Fille de deux violoncellistes, Lucie Horsch est un Mozart de la flûte à bec, instrument qu’elle a choisi de son propre chef à 5 ans. Déjà sur scène à 9 ans, elle n’a cessé de cumuler les récompenses et distinctions, dans ses Pays-Bas d’origine et en Europe, où son inventive curiosité bouscule volontiers les codes. Elle est notamment lauréate de divers prix et bourses destinés aux jeunes prodiges. Déjà invitée au Festival de Pâques d’Aix-en-Provence et à la Folle Journée de Nantes, on l’espère bientôt à La Roque d’Anthéron. Intéressée par ailleurs par tous les répertoires, elle se produit dans le monde des baroqueux aux côtés de Thomas Dunford ou Justin Taylor (voir son dernier passage à Avignon), que nous avons déjà accueillis dans la région Provence et interviewés. Ses enregistrements ont déjà été salués (Vivaldi en 2017, promenade « Baroque Journey », puis promenade beaucoup plus large dans l’espace et le temps). Elle sera accueillie dimanche 14 janvier 2024 à Avignon par Musique Baroque en Avignon, en duo avec le claveciniste Bertrand Cuiller (voir notre entretien).
-Lucie Horsch, vous venez à Avignon dans un programme baroque intitulé « fantaisies musicales » ; comment avez-vous constitué ce programme ? Le duo flûte/clavecin n’est pas des plus fréquents ; et j’imagine qu’il n’ouvre pas le répertoire le plus large ? Et aviez-vous déjà travaillé avec Bertrand Cuiller ?
-Oui, pour la flûte à bec il y a un répertoire, oui, et surtout beaucoup de sonates pour basse continue même si ce n’est pas vraiment pour flûte à bec. Avec Bertrand Cuiller nous ne nous connaissions pas, ce sera notre premier concert ensemble. Mais nous avons déjà répété à Paris. Nous avons choisi de montrer la variété de ce programme. Je me réjouis de jouer en duo : c’est comme une conversation, un dialogue entre deux humains. Excusez mes erreurs en français…
-J’aimerais avoir la même facilité que vous dans d’autres langues…
-(rire) Notre pays est un tout petit pays, on est donc bien obligés de parler d’autres langues…
-Vous évoquiez une conversation, un dialogue…
-Oui, dans un duo. En musique de chambre c’est plus difficile de dialoguer avec plusieurs musiciens. A deux, moi ce que je ressens, c’est une conversation intime. On peut réagir spontanément, on a une vraie sensation de liberté. Dans un concerto, c’est différent, parce qu’avec un ensemble plus grand on a un rôle de soliste. En fait, j’aime les deux, mais jouer en duo c’est une façon très spéciale.
-Et le duo flûte-clavecin a vraiment un répertoire ?
-Il y a quelques morceaux originellement écrits pour flûte traversière, comme la sonate d’Anna Amalia de Prussia, des œuvres pas très connues ; Anna Amalia de Prussia était la sœur de Frédéric Le Grand ; comment dites-vous ?
-Frédéric II de Prusse.
-Il a fait beaucoup pour les musiciens.
-Il l’était d’ailleurs lui-même…
-Ce morceau n’est pas indiqué pour flûte à bec. A l’époque, on sait que la flûte avec faisait partie de l’orchestre.
-Vous annoncez divers modèles de flûtes pour votre concert ; pouvez-vous préciser les qualités de chacun ?
-J’aurai surtout la flûte à bec, mais je changerai en fonction du répertoire. Tout dépend du style et de la période. Pour la Renaissance, c’est différemment construit ; ce sera une flûte con archi, cylindrique, plus directe, plus forte. Pour le solo de Jean-Francois Eyck, ce sera le petit sopranino ; j’imite le son du rossignol, il se prête très bien, il faut un son très brillant, avec un espace pour l’improvisation. Après le baroque on joue sans de plus petits lieux, c’est un univers autre. J’aurai aussi un alto.
-Le baroque, quel univers offre-t-il à votre instrument et votre sensibilité ?
-Yaouhhh. Le baroque c’est spécial, c’est une démarche commune de l’humanité, j’ai un vrai feeling avec ce répertoire, c’est une langue universelle. Je suis toujours en connections avec la musique baroque, c’est un son très naturel. Ce langage se prête à tout, parce qu’il y a beaucoup de contrastes en articulations, et la façon technique de l’instrument a été développée par les compositeurs baroques comme Vivaldi. Et il y a aussi beaucoup de liens avec la musique contemporaine.
-La musique contemporaine, ainsi que le jazz, sont aussi vos univers. Par un même goût du rythme que le baroque ?
-Oui, tous ces langages se combinent très bien. Je crois que la musique baroque est une langue universelle ; on se connecte à Bach, Telemann, Vivaldi, de façon très naturelle. Elle provoque des réactions physiques très naturelles.
-Avec vos 23 ans, vous êtes une artiste très jeune. La jeunesse, un atout ou un handicap pour un artiste ?
–Un atout, parce que je suis toujours comptée dans la série des jeunes talents, mais c’est pour le marketing (rire). Les gens aiment écouter des artistes jeunes. Mais il est difficile d’être pris au sérieux. On doit toujours faire ses preuves. Or on n’a pas eu le temps de prouver, le concert est pour nous une page blanche. Je commence à aimer cela beaucoup plus qu’il y a 5 ans, mais je trouve qu’on est trop jugés, et qu’on a une réputation à construire. En fait, être jeune a deux côtés…
-Tout l’avenir est devant vous, et vous avez sans doute quantité de projets. Quels sont les plus proches ?
-Je finis de préparer ma fin de résidence ; je suis en résidence au Concert Hall d’Utrecht, où j’ai une carte blanche. J’y mène différents projets. C’est super, comme chanteuse, pianiste, et flûte à bec.
-Pour le piano et la flûte, je savais, mais le chant ?
-J’ai commencé par la flûte, c’est mon premier amour, et encore maintenant c’est mon instrument préféré parce que son langage m’est aussi personnel que la voix. J’ai commencé ensuite le piano, vers 10 ans. Et le chant, je n’ai commencé professionnellement que depuis 4 ans.
-Vous êtes soprano, ou plutôt mezzo… ?
–Mezzo.
-A entendre votre voix parlée, j’hésitais entre mezzo et alto.
-J’adore les altos, mais je suis mezzo, parfois soprano. Mais faire aventure avec le chant, c’est qu’on ne sait pas où on va.
-Il est vrai que la voix évolue et mûrit au fil des années… Mais pour vos projets poches ? Le festival de Pâques d’Aix-en-Provence à nouveau ?
–Non, j’y étais en 2023, mais pas en 2024… enfin, il faudra que je vérifie mon agenda (sourire). Et en février je serai en Suisse, à La Chaux-de-Fonds, un très beau lieu, et en mars avec Thomas Dunford à Montpellier, puis à Vienne.
-En Autriche ?
-Oui, et également dans un festival en Norvège.
-Et dans notre région, êtes-vous déjà venue ? Peut-être vous entendra-t-on un jour à La Roque d’Anthéron, puisque vous avez déjà joué à la Folle Journée de Nantes, et que René Martin dirige les deux structures ?
–J’adore jouer en France, en Provence je ne suis pas sûre d’être venue. Ah si, j’ai passé des vacances avec ma famille à Avignon ; je connais la Palais des papes, et le pont… (elle se met à fredonner Sur le pont d’Avignon…). Je vais me comporter comme une touriste ; je devrais peut-être me concentrer sur jouer, mais j’adore voir les monuments, les musées, les expos…
-L’ouverture culturelle exprime une richesse de sensibilité qui nourrit aussi votre jeu de musicienne.
-Oui, c’est pour moi beaucoup d’inspiration.
Propos recueillis par G.ad. Photos Simon Fowler
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