Musique du coeur
Théâtre du Cabestan. Concert participatif au profit d’enfants de réfugiés
Instruments : les Solistes d’Avignon (Cordelia Palm & Sophie Saint-Blancat, violons, Fabrice Durand, alto, Emmanuel Lécureuil, violoncelle), Aliénor Girard-Gargas, harpe.
Voix : Blerta Zeghu, soprano ; Ada Bonora, mezzo-soprano.
Poèmes, Enfanté par l’oubli, Ada Bonora.
Kindertotenlieder, Gustav Mahler ; transcription pour quatuor à cordes & harpe, Dominique Lièvre.
Enfanté par l’oubli, Dominique Lièvre, compositeur.
C’est un concert, et plus largement un projet, qui vient tout autant du cœur que du talent.
Il suffit de dire que les instrumentistes, réunis en formation chambriste sous le nom des Solistes d’Avignon, sont membres de l’Orchestre Régional Avignon-Provence, chefs de pupitre (Cordelia Palm, violon super solo, et Fabrice Durand, alto solo), ou solistes (Sophie Saint-Blancat, violon, Emmanuel Lécureuil, violoncelle, Aliénor Girard-Gargas, harpe).
Il suffit de dire aussi que Dominique Lièvre (dont la modestie a « oublié » de se citer dans la présentation du projet), bien connu dans la région et au-delà, a signé déjà de nombreuses œuvres, dont, en 2015, la musique de Marche, de Christian Petr (décédé en 2016), mise en scène par Serge Barbuscia et interprétée par la troupe du Balcon.
Le projet, Enfanté par l’oubli, est conçu au profit des enfants de réfugiés. C’est ainsi que le compositeur a réécrit pour cordes et harpe les Kindertotenlieder (Chants pour enfants morts), de Mahler, chantés par la mezzo-soprano Ada Bonora, ex-artiste des chœurs de l’Opéra d’Avignon. Et il a posé des notes, parfois délicates, parfois révoltées, sur les mots d’Ada, dont chaque poème porte en titre un prénom d’enfant ; les textes sont chantés par la soprano Blerta Zeghu, avant qu’Ada ne dise elle-même le tout dernier texte. Pour l’enregistrement prévu à l’automne, sans doute faudra-t-il s’assurer que l’interprétation vocale de la soprano soit parfaitement intelligible.
Je n’aurais l’outrecuidance de dire mieux que le compositeur lui-même : « L’écriture musicale de « enfanté par l’oubli » sur les poèmes de la poétesse Ada Bonora procède d’une démarche particulièreau niveau tant de l’esthétique que du geste d’écriture.
La première fait écho à l’œuvre de Gustave Mahler « die kinder totenlieder » ou à la manière du néo-classicisme du Pulcinella de Igor Stravinsky. Le geste d’écriture, ici flirte avec les codes d’un néo-romantisme quasi expressionniste qui me permet de revisiter des gestes et des modes de jeux du début du XXe siècle excluant autant que faire se peut les modes de jeux de l’écriture instrumentale et vocale de la musique post webernienne. Je ne considère pas cela comme une quelconque limitation mais comme un positionnement particulier me replaçant dans une conscience différente de celle de mon époque ; c’est ainsi que le rapport aux durées, à la métrique, et plus généralement au matériau et aux rapports textuelles se développe un peu comme si j’avais remonté le temps et placé mon geste d’écriture quelque part au milieu du Vienne des années 1900 ou que j’étais rentré dans le tableau la jeune mère de Schiele ! »
Dans le même temps, le local attenant au petit théâtre, le Bistro du Cabestan, expose les œuvres de deux jeunes réfugiés qu’Ada Bonora a pris en charge dans des ateliers d’expression artistique : Mamadou Diallo et Abdoulaye Keita, dessins et poèmes.
Les fonds récoltés lors de ce concert, les artistes étant tous bénévoles, ainsi que le produit de la vente du futur CD, sont destinés aux enfants de réfugiés dans un accompagnement artistique (achat de matériel de dessin, aide à la création, formation musicale…). On peut aussi s’associer au financement participatif, sur www.lepotcommun.fr/pot/38g358vu. (G.ad.)