Lise Meitner : une femme invisible enfin sortie de l’ombre !
Théâtre de la Reine Blanche, 16h25, 1h25. Du 5 au 23 juillet, relâche les 10 et 17 juillet. Réservations 04 90 85 38 17
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Quelle est la visibilité des femmes de science au XXème siècle ? C’est la question que pose Elisabeth Bouchaud (qui a elle-même eu une carrière scientifique) dans la troisième pièce (créée en 2022) de sa trilogie Les Fabuleuses. Se faisant l’écho de l’effet Matilda qui cherche à réhabiliter le rôle de ces grandes chercheuses dont l’invention a changé le monde… mais que s’est attribuée un de leur collègue masculin en les invisibilisant.
Ayant racheté le théâtre parisien de la Reine Blanche, et créé l’antenne à Avignon, Elisabeth Bouchaud joue ici le rôle de Lise Meitner, appelée aujourd’hui « la mère de la bombe atomique », à mauvais escient. Si ses recherches lui ont permis de découvrir en 1918 avec un autre chimiste Otto Hahn un nouvel élément radioactif, le protactinium, c’est avec son neveu qu’à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, ils comprennent le phénomène de la fission nucléaire.
Sous nos yeux évoluent les conditions de recherche pour les femmes tout comme le contexte de l’entre-deux-guerres. Lise Meitner, d’origine juive et autrichienne, va alors connaître l’exil en Europe pour échapper à une arrestation. Si son ami Otto Hahn continue à l’aider, c’est en secret, et lui seul publiera la découverte… et obtiendra alors le Prix Nobel en 1944.
Nous sommes immergés dans des laboratoires, lieux de recherches, de doutes et de discussions sur l’état de leurs travaux et la situation (géo)politique. Pour l’illustrer, la mise en scène repose sur une structure articulée de murs métalliques qui évolue selon les scènes en transformant l’espace et en le resserrant autour de Lise Meitner, tel un étau ou une prison (intérieure). Si ce choix de mise en scène faussement épurée semble froid et implacable, il est le reflet des états d’esprits des protagonistes, manipulés, fabriqués et (dé)construits. Le jeu d’Elisabeth Bouchaud et Benoît Di Marco est époustouflant et permet de révéler et mettre en lumière une scientifique restée trop longtemps dans l’ombre : une femme forte, discrète, pleine d’humanité et empathie, qui n’a jamais lâché prise.
Elisabeth Bouchaud cherche à réparer à juste titre des injustices dans l’histoire des sciences : après avoir présenté la vie de Rosalind Franklin (dans la pièce L’Affaire Rosalind Franklin, voir notre compte-rendu), puis celle de Jocelyn Bell (dans la pièce Prix No’Bell, voir notre compte-rendu), celle de Lise Meitner est la troisième femme scientifique d’exception qu’elle cherche à tirer de l’oubli et à mettre en lumière. Elle travaille actuellement à un quatrième projet autour de Marthe Gautier. Nous l’attendons…
Christèle. Photo Pascal Gély
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