Excellence des artistes dans une soirée qu’on eût voulu prolonger
Lundi 1er août 2022, 21h, Château de Florans, Auditorium du Parc, Festival international de piano, La Roque d’Anthéron
Bertrand Chamayou, piano. Quatuor Modigliani, quatuor à cordes
Haydn, variations pour piano en fa mineur Hob. XVII.6. R. Schumann, quintette pour piano et cordes en mi bémol majeur, op. 44. F. Schubert, quatuor à cordes n° 14 en ré mineur D. 810, « La jeune fille et la mort »
Je n’avais pas eu l’occasion d’entendre Bertrand Chamayou en 2021, mais j’avais encore en mémoire l’enthousiasme qu’il avait soulevé dans le public lors de son récital de l’année précédente, conclu par une généreuse série de bis offerte à des auditeurs ravis. J’étais donc impatient de l’entendre à nouveau et je n’ai pas été déçu, ou plutôt si, j’ai été déçu… qu’il n’ait pas pu nous en offrir plus, que nous n’ayons pu profiter plus de son art, le programme ne lui accordant que les Variations de Haydn et le Quintette de Schumann. Courte ovation après cette œuvre, l’absence d’entracte poussant le public à passer à l’œuvre suivante. Ainsi, pas de bis pour prolonger un peu le plaisir et passer quelques minutes supplémentaires en compagnie du pianiste.
Le concert débutait donc par les Variations pour piano en fa mineur de J. Haydn. Datant de 1793, il s’agit de la dernière œuvre écrite pour le piano par le compositeur. Elle devait, semble-t-il, constituer à l’origine le premier mouvement d’une sonate finalement abandonnée, et utilise deux thèmes tirés de l’opéra L’âme du philosophe, l’un en majeur, l’autre en mineur, sur lesquels s’enchaînent les variations. La partition est agréable à écouter. Jeu clair, doigté précis et souple, le pianiste la maîtrise avec facilité, sachant bien rendre les nuances, de la variation la plus décidée, la plus engagée, à la plus poétique ou la plus légère, avec ses fioritures, empreintes, pour certaines, d’une pointe d’émotion. Bel hommage à Papa Haydn.
Le quatuor Modigliani se joignant à Chamayou, suivait le Quintette avec piano, l’une des œuvres majeures de Robert Schumann, datée de 1842, dédicacée à son épouse Clara, qui contribua grandement à sa popularité. L’allegro brillante fut mené comme il se doit, enlevé et nerveux, mais exposant aussi un deuxième thème tendre et lyrique. Le piano sut bien se mêler aux cordes ou dialoguer avec elles. L’interprétation du deuxième mouvement fut particulièrement inspirée, paraissant conter un état émotionnel qu’il était facile de suivre. Une marche lente semble celle d’un être accablé, qui évolue vers une sorte de douce méditation avant son retour vers cet accablement. Puis vient une accélération subite, comme une révolte qui mène à nouveau, comme une satisfaction, vers la douce torpeur de la méditation. L’euphorie est passée, la marche de l’être accablé termine le mouvement. Dynamisme et vivacité y encadrant une phase plus douce et recueillie, suivaient un scherzo brillant et un allegro final décidé, martelé, menant à une conclusion convaincante offerte par des musiciens en accord parfait.
Autre œuvre majeure, proposée cette fois par les seuls Modigliani, le quatorzième Quatuor de Franz Schubert, La jeune fille et la mort, écrit en 1824, titre qui lui vient de son andante, série de 5 variations sur un thème tiré du lied portant le même nom. Les Modigliani trouvaient là l’occasion d’afficher leur belle homogénéité, leur coordination, leur maîtrise de la dynamique, alternant vivacité, engagement, douceur, retenue et même parfois pudeur. L’andante fut donné avec beaucoup d’émotion, le premier violon y exprimant toute sa délicatesse et le quatuor nous délectant des divines longueurs schubertiennes. On croit le mouvement fini, mais non, il recommence, pour le plaisir. Un regret cependant dans cet état de grâce, un final moins convaincant, passage délicat, il est vrai, une désunion des cordes au moment où l’émotion s’intensifie. J’ai cru entendre pendant quelques mesures, vite pardonnées, vu la prestation d’ensemble, comme une composition contemporaine venue s’égarer là. Le court scherzo fut rondement mené et le presto une réussite achevée sur un final éblouissant.
Le public ne pouvait offrir aux Modigliani qu’une belle ovation bien méritée, ces derniers proposant en bis l’andante du 4ème quatuor de Schubert, mais qui ne recueillit que des applaudissements de politesse de la part d’une assistance qui semblait pressée de terminer sa soirée. Peut-être eût-il fallu un bis plus enlevé pour la retenir, mais je reconnais inconvenants ces spectateurs qui quittent les lieux alors que sur scène les artistes sont encore à saluer.
B.D. Photos Valentine Chauvin
Laisser un commentaire