Un moment d’une rare intensité ; on en ressort bouleversé
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Au Chêne noir, rue Sainte-Catherine, du 29 juin au 21 juillet, 18h, durée 1h10, relâche les 8 et 15 juillet. Résa 04 90 86 74 87
C’est une remarquable adaptation du récit éponyme d’Olivier Guez, prix Renaudot 2017. Un récit appuyé sur de minutieuses recherches, et qui retrace la traque la plus incroyable du XXe siècle, à la poursuite de l’ange de la mort, du boucher d’Auschwitz. Un homme ordinaire devenu un monstre, par une mécanique inexplicable d’endoctrinement, bénéficiant de multiples complicités pour quitter l’Europe, puis pour s’installer en Argentine péroniste, au Paraguay enfin au Brésil.
S’installer, ou plutôt survivre pendant près de trois décennies, sous diverses identités et professions. Mais la traque n’aboutira jamais, et Mengele ne sera jamais traduit devant la justice des hommes.
Il sera néanmoins confronté à une interrogation/accusation plus terrible encore, celle de son fils – sorte de conscience dédoublée ?- Quelle part d’humanité peut-on sauver encore dans un monstre qui a condamné à la chambre à gaz, de sang-froid et sans remords, près de 4 000 êtres humains tels que lui, hommes, femmes, enfants ? Et en quoi cette culpabilité peut-elle se transmettre, en héritage accablant ?!
C’est le fil rouge de l’adaptation réalisée par Mikaël Chirinian, poursuivant ainsi le chemin de mémoire et de résilience que lui-même avait déjà abordé dans un précédent spectacle, l’Ombre de la Baleine ; un chemin personnel et artistique, conçu comme une nécessité intime pour cet Avignonnais d’origine judéo-arménienne. Avec La Disparition de Josef Mengele, il tisse ici un écheveau qui se resserre peu à peu, dans une tension dramatique et émotionnelle étreignant d’un même mouvement le public et remarquable comédien qu’est Mikaël Chirinian. D’un rythme soutenu, dans un seul-en-scène poignant, avec une chaise pour seul accessoire, il installe avec une intensité brûlante la tension croissante de la traque, entre froideur impitoyable d’un récit glaçant et quelques pincées d’humour grinçant…. Ce qui pourrait n’être « que » remarquable performance, vigueur du texte, sobre intensité de l’interprétation, devient, au fil de la pièce une interrogation sur la responsabilité et la culpabilité, à laquelle, in fine, nous n’échapperons pas plus que Mengele. « Il faut se méfier des hommes… » prononce le comédien d’une voix comme étranglée. Le contexte hors théâtre donne à cette incantation une acuité terrible…
Geneviève@Jean-Philippe Larribe
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