou de ce que l’hebdomadaire Marianne appelait « crétinisation » il y a quelques mois (« Une immense entreprise de crétinisation s’est abattue sur les théâtres lyriques », par Benoît Duteurtre, un article jubilatoire et un constat consternant !) ; interrogations ontologiques d’un personnage fictionnel qui s’incarne dans des individus successifs ; réalité ou fiction ; platitude de certains textes lyriques, paradoxe de situations absurdes ; statut du valet, populaire mais mésestimé… Cette démythification de l’opéra est rafraîchissante et joyeuse !
Le blues du perroquet : une petite forme, de grands sujets, un spectacle à touches impressionnistes… et à plusieurs lectures, pour public largement familial.
G.ad. Photos G.ad.
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