Samedi 6 avril 2024, 18h, Théâtre du Jeu de Paume. Dans le cadre du 11e Festival de Pâques d’Aix-en-Provence (site officiel)
Gil Shaham, violon. Aubree Oliverson, violon. Karolina Errerra, alto. Aleksey Shadrin, violoncelle. Federico Gad Crema, piano
Dmitri Chostakovitch, Quintette avec piano op.57. Antonin Dvorak, Quintetteavec piano n° 2, op. 81
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et tous nos articles du mois d’avril
La formule « Génération@Aix » a pour ambition, chaque année, de réunir de jeunes talents sous le mentorat d’un maître de la musique de chambre, cette année le violoniste Gil Shaham. Les jeunes talents retenus étaient la violoniste américaine Aubree Oliverson, remarquée en particulier au Festival de Verbier 2021, l’altiste Karolina Errera, d’origine russo-dominicaine, lauréate du concours Yuri Bashmet en 2018, le violoncelliste ukrainien Aleksey Shadrin, 4ème prix au concours de la reine Elisabeth de Belgique en 2022 et le pianiste italien Federico Gad Crema, titulaire de plusieurs prix internationaux.
Et ce sont des musiciens heureux qui se sont produits, heureux de jouer ensemble, tant leur complicité était visible, sous la direction attentive, bienveillante et amicale de Gil Shaham, heureux de nous offrir ces deux quintettes dans lesquels ils se sont entièrement impliqués.
Le programme initial fut inversé, Chostakovitch passant avant Dvorak, ceci pour mettre d’abord en valeur Aubree Oliverson, à laquelle était confié le premier violon du quintette de Chostakovitch, et terminer le concert avec le maître Gil Shaham, premier violon du quintette de Dvorak.
Le quintette de Chostakovitch fut écrit en 1940 à Moscou, à la demande du quatuor Beethoven, le compositeur étant lui-même au piano lors de la création, et fut curieusement honoré du prix Staline avant d’être censuré. Il est organisé en cinq parties, quatre mouvements plutôt lents encadrant, deux par deux, un scherzo central plus rapide. L’œuvre implique particulièrement le premier violon, et Aubree Oliverson, attentivement suivie et guidée par Gil Shaham, toute de bleu vêtue, à côté de partenaires en tenue plus sombre, sut se mettre en évidence. Hormis sa virtuosité, elle a su faire entendre notamment sa maîtrise du son dans l’aigu, souvent sollicité tout au long de l’œuvre et rendu avec finesse. Nous n’oublierons pas ses partenaires, tous en parfait accord, assurant également leur partie avec la maîtrise et la virtuosité requises. On regrettera juste un piano un peu en retrait, sur le plan sonore.
Le prélude, lento, introduit par le piano, déroute un peu, mais on se laisse vite prendre par la richesse sonore, rythmique, dynamique des mouvements suivants, parfaitement rendue par les musiciens. La fugue, adagio, nous impose une atmosphère intériorisée, recueillie, pensive, parfois tendue. Comme une libération joyeuse, le scherzo, endiablé et parfaitement réglé, virtuose, fut un véritable régal. Avec l’intermezzo, le calme revient avec un thème berceur qui se développe lentement, comme suspendu dans l’espace, dominé par l’aigu du premier violon, pour atteindre un court instant de tension, avant de s’éteindre doucement. L’allegretto final, plus léger, se fait plus optimiste et malicieux, et achève finalement une œuvre bien attachante, à l’écriture expressive et aux belles combinaisons sonores, bien appréhendées par les cinq musiciens.
Le quintette de Dvorak nous ramenait dans un monde romantique plus classique (1887). Certains ont pu le trouver un peu long, mais il a aussi son charme et fait partie des œuvres de musique de chambre les plus interprétées de l’auteur et des quintettes majeurs de cette époque. Les musiciens y ont montré les mêmes qualités que dans l’œuvre précédente. Habités par leur jeu, ils en ont livré toute l’expressivité, les nuances, des élans les plus passionnés aux instants les plus retenus.
Le premier mouvement, allegro, volontaire et joyeux, fut joué avec conviction et applaudi dès sa fin par le public. Dvorak est un habitué des dumkas, ballades populaires ukrainiennes, celle de ce deuxième mouvement, andante, avec ses thèmes recueillis, un peu nostalgiques, parfois plus légers, est bien touchante. Habitué aussi des furiants, danses rapides d’origine tchèque, Dvorak nous livre un scherzo galopant, interrompu par un temps de réflexion (trio), avant de rejoindre l’allegro final, une polka pleine de légèreté, que nos musiciens enchaînèrent directement.
Des applaudissements nourris saluèrent ce bien agréable concert et l’excellent travail réalisé par Gil Shaham et ses quatre jeunes talents, auxquels nous ne pouvons souhaiter qu’une heureuse poursuite de carrière.
B.D.
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