Cartes postales de Frédéric Haas, clavecin (été 2019)

A l’occasion de ses engagements estivaux, Frédéric Haas, claveciniste international installé depuis peu à Avignon, nous envoie ses coups de cœur, de Chambord et d’Urbino.

« A Chambord, j’ai joué avec le danseur de théâtre Nô Masato Matsuura le concert-performance Noh-Bach, où les Préludes et fugues du second Clavier bien tempéré de J.S. Bach dialoguent avec des chorégraphies de Nô, dans le cadre de la programmation du festival de Chambord, particulièrement riche cette année, à l’occasion des 500 ans du château. J’étais très ému de découvrir ce lieu magnifique, et d’y séjourner, alors que depuis que je suis enfant, je rêvais de m’y rendre, mais que l’occasion ne s’en était jamais présentée.

Le lieu bien sûr est célèbre. Et les photographies n’en sont pas rares. Mais, avant de s’y rendre pour de bon, comment en imaginer l’échelle ? C’est cela qui est, peut-être, le plus saisissant : cette ampleur, sans gigantisme. Les proportions sont parfaites. Et il était particulièrement exaltant de faire sonner dans un tel lieu riche d’idéaux si puissamment réfléchis et nourris des recherches philosophiques, et pour ainsi dire, harmoniques, les plus audacieuses, une œuvre comme le second Clavier bien tempéré, qui pourrait en être une parfaite traduction musicale. Et que dire de la danse du Nô ? Voici des arts où la recherche d’absolu a fait naître des formes si vivantes et si parfaites, qu’elles nous touchent jusqu’au fond de nous-mêmes.

J’ai joué cet été aussi à Urbino. Depuis l’âge de 19 ans où je découvrais avec émerveillement l’Italie, et que de plus en plus fasciné, j’en visitais toutes les villes, Urbino toujours faisait partie de mes découvertes désirées. Cependant, Urbino, difficile à atteindre, était toujours restée à distance, comme une ville idéale et parfaite – qu’elle est en effet, si merveilleusement sise au milieu d’un paysage splendide qui paraît familier tant il semble qu’il ait été vu dans le fond de tant de tableaux admirables -.

On comprend que nés ici, Raphaël et tant d’autres soient devenus peintres. Les recherches savantes, les spéculations excitantes des architectes humanistes mêlées à l’irrégularité naturelle des collines font que les espaces de la ville respirent, d’une façon qui paraît quasi miraculeuse, une alliance qui devrait être impossible de grandeur et d’intimité.

Au retour, le 28 août, nous jouerons au musée Vouland à Avignon un beau programme de concertos et sonates de Tartini et CPE Bach, que nous allons enregistrer début décembre. Je me réjouis de cette nouvelle occasion de rencontrer le public avignonnais ».