Inévitable aujourd’hui – mais bienvenu – : femmes à l’honneur
Concert Symphonique, Auditorium du Pharo, mercredi 8 mars 2023
Concert pour la Journée des droits des femmes – Hommage aux compositrices.
Direction musicale, Clelia Cafiero. Mezzo-soprano, Héloïse Mas
Orchestre Philharmonique de Marseille
Georges Bizet, Carmen – Ouverture et Habanera. Louise Farrenc, Ouverture n° 1 en mi mineur, op. 23 ; Ouverture en mi bémol majeur, op.24. Gaetano Donizetti, La Favorita – Air de Leonora (Acte III). Mel Bonis, Femmes de légende – Cléopâtre – Ophélie – Salomé. Charles Gounod, Sapho – Air de Sapho (Acte III). Lili Boulanger, D’un matin de printemps. Georges Bizet, Carmen – Air de Carmen (Acte II). Geronimo Gimenez, La Tempranica – La Tarantula
Les compositrices, femmes « si souvent oubliées dans les livres de musique » comme l’indique la cheffe Clelia Cafiero dans sa courte allocution préalable, sont à l’honneur de ce concert du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes.
Avec ses deux longues et belles Ouvertures, Louise Farrenc (1804-1875) prend une place de choix au sein du programme. La première en mi mineur est une magnifique composition, qu’on pourrait attribuer dans une écoute à l’aveugle à un Luigi Cherubini (on pense en premier lieu à son ouverture de Médée), compositeur autrement reconnu dans l’Histoire de la musique. Les passages alternent entre majesté et vivacité, les cordes faisant preuve de vélocité, les bois d’expressivité pour développer leurs jolies mélodies, tout cela sur une assise bien maîtrisée de cuivres. Clelia Cafiero impulse une belle énergie à un Orchestre philharmonique de Marseille en très belle forme. La seconde ouverture en mi bémol majeur montre un relief encore plus dramatique, les premières mesures pouvant évoquer un Beethoven ou un Mendelssohn avec de brillantes sections de cuivres.
Redécouverte un peu plus récemment, Mel Bonis (1858-1937) est interprétée ce soir avec son cycle de Femmes de légende. Parmi ses compositions de neuf grandes figures (aux côtés de Vivienne, Phoebe, Omphale, Mélisande, Echo et Desdémone), seules trois pièces ont été orchestrées. Dès les premières notes du Songe de Cléopâtre, le mystère s’installe comme dans une partition de Debussy, évoqué par la harpe et les lignes entremêlées des bois, avant que ne s’expriment des accents bien plus orientaux. L’ambiance est aussi à l’exotisme dans Ophélie qui suit, teintée de sombres et tristes échos. Dans Salomé enfin, on croirait entendre d’abord la Danse des sept voiles, évoquée par des rythmes très marqués, avant le retour à une atmosphère davantage debussyste, qui pourrait s’apparenter au Prélude à l’Après-midi d’un faune.
Troisième compositrice au programme, Lili Boulanger (1893-1918), premier Prix de Rome féminin, sœur de Nadia et malheureusement disparue trop jeune à l’âge de 24 ans, développe un très riche tissu orchestral aux couleurs impressionnistes qui évoquent idéalement le titre de sa partition D’un matin de printemps – joli titre, utilisé aussi l’an dernier par le Ballet de l’Opéra Grand Avignon. L’espièglerie n’en est pas absente, présentant de difficiles cassures de rythmes, très bien maîtrisées par la phalange marseillaise.
Les parties symphoniques alternent avec les séquences chantées par Héloïse Mas. Sortant d’une série de Carmen à l’Opéra de Marseille, dont Clelia Cafiero a dirigé la dernière des cinq représentations au mois de février, on sent que la mezzo a encore très présent le rôle-titre dans la voix et les attitudes également. Vêtue d’une belle robe à fleurs (… dont elle pourrait d’ailleurs jeter l’une d’elles à José s’il venait à passer par là !), la voix est particulièrement épanouie dans la Habanera, puis séduisante dans ses riches et sombres couleurs un peu plus tard au cours de l’extrait « Les tringles des sistres tintaient », aux rythmes endiablés.
Deux autres airs d’opéra sont à l’affiche, d’abord « O mio Fernando » de La Favorita de Gaetano Donizetti, en version italienne ce soir : très élégant legato dans la cantilène, puis d’incroyables et puissants aigus au cours de la cabalette qui enchaîne, dont le dernier très longuement tenu. A noter la très bonne performance de l’orchestre, dont la harpe et les cors, très exposés dans leurs soli. L’autre air « Ô ma lyre immortelle » provient de Sapho, premier opéra écrit par Charles Gounod : là encore, le passage démarre par une douce mezza voce, pour enfler ensuite en des nuances forte impressionnantes sur les dernières paroles.
Le programme se termine avec La Tarantula, air espagnol de la main de Geronimo Gimenez, où Héloïse Mas démontre un abattage vaillant pour dérouler le chant syllabique. Carmen revient enfin en bis, pour un « Près des remparts de Séville » absolument splendide.
F.J. Photo I.F.
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