Eblouissante, comme toujours !
Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence le 19 novembre 2022
Concert Wolfgang Amadeus Mozart
Julie Fuchs, soprano. Orchestre : Les Siècles ; Kati Debretzeni, direction ; Francesco Corti, pianoforte
Wolfgang Amadeus Mozart : Le Nozze di Figaro, ouverture et récitatif et air de Suzanne « Giunse alfin il momento… Deh, vieni, non tardar ». Cinq Contredanses K. 609. Cantata per la ricuperata salute di Ofelia. « Ch’io mi scordi di te… Non temer, amato bene », air de concert K. 505. Symphonie n° 25 K. 183, 1er mouvement. « Ach, ich liebte », air extrait de L’Enlèvement au sérail. Symphonie n° 25 K. 183, – 2e, 3e, 4e mouvements. « Tra l’oscure ombre funeste », air extrait de Davide penitente
Le public aixois fait salle pleine ce soir au Grand Théâtre de Provence pour accueillir la – presque – enfant du pays, la soprano Julie Fuchs ayant grandi à Avignon. Le programme est consacré exclusivement à Mozart, un compositeur servi idéalement par la soprano ; on se souvient à cet égard de la production du festival aixois, en juillet 2021, où elle interprétait magnifiquement Susanna.
C’est d’ailleurs cet opéra qui entame les débats, avec son ouverture par l’orchestre Les Siècles dirigé, depuis son premier violon, par Kati Debretzeni. La formation qui joue sur instruments historiques produit un son particulièrement chaud et rond, les instrumentistes se montrant véloces et précis, pupitres de bois et cuivres compris. L’air crépusculaire de Susanna « Deh, vieni, non tardar » enchaîne avec douceur vocale, une extrême musicalité et une belle maîtrise des suraigus, quelques notes filées étant tout de même légèrement perturbées par un vibrato plus présent par instants.
Cinq contredanses sont interprétées, dont la première prolonge la séquence des Nozze di Figaro, avec les mêmes mélodies que l’air du rôle-titre « Non più andrai ». Julie Fuchs s’adresse ensuite au public (sans micro, puisqu’elle « a travaillé justement des années pour pouvoir s’exprimer sans micro » !) en indiquant que la première partie est dédiée à Nancy Storace (1765-1817), chanteuse créatrice du rôle de Susanna ainsi que de la cantate « Cantata per la ricuperata salute di Ofelia ». Cette pièce fut retrouvée en 2016 et connaît, comme l’indique Julie Fuchs, sa première au GTP, charmante et courte mélodie accompagnée par le pianoforte de Francesco Corti, ainsi qu’un violoncelle.
On retrouve l’orchestre et le pianoforte pour l’air de concert « Ch’io mi scordi di te… Non temer, amato bene », un accompagnement plus discret et subtil que l’habituel piano moderne, aux notes davantage métalliques. Dans cet air d’adieu aux contours plutôt dramatiques, on entend une pulpe vocale séduisante, projetée sur le souffle, tandis que les courts passages d’agilité ne posent aucun problème à l’interprète… il est vrai qu’elle a été confrontée à plus haute virtuosité lors de ses récents Capuleti e i Montecchi de Bellini à l’Opéra Bastille ou dans Le comte Ory en août dernier au festival Rossini de Pesaro – deux productions dans lesquelles nous l’avions nous-même particulièrement appréciée -.
Après l’entracte, Les Siècles interprètent la symphonie n°25 avec du nerf dans les attaques des cordes et une belle prestation globale, à part certaines notes moins harmonieuses en provenance du pupitre des quatre cors. Entre les 1er et 2ème mouvements est intercalé l’air de Konstanze « Ach, ich liebte » tiré de L’Enlèvement au sérail, occasion pour Julie Fuchs de démontrer son abattage dans le déroulement des vocalises, la chanteuse semblant plus épanouie dans la seconde moitié de son air.
Un extrait de la cantate Davide penitente conclut le programme : grande musicalité d’abord pour gérer les intervalles parfois vertigineux entre graves et aigus, puis du panache pour aborder les passages plus fleuris en deuxième partie. Un seul bis est accordé, « Tiger ! wetze nur die Klauen » extrait du Singspiel inachevé Zaïde, un air de fureur comme l’indiquent les paroles (« Tigre ! aiguise seulement tes griffes ») qui convient idéalement aux généreux moyens de Julie Fuchs.
Le surlendemain sera donné le même concert au Théâtre des Champs-Elysées : même interprète, même programme… et même « robe scintillante » !
F.J. Photos I.F.
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