Théâtre des carrières, Les Taillades, dimanche 30 juillet 2023. Dans le cadre du Festival d’été des Musicales du Luberon
Direction musicale : Debora Waldman. Mezzo-sopranos : Karine Deshayes et Delphine Haidan. Orchestre National Avignon-Provence (ONAP)
Gioacchino Rossini. Il barbiere di Siviglia (Le Barbier de Séville), ouverture. La donna del lago (La Dame du lac), « Vivere io non potrò » (Elena, Malcolm). L’Italiana in Algeri (L’Italienne à Alger), « Cruda sorte, amor tiranno » (Isabelle). La Cenerentola, ouverture. Tancredi (Tancrède), « Oh patria ..Di tanti palpiti » (Tancredi). La Cenerentola, « Nacqui all’affanno » (Angelina, dite Cenerentola). Giovanna d’Arco (Jeanne d’Arc), « O mia madre » (Giovanna). Nizza, mélodie/canzonetta. Elisabetta, regina d’Inghilterra (Elisabeth Reine d’Angleterre), « Non bastan quelle lagrime » (Elisabetta, Matilda). Il barbiere di Siviglia (Le Barbier de Séville), Temporale. Il barbiere di Siviglia (Le Barbier de Séville), « Una voce poco fa » (Rosina). Semiramide (Sémiramis), « Giorno d’orrore ! » (Semiramide, Arsace)
Déjà en tournée ces dernières années avec le récital « Deux mezzos sinon rien », Karine Deshayes (notre entretien en 2018 ; récemment décorée) et Delphine Haidan se retrouvaient à Avignon en octobre dernier pour un concert intitulé « Deux sœurs ». On y entendait, aux côtés de Gluck, Bellini, Bertin, Viardot, quelques extraits tirés d’opéras de Gioacchino Rossini, compositeur auquel est consacré cette fois le programme donné aux Taillades. Comme à l’automne, les deux chanteuses sont dirigées par Debora Waldman, aux commandes de l’Orchestre national Avignon-Provence ; énergique dans sa battue, précise dans ses attaques, sensible dans son approche, la cheffe a signé une direction réussie.
Dans la puissante acoustique naturelle de cette ancienne carrière – qui avait accueilli la même phalange et la même cheffe, en 2021, pour un concert de Diana Damrau et Nicolas Testé -, l’orchestre joue avec enthousiasme, peut-être même un peu trop pour la grosse caisse qui sature régulièrement le son collectif dans les ouvertures du Barbiere di Siviglia et de La Cenerentola. La virtuosité est assurée pour les pupitres de bois (hautbois, clarinette, flûte, piccolo), également pour les parties de cors, toutefois en limite de vélocité par instants.
Les deux duos « Vivere io non potrò » (La donna del lago) et « Non bastan quelle lagrime » (Elisabetta, regina d’Inghilterra) ont la même physionomie, d’une lenteur qui équilibre bien la voix sombre de Delphine Haidan et celle, plus aigüe et puissante, de Karine Deshayes. Il s’agit d’un doux moment entre amoureux pour le premier, et d’une séquence sereine et agréablement musicale pour le second, même si le sujet est cette fois plus conflictuel.
Pour ce qui concerne les airs chantés séparément, Delphine Haidan les interprète tout à fait correctement, mais il y manque sans doute des doses supplémentaires d’ampleur et de brillant : Isabella de L’Italiana in Algeri se trouve ainsi un peu à court d’abattage dans les dernières vocalises de « Cruda sorte », tout comme Tancredi dans son air d’entrée à l’intonation approximative sur de brefs passages, tandis que Jeanne d’Arc (Giovanna d’Arco) accuse un petit déficit de projection et d’élan guerrier pour caractériser au mieux la Pucelle d’Orléans.
Karine Deshayes nous procure en revanche un plaisir sans retenue, à l’écoute de cette chanteuse rossinienne accomplie et reconnue. Le long et difficile rondo final de la Cenerentola (« Nacqui all’affanno »), tout comme l’air d’entrée de Rosina dans le Barbiere di Siviglia, forment ainsi des feux d’artifice vocaux : vocalises fluides, aigus enflés et interprétation gourmande. La mélodie moins connue « Nizza », sur un texte français, est aussi déroulée avec panache sur des rythmes espagnols ponctués de castagnettes où la chanteuse apporte du brillant.
Le programme se conclut avec un opera seria de Rossini, soit le duo « Giorno d’orrore ! » tiré de Semiramide, pris dans un tempo particulièrement lent pour sa cabalette, ceci très vraisemblablement pour assurer une meilleure qualité vocale aux passages d’agilité rapide. Les deux interprètes retrouvent ici leur complicité pour chanter cette glorieuse partition, qui relève d’une redoutable difficulté. Le très drôle duo des Chats est accordé en bis, avant de reprendre la cabalette conclusive de Semiramide.
F.J. Photos I.F.
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