Joli programme, public record, concert de grande qualité…
un moment de choix pour écrire une future nouvelle page…
Jeudi 28 décembre 2023, 18h, Gordes / Hôtel de ville / Espace Simiane
Concert du Bout-de-l’An des Saisons de la Voix (site officiel)
Florine God, mezzo-soprano. Lola Giry, pianiste. Pierre Gennaï, baryton.
Mozart, Don Giovanni. Duo Don Giovanni-Zerlina : « La ci darem la mano ». Air de Don Giovanni: “Deh vieni alla finestra”. Donizetti, Anna Bolena, air de Smeton:! “Deh! Non voler costringere…”. Louis Varney, Les Mousquetaires au couvent, air de Narcisse de Brissac : « Pour faire un brave mousquetaire… ». Offenbach, La Périchole, air de la Périchole : « Tu n’es pas beau, tu n’es pas riche… ». Gabriel Fauré, En prière. Offenbach, La belle Hélène, air d’Hélène : « Amours divins, ardente flamme… ». Ravel, Don Quichotte à Dulcinée. Jeux d’eau. Mendelssohn, Elias, « Sei stille dem Herm… ». Mozart, Die Zauberflöte, air de Papageno : « Ein Mädchen oder Weibchen… ». Brahms, « Es rauschet das Wasser ». Debussy, « Nuit d’étoiles ». Déodat de Séverac, Chant de Noël. Schubert, duo « Mille cherubini in coro ». Victor Herbert, The Enchantress, « Art is calling for me ». Rossini, L’Italiana in Algeri, duo Isabella-Taddeo : « Ai caprici della sorte ».
Voir la saison 2023, 15e édition
Le concert du Bout de l’an des Saisons de la voix à Gordes n’a pas dérogé à la tradition. La période « des fêtes » se prête à des moments d’exception, et ce sont toujours des lauréats de la dernière édition du Concours international de la mélodie de Gordes qui animent ce concert festif, mêlant airs d’opéra et pièces de récital. Le concours de septembre 2023 avait atteint, de l’avis du jury, « un niveau exceptionnel ».
On s’attendait donc à l’excellence, à laquelle les éditions antérieures nous avaient déjà habitués, avec notamment l’an dernier la soprano Emy Gazeilles à la carrière déjà fulgurante (avec notre entretien d’alors) et sa pianiste Honoka Kobayashi. L’excellence cette année a été confirmée.
En ce 28 décembre 2023, la belle salle municipale de l’Espace Simiane avait accueilli sa pleine jauge, de Gordiens, de résidents secondaires – très engagés dans l’association des Saisons -, de journalistes et de mélomanes fidèles.
La brièveté contrainte de la préparation du trio avant le concert n’a pas affecté la qualité du concert. Il fallait une certaine audace pour intercaler la sublime « prière » de Fauré entre deux Offenbach débridés (La Périchole et La belle Hélène), et une réelle acrobatie pour passer d’un Ravel à l’autre, vocal avec Don Quichotte à sa Dulcinée, instrumental avec les Jeux d’eau délicieux, où la jeune pianiste a ciselé des aigus joliment acidulés et a fait rouler une agile fluidité à main gauche, chaleureusement applaudie.
Il fallait en effet un trio talentueux. D’emblée, le célèbre « La ci darem la mano » – donné aussi en 1er bis – a imposé en Pierre Gennaï un baryton d’autorité malgré ses 21 ans : irrésistiblement convaincant en séducteur (Don Giovanni), martial en mousquetaire, délicat toujours, avec un timbre charpenté et velouté (voir son interview par les Saisons de la voix) ; et si Don Giovanni a été le 1er opéra qu’il a vu enfant à l’Opéra d’Avignon et qui a décidé de sa vocation, il a été aussi son 1er rôle scénique cet été. Le jeune baryton a trouvé en Florine God une partenaire de choix, déjà repérée par France Télévisions pour Musiques en Fête 2024 ; sa longueur de timbre la place alternativement en soprano ou en mezzo, comme ce soir : avec des médiums frémissants et des aigus vibrants, elle incarne avec la même aisance Zerlina et Hélène, Isabella ou the enchantress – quel bonheur, de savourer les comédies musicales interprétées par des chanteurs d’opéra ! – ; voir son interview par les Saisons de la voix). Quant à la pianiste Lola Giry, partenaire de scène de Pierre Gennaï depuis quelques mois, elle a su mener avec les deux chanteurs une féconde complicité, avec une sensibilité attentive à la valeur du chant et au dialogue avec le(s) chanteur(s) ; voir son interview par les Saisons de la voix).
C’était un concert de très belle qualité, qui a suscité un enthousiasme sincère, et trois bis : après Don Giovanni, une reprise de Nuit d’étoiles de Debussy, avant un duo vocal de O Tannenbaum, version originale allemande de Mon beau sapin : ou comment une rengaine peut (re)devenir une belle page d’opéra…
On doit également à Philippe Gut, fidèle d’entre les fidèles, les analyses musicologiques offertes dans le programme papier de 20 pages – désormais une exception dans le paysage musical, aux côtés de Musique Baroque en Avignon -.
C’était aussi une soirée d’inattendu. Une pédale rétive amena Lola Giry à se transformer en dépanneuse, glissée sous le piano. Rien de tel pour alimenter la magie chaleureuse du spectacle vivant !
Autre moment (presque) inattendu : une annonce de Raymond Duffaut visiblement ému ; président depuis 2017, il passera le témoin lors de la prochaine assemblée générale, en février ou mars. Ce qui ne l’empêchera pas de célébrer dans un grand concert comme il en a le secret – à l’instar de ses 40 ans d’opéra à Avignon, en juin 2017 -, ses 50 années de métier, le 26 juillet 2024, le jour même de ses 83 ans ; une grande fête enregistrée et diffusée par France Télévisions, tout comme le concept de MEF qu’il avait inauguré avec Pascale Dopouridis, directrice adjointe de l’Unité musique et spectacle vivant de France Télévisions. Mais il « ne regarde jamais en arrière », et on lira bientôt un très long entretien qu’il nous a accordé. Il a surtout remercié sponsors et partenaires, avec une mention particulière pour l’infatigable équipe des bénévoles des Saisons, ses « hébergeurs » : le concours international de la mélodie de Gordes est sans doute le seul au monde qui accueille, héberge, et nourrit chez l’habitant tous les candidats et le jury : plus de 120 personnes en septembre dernier !
Richard Kitaeff, maire du « plus beau village du monde » a souligné malicieusement le président – allusion à une distinction attribuée à Gordes par un média américain au printemps 2022 – a fait applaudir très longuement Raymond Duffaut, qui a su « donner une nouvelle dimension, internationale, à une structure qui avait déjà une histoire régionale » et vers laquelle il a su faire converger (presque) le monde entier, comme l’a montré le dernier concours avec ses quelque 100 candidats et sa dizaine de nationalités…
On attend désormais le futur président qui dévoilera la saison 2024.
G.ad. Photos G.ad.
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