Drôle de concert : les musiciens jouent faux et le public applaudit quand il en a envie…
Lundi 10 avril, Salle des fêtes d’Apt, 11h . Concert gratuit – réservation obligatoire. Offert par le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence en Région en partenariat avec la Ville d’Apt et les Musicales du Luberon 2023
Ensemble Sarbacanes (site officiel). Gabriel Pidoux, hautbois et direction ; Neven Lesage, hautbois ; Félix Roth, Alessandro Orlando, cors ; Alejandro Pérez Marin, bassons
« Fanfares, dances et menuets »
Georg Friedrich Haendel (1685-1749), « La Marche » (Act I Sc.I) tirée de l’opéra Ezio HWV 29. Georg Philipp Telemann (1681-1767) – Ouverture « La Joie » en fa majeur TWV 44 :F9 Ouverture – Chasse – Menuet – Joye – Sarabande – Loure. Anonyme, Concerto pour 2 hautbois et basson [Arnberg ; Fü 3692a] Adagio – Allegro – Adagio – Allegro. Fanfares à une et deux trompes composée par Mr. Morin issues de Les Dons des Enfants de Latone : la Musique et la Chasse du Cerf de Jean de Serré de Rieux, Paris : P.Prault, 1734. Menuet à deux cornes de Chasse de Telemann issu du « Getreue Musik Meister ». Georg Philipp Telemann (1681-1767) – Ouverture en en ré TWV 44 :D3 – Marche – Siciliano – Paysane – Menuet I & II – Rigaudon I & II – Harlequinade
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C’est un drôle de concert qui a été donné en la salle de la mairie d’Apt, à l’extrémité orientale du département du Vaucluse, dans le cadre des concerts décentralisés du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, et organisé par les Musicales du Luberon.
Un concert atypique, où les musiciens jouent faux et où le public applaudit quand il en a envie, sur la suggestion des musiciens eux-mêmes… Un concert où les musiciens du jeune ensemble Sarbacanes, formé en 2016, enchaînent à l’envi, comme perles sur un collier, les jeux de mots et contrepèteries sur l’adjectif « apte », homophone du nom de la ville d’accueil…
Un drôle de concert, inattendu, joyeux, festif, qui a fait salle pleine, autant par curiosité sans doute que par la gratuité.
Visiblement le public se régale, tant les musiciens professionnels – nous en connaissons dans la salle près de nous – que les spectateurs à l’oreille vierge. C’est Gabriel Pidoux, fils de Raphaël avec lequel on le confond parfois, dit-il, qui présente ces instruments et leur répertoire. Lui-même a été Révélation instrumentale aux Victoires de la musique classique en 2020 à 23 ans ; il a choisi le hautbois, disait-il alors dans un entretien, pour le plaisir de démonter l’instrument ! Et, plus sérieusement, pour se démarquer de son père Raphaël, violoncelliste du Trio Wanderer – celui-ci entendu en novembre à l’Opéra Grand Avignon -, et de sa grand-mère, violoniste.
Gabriel Pidoux raconte donc, comme une histoire, que les meilleures anches pour les instruments à vent viennent justement des roseaux des Bouches-du-Rhône et surtout du Vaucluse ; et que le cor, conçu au XVIIe siècle, intégrera ensuite la musique instrumentale malgré une gamme de sons limitée, fondée sur les harmoniques naturels : ni dièse ni bémol, ce qui réduit le champ des possibles… Dans le contexte de la chasse qui l’a vu naître, chaque note du cor « au fond des bois » délivre un message précis répondant à une situation identifiée. Et pourtant, en formation scénique variable – deux cors, ou deux hautbois, ou quintette – l’ensemble Sarbacanes a montré que l’oreille et le cerveau, s’habituant peu à peu, trouvent un vrai plaisir à entendre Haendel, Telemann, et Jean-Baptiste Morin, dans des sonorités inattendues.
Et nous n’en étions pas à un étonnement près.
Ce concert à la fois intime et roboratif – vit-on jamais une rencontre cynégétique qui fût lénifiante ? – se poursuivit sur le parvis de la sous-préfecture, en plein air. Un public élargi put alors profiter du talent de ce jeune ensemble dédié depuis 7 ans à la musique du XVIIIe siècle, à géométrie variable, du trio jusqu’à un large effectif. A 8 instruments à leurs débuts – ils sont 5 à Apt -, ils ont reconstitué la configuration emblématique de la période classique (1770-1820), l’octuor à vents, auquel Haydn, Mozart ou Beethoven ont offert quelques belles pages : l’effectif historique comporte 4 couples d’instruments : hautbois, clarinettes, cors, bassons ; on y ajoutait parfois une contrebasse, dispositif adopté le plus souvent par l’ensemble actuel, qui ainsi « [joue] les octuors… à 9 ! » Mais c’est en formation octuor que Sarbacanes a rejoint en 2019 les Ensembles européens émergents, sous l’égide du Centre culturel d’Ambronay.
En formation diverse, il se produit en différents lieux ou événements prestigieux : au Festival de Royaumont, à la Folle Journée de Nantes, à la Philharmonie de Cologne, aux Flâneries de Reims, aux Musicales de Normandie, au Collegio Ghislieri de Pavie, au Festival Européen Jeunes Talents, à la Guildhall de Riga… ; dans notre région, à la Courroie (site officiel) d’Entraigues-sur-la-Sorgue, et au Cercle de musique de Tarascon le 11 juillet 2021.
La veille, jour de Pâques, dans le cadre du Festival de Pâques de Renaud Capuçon et Dominique Bluzet, l’ensemble Sarbacanes a offert aux Aixois le concert gratuit, chaque année fort attendu en la cathédrale Saint-Sauveur, dans un programme Mozart, Schubert et Weber, et en formation « classique », à 9 instruments : en sus, Roberta Cristini et Arthur Bolorinos (clarinettes), Alejandro Pérez Marin et Florian Gazagne (bassons), et Lilas Reglat (contrebasse).
Voilà donc une image sympathique et talentueuse de l’ouverture souhaitée par le tandem Capuçon-Bluzet – et tant d’autres – : élargissement du répertoire, des genres, élargissement géographique et sociologique, pour faire éclater les salles de concert et libérer la musique le plus largement possible…
G.ad. Photos G.ad.
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