Un opéra de poche globalement réussi
Vendredi 16 août 2024, La Tour d’Aigues, Cour d’honneur du château
Don Giovanni, opéra de Mozart
Dans le cadre du Festival Durance Luberon
Florent Leroux Roche (Don Giovanni) ; Armelle Khourdoïan (Donna Anna) ; Valentin Thill (Don Ottavio) ; Claudia Sorokina (Donna Elvira) ; Carole Meyer (Zerlina) ; Jean Vendassi (Leporello) ; Adrien Djouadou (Masetto) ; Nobert Dol (Le Commandeur) ; Stéphan Poitevin et Mathieu Rivier (valets) ; Lou Sumian (fille de Donna Elvira) ; Karine Andréo (camériste)
Vladik Polionov, piano et mise en scène
Cyriel Demarez, flûte
Juste après un « Offenbach en folie » dans ce même festival, nous choisissons le Don Giovanni de poche.
Pleuvra, pleuvra pas ? Don Giovanni (… et non « Givanni » en titre du programme !) aura finalement été épargné par la pluie, active pendant la journée mais qui a eu le bon goût de s’arrêter pour la soirée. La Cour d’honneur du château de La Tour d’Aigues est un site qui se prête fort bien au déroulement de l’opéra de Mozart, avec une scène au parterre et des personnages qui peuvent se poster aux fenêtres des hautes façades, comme Anna en début d’opéra, ou plus tard la camériste d’Elvira à qui Don Giovanni chante sa sérénade « Deh vieni alla finestra ».
Joué au piano par Vladik Polionov, l’opus mozartien est annoncé comme « opéra de poche », mais il s’agit d’une vaste poche, puisque tous les airs, sauf exceptions, sont joués, ainsi que la majorité des ensembles. Si l’Ouverture de l’opéra est largement abrégée, on retrouve ensuite presque tous les « tubes » de l’ouvrage, entre l’air du Catalogue de Leporello, ceux d’Anna et Elvira, un seul des deux airs de Don Ottavio, deux des trois airs de Zerlina, etc, jusqu’à la mort du Don conclusive, sans le lieto fine donc qui voit le retour des autres protagonistes … pour un « debriefing » général, ainsi que quelques projets d’avenir !
Avec des éléments de décors très légers – ce soir principalement quatre fauteuils –, Vladik Polionov réussit à animer une mise en espace qui propose même certaines originalités. Donna Elvira se présente ainsi avec sa fille, cherchant son « Mari perdu » avec des affichettes. Et lorsque les deux se retournent vers Don Giovanni, la petite lui adresse un « papa » qui fait pouffer l’assistance. Plus tôt, c’est le Commandeur qui se déplace en fauteuil roulant, montrant d’emblée sa fragilité ; il a bien du mal à se battre contre le Don avec sa béquille, ce dernier le trucidant d’un coup de pistolet. A la conclusion, c’est sur ce même fauteuil roulant que le « Dissoluto » se fera poignarder par Donna Anna, après que le couteau a passé de main en main.
Pas particulièrement homogène, la distribution vocale est dominée par le couple Don Ottavio – Donna Anna, respectivement le ténor Valentin Thill au médium large, élégant pour dérouler son air et variant avec goût les nuances forte – piano, et Armelle Khourdoïan dotée d’une voix à la musicalité assurée, facile dans son registre aigu et souple pour les sauts d’intervalles et vocalises de son grand air du II (« Forse un giorno il cielo ancora, Sentirà pietà di me »).
Le baryton Florent Leroux Roche montre de très bonnes intentions, vocales et scéniques, pour défendre le rôle-titre de Don Giovanni, mais il traverse quelques moments faibles où le chant manque d’ampleur, comme dans « Fin ch’han del vino », un air dit « du champagne » aux petites bulles ce soir. En Leporello, Jean Vendassi, voix en manque de stabilité qui bouge dangereusement, paraît en revanche égaré au sein de la distribution, sans parler de ses – petits mais nombreux – erreurs ou oublis de texte. Les voix d’Adrien Djouadou (Masetto) et de Nobert Dol (Le Commandeur) sont de bien meilleure tenue, même si elles peuvent encore gagner en assurance et volume.
Côté féminin, Claudia Sorokina (Donna Elvira) et Carole Meyer (Zerlina) tiennent leur rôle avec conviction, pas toujours d’une intonation sans reproche pour la première et d’un timbre un peu pointu pour la seconde.
A noter encore que le flûtiste Cyriel Demarez apporte un agréable renfort musical aux deux fins d’actes, et que les solistes prennent la partie des habituels choristes masculins à la toute fin, lorsque Don Giovanni est « englouti par les flammes de l’enfer », dixit le livret de Da Ponte.
F.J. / I.F., texte & photos
Laisser un commentaire