L’Orchestre de l’Opéra de Toulon joue les compositeurs allemands, hors-les-murs, pour une salle pleine
Toulon, Palais Neptune, mercredi 22 janvier 2025
Concert lyrique – Les grandes pages : l’opéra allemand
Victorien Vanoosten, direction musicale
Elisabeth Teige, Soprano ; Mikhail Timoshenko, Baryton
Orchestre de l’Opéra de Toulon
Richard Wagner : Tannhaüser, Ouverture ; Lohengrin, Prélude – acte I ; Tristan und Isolde, « Liebestod ». Richard Strauss, Vier Letzte Lieder. Gustav Mahler, Kindertotenlieder
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Les travaux de rénovation se poursuivent au théâtre historique et c’est donc dans le cadre d’une saison « hors les murs » que l’Opéra de Toulon propose un concert lyrique, hébergé dans la salle du Palais Neptune, à deux pas du célèbre stade Mayol. Intitulé « Les grandes pages : l’opéra allemand », le programme est donné sur deux soirées consécutives et force est de constater que la salle est fort bien remplie pour cette première date du 22 janvier. Si l’on veut déjà chipoter, « opéra allemand » est ce soir un petit abus de langage, les Vier Letzte Lieder de Richard Strauss et autres Kindertotenlieder de Gustav Mahler appartenant certes au répertoire lyrique, sans être pour autant des extraits d’opéras stricto sensu.
Le concert commence par l’Ouverture de Tannhaüser de Richard Wagner, le compositeur certainement le plus marquant du répertoire allemand. Dirigées par l’actuel directeur musical de l’Opéra de Toulon Victorien Vanoosten – entendu aussi au pupitre de La Force du Destin en cette même saison –, les premières mesures s’écoulent avec sérénité, que ce soit pour les pupitres des bois ou encore les cordes, suffisamment caressantes. Après la douce entame, l’orchestre s’épanouit dans les montées vers les climax. Mais on remarque à cette occasion l’acoustique très absorbante et trop peu réverbérante de cette salle. Ces conditions enlèvent ainsi du brillant, un peu de métal que l’on attend dans ces moments de la part de la phalange. Dommage, car c’est justement dans ces nuances forte que l’orchestre se montre à son meilleur, accusant parfois de petites faiblesses dans les séquences piano, par exemple pendant les doux et rapides passages d’arpèges aux cordes, avant le plus sonore final.
On enchaîne avec les sublimes Quatre derniers Lieder (Vier Letzte Lieder) de Richard Strauss, chantés par Elisabeth Teige. La soprano norvégienne ne se montre pas très à l’aise dans le premier lied Frühling (« Printemps »), apportant certes un volume supplémentaire, mais paraissant chercher un peu ses marques, en particulier pour ce qui concerne l’intonation, avec un aigu émis sensiblement sous la note attendue. Le deuxième September (« Septembre ») nous fait entendre difficilement la partie inférieure du registre, parfois trop discrète et rapidement couverte par l’orchestre. Mais les choses changent nettement au cours du troisième Beim Schlafengehen (« L’heure du sommeil »), qui fait passer le frisson. La voix est bien équilibrée avec le volume musical d’une petite épaisseur, on apprécie les qualités interprétatives de la soprano, tout comme le splendide solo du premier violon au milieu du lied. Le dernier Im Abendrot (« Au crépuscule ») prolonge ces qualités, un sentiment de tristesse débordante, mais sans atteindre toutefois à l’extase du précédent.
Après l’entracte, le Prélude du premier acte de Lohengrin montre à nouveau un orchestre en progrès possible sur la première partie en pianissimo, concernant la cohérence collective de la précision rythmique, et plus à l’aise lors des montées en puissance où il sonne généreusement.
Les Kindertotenlieder (« Chants sur la mort des enfants ») de Gustav Mahler qui suivent, sont pour nous le sommet de la soirée. Au cours de ce cycle de cinq lieder, l’orchestre se fait le plus généralement plaintif et très modeste en volume sonore. Mais c’est surtout l’interprétation du baryton Mikhail Timoshenko qui se révèle remarquable, une voix qui ne force pas, humaine et naturelle, plus que lyrique, l’artiste donnant un sens aux mots à faire pleurer les pierres. La qualité de timbre est égale sur la tessiture, la tenue de souffle est longue et le style legato appliqué. Le chanteur a aussi l’intelligence d’émettre certains aigus en voix de tête, et à l’opposé, il creuse légèrement dans ses notes les plus graves, toujours bien exprimées. Les instrumentistes lui assurent globalement un accompagnement de qualité, les solistes aux bois en particulier, hautbois et basson, même si le cor solo sonne un peu « prosaïque » au cours du premier lied Nun will die Sonn’ so hell aufgehn (« Maintenant le soleil va se lever, si brillant »).
C’est Richard Wagner qui clôt le programme, avec Tristan et Isolde, l’un de ses chefs-d’œuvre absolus. Le magnifique Prélude est empreint de sentiment et enchaîne avec l’autre extrémité de l’ouvrage, soit le Liebestod, chanté par Elisabeth Teige. On retrouve cette fois la chanteuse wagnérienne, qui a déjà foulé les planches de Bayreuth, plus confortable que précédemment dans Strauss. Il manque peut-être un peu de drame dans la voix, mais les notes sont là et c’est dans cette apothéose que se termine la soirée. Entre le fameux « accord de Tristan » initial et sa résolution – très tardive ! – au cours du Liebestod conclusif, c’est ainsi un précieux condensé de Tristan et Isolde qui nous est offert !
F.J. & I.F.
© Kévin Bouffard
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