Le… cast du siècle !
Capitole-Studios, Le Pontet (84), mardi 2 avril 2019
La Forza del destino. Opéra en 4 actes.
Robert LLOYD, Le Marquis. Anna NETREBKO, Leonora. Roberta ALEXANDER, Curra. Jonas KAUFMANN, Don Alvaro. Ludovic TEZIER, Don Carlo di Vargas. Veronica SIMEONI, Preziosilla. Feruccio FURLANETTO, Padre Guardiano. Alessandro CORBELLI, Fra Melitone
Chœur et Orchestre Royal Opera House
Direction Musicale, Antonio PAPPANO. Mise en Scène, Christof LOY. Décors et Costumes, Christian SCHMIDT
Voilà une représentation exceptionnelle de La Force du Destin qui fera date et référence tant par sa distribution (« le cast du siècle ?») que par cette production de 2017 qui met en valeur l’esprit du compositeur.
De surcroît on attendait avec impatience la prestation d’Anna Netrebko en prise de rôle. Elle s’approprie Leonora en toute excellence, composée de passions contradictoires, avec une évidence que favorise son souffle vaste, des aigus filés qui nous rappellent sa référence, Montserrat Caballé. Elle nous donne dans les « Virgine degli angeli », dans « Pace mi Dio », une fougue, une vibration charnelle qui est aussi la vibration de l’âme. Avec un timbre irrésistible, des demi-teintes d’exception et des sentiments d’une telle force, que le public après chaque grand air lui réserve une véritable ovation.
Mais l’excitation est à son comble lorsque Jonas Kaufmann entre en scène. Le ténor reprend le rôle d’Alvaro qu’il avait chanté pour la première fois à Munich : un véritable miracle. Il trouve la lumière et la plasticité nécessaires pour un phrasé qui épouse à merveille l’instabilité affective du personnage.
Tous les deux partagent ce triomphe avec Ludovic Tézier, qui s’affirme ainsi comme un des plus grands barytons verdiens. Notre baryton français (soyons chauvin) nous gratifie d’un legato et d’un volume sidérant, qui s’accompagnent d’une puissance d’incarnation exprimant jusqu’à l’effroi les pulsions vengeresses de Don Carlo di Vargas.
Veronica Simeoni en Preziosilla ne démérite absolument pas, de même que les vétérans, nombreux dans cette distribution et qui n’ont pas perdu de leur charisme : Roberta Alexander en camériste, Robert Lloyd en marquis, Alessandro Corbelli en Fra Melitone qui campe son rôle habituel de bouffon : une véritable référence, tel que l’était Gabriel Bacquier mémorable dans ce rôle. Le Padre Guardiano de Feruccio Furlanetto nous gratifie, lui, à 70 ans de graves qui nous glacent le sang par son autorité.
On aurait certes pu tout craindre la transposition de l’action au XXème siècle.
Mais c’est sans compter sur la finesse et l’habilité de Christof Loy qui en prenant le parti du décor unique sait l’aménager en fonction des situations. Cette concentration favorise la loyauté et la franchise de la direction d’acteurs. Le seul bémol peut-être serait le côté Kermesse de la scène du campement militaire avec danseurs et lampions.
Au pupitre on retrouve avec grand plaisir Antonio Pappano qui maîtrise l’œuvre de Verdi, et accompagne de main de maître ce casting d’exception qu’un chef a rarement le bonheur de diriger.
Sous cette phalange hors qualificatif, l’orchestre de Covent Garden confirme sa place dans le quintette de tête mondial des formations lyriques.
Les spectateurs n’ont pas vu passer les 4h20 de programme, et ont même sollicité une seconde séance, pourquoi pas un dimanche après-midi. « Viva Verdi ! » (JL.A.)