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Plus d’une douzaine de facteurs d’orgue, de diverses spécialités et de trois entreprises, ont été appelés, sous l’égide de Pascal Quoirin mandataire, pour nettoyer et restaurer le grand orgue de Notre-Dame de Paris, dont le public va retrouver la voix, magnifiée, le 8 décembre 2024.
On voit peu Pascal Quoirin dans les multiples reportages sur l’orgue de Notre-Dame de Paris. L’homme est discret, même s’il est sollicité dans le monde entier, et son rôle, en tant que mandataire, était surtout d’organiser, de superviser… et de porter la responsabilité de l’ensemble ; ainsi que de veiller à l’harmonisation, qui est la touche finale et la condition impérative de la « voix juste » de l’instrument. Si son atelier a été le seul à répondre à l’appel d’offre, c’est qu’ « un tel chantier fait peur, dit-il en souriant ; mais nous, nous avons l’habitude des instruments imposants ; et nous connaissons bien celui-ci, avec ses 127 jeux et ses 8.750 tuyaux, que nous avons dû accorder individuellement ; nous en assurons déjà par contrat l’entretien, mensuel et annuel ».
Les difficultés spécifiques de ce chantier étaient les délais imposés et les conditions de travail qui en découlaient : « nous étions souvent 700 en même temps sur place, les cordistes au-dessus de nous nous arrosaient de sable et les marteaux-piqueurs diurnes nous obligeaient à travailler des nuits entières, car le travail d’harmonisation exige un silence absolu. »
L’orgue n’a été endommagé ni par le feu ni par l’eau, mais il s’est trouvé totalement contaminé par les poussières de plomb, hautement toxiques. La décontamination des hommes et du matériel, comme pour l’amiante et comme à l’époque Covid, a constitué une part importante du travail : « on avait installé, à l’atelier, une roulotte, un système de douche et de double sas pour déshabillage et change complet de vêtements ». Et l’effondrement de la flèche avait laissé la cathédrale à ciel ouvert ; « la canicule de 2019, et les variations hygrométriques ont lourdement affecté les parties en bois massif, c’est-à-dire les sommiers du XIXe siècle, la partie la plus importante. Il a donc fallu démonter l’intégralité. Les 16 sommiers ont été traités à Saint-Didier », d’autres pièces dans l’Hérault ou en Corrèze, toujours sous la responsabilité de Pascal Quoirin. Il complète : « Il a fallu aussi refaire toute la soufflerie, et toute la peausserie, empoussiérée et fendue par la sécheresse de ces 2 ans et demi, et qui s’arrachait comme du papier : mettre en peau ces 10 énormes soufflets de 5m x3m, de 800 kilos chacun, un véritable immeuble de 16m x16m, était un énorme travail. Il a fallu 250 peaux de mouton. Ainsi que nettoyer les petites pièces mécaniques, qui sont des moteurs de notes. » Si Pascal Quoirin n’a « jamais été inquiet sur ce chantier », néanmoins « de ces longs mois hors de chez soi, toute l’équipe ressort épuisée. » Voir l’intégralité de notre entretien avec Pascal Quoirin.
Bernadette Quoirin est spécialisée dans le travail du bois, de la conception à la réalisation. A ce titre, elle s’est « occupée de la réalisation, de la restauration et de la peinture des sculptures du buffet du grand orgue », ni démontable ni transportable. « Cinq mois de travail sur place, notamment pour refaire le faux bois sur le soubassement ». Le faux bois, c’est une peinture d’imitation de bois précieux, sur du bois plus banal, « une technique qui a toujours existé et qui permet aussi d’unifier des bois disparates. C’est le cas à Notre-Dame, avec une peinture veinée chêne foncé. Nous avions d’ailleurs fait une restauration en 1992, mais il est rare qu’on dispose d’un tel échafaudage, qui permette d’accéder jusqu’au sommet et d’établir un bilan complet. On a ainsi trouvé des traces de feu plus anciennes, des cloques, un vernis abîmé. J’ai nettoyé le vernis, repris les lacunes, reconstitué les morceaux manquants. J’ai colmaté les fissures, mais proprement ; certaines avaient été comblées précédemment avec du silicone ! J’ai remis du bois quand la fente était suffisamment écartée, ou bien du modostuc, un produit adapté aux monuments historiques. On a décapé les soubassements ; je dis « on », parce que nous étions quatre à y travailler ; en revanche, pour la peinture, les pigments, j’étais seule. Il y avait aussi des sculptures latérales à refaire, des jouées sur les côtés, en bois plus tendre, du tilleul, qui avait été attaqué. J’ai vérifié également la santé de tout l’ensemble.»
Les principales difficultés étaient les délais très courts (« j’ai dû utiliser l’acrylique, qui sèche très vite, et le vendredi, pour séchage dans le week-end ») et la coactivité de différents corps de métiers : « il y avait des planches au-dessus de l’orgue, et des artisans qui étaient obligés d’y passer sans cesse : j’ai dû tout nettoyer et tout refaire huit fois ! »
Elle garde de ce chantier le souvenir du formidable élan qui animait tous les artisans sur place, et de cette solidarité très particulière qui s’y est nouée. Voir l’intégralité de notre entretien avec Bernadette Quoirin. (Photo Christian Lutz : l’équipe des facteurs d’orgue, le 29 novembre, lors de la dernière visite de chantier avec le président de la République ; de g. à dr. :Bernadette Quoirin, Laurent Mesme (gérant de la SCOP Orgues Quoirin à Saint-Didier), Pascal Quoirin, Christian Lutz, Charles Sarelot (gérant de la Manufacture Languedocienne de Grandes Orgues basée à Lodève), Itaru Sekiguchi (facteur d’orgues chargé de l’entretien de l’orgue de Notre-Dame jusqu’en 2019, et harmoniste indépendant).
Raphaël Quoirin est arrivé presque tardivement dans l’entreprise familiale. Après un bac professionnel de facture d’orgue, il a pris ses distances, géographiques et professionnelles. Sa spécialité de tuyautier l’a amené à travailler sur les parties métalliques, à la fois dans l’atelier vauclusien et in situ. Voir l’intégralité de notre entretien avec Raphaël Quoirin.
G.ad. Photos Notre-Dame de Paris
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