Mercredi 31 juillet 2024, 21 h, Auditorium du Parc, Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron
Orchestre Philharmonique de Nice
Lionel Bringuier, direction
Alexander Malofeev, piano
W.A. Mozart, ouverture des Noces de Figaro. F. Mendelssohn, symphonie n° 4 « Italienne ». P.I. Tchaikovski, concerto pour piano et orchestre n° 1
Voir notre présentation d’ensemble du 44e Festival de La Roque d’Anthéron
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Le Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron avait choisi, cette année, de mettre en avant les orchestres de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : Marseille, Avignon, Cannes, Nice. C’est la première fois que l’Orchestre Philharmonique de Nice y était accueilli. Je n’ai que rarement eu l’occasion de l’entendre, notamment l’année dernière à Orange, aux Chorégies, pour le concert Netrebko, mais j’en avais conservé la mémoire d’un orchestre d’excellent niveau.
Il le confirma dès une ouverture enjouée des Noces de Figaro, donnée par une formation bien équilibrée, dégageant des lignes musicales claires et bien définies, dans un ensemble bien construit.
L’Italienne de Mendelssohn, créée en 1833, inspirée d’un voyage en Italie du compositeur, témoigna également, sous la direction sobre et élégante de Lionel Bringuier de la qualité des différents pupitres de l’orchestre, mais qui livrèrent une interprétation un peu moins équilibrée, avec des vents dominateurs et des cordes souples et homogènes, mais un peu timides. Dans un premier mouvement, un allegro vivace bien pris à la lettre, un peu martial cependant et manquant d’un peu de subtilité, nous fûmes gêné par la sonorité des cors, qui n’était pas du meilleur effet. Le public ne put, cependant, se retenir d’applaudir. Le deuxième mouvement, un andante plutôt berceur, fut agréablement servi, sur le rythme entêté des violoncelles et contrebasses. Les cors se rattrapèrent et sonnèrent mieux dans un troisième mouvement légèrement dansant, ce qu’ils confirmèrent dans un final presto marqué par une belle introduction des flûtes et une course bien maitrisée et coordonnée entre les différents pupitres.
Une belle salve d’applaudissements salua une interprétation au demeurant très honorable.
Le célébrissime premier concerto pour piano de Tchaikovski, daté de 1875 et révisé en 1888, constituait le clou de la soirée. Le jeune et talentueux pianiste russe de 22 ans, Alexander Malofeev, chargé de récompenses et dont la réputation internationale n’est déjà plus à faire, en était le soliste ; on l’avait déjà entendu ici en soirée symphonique même l’an dernier, et il donnera un récital solo Rachmaninov le 3 août. L’œuvre, qu’il maîtrise parfaitement, lui permit d’exposer sa technicité, sa virtuosité, sa puissance, avec un jeu que nous qualifierons de musclé, cherchant à nuancer, certes, mais parfois insuffisamment, parfois trop, comme dans la cadence du premier mouvement, que nous avons jugée trop retenue dans ses passages lents. A vouloir cependant braquer les projecteurs sur un piano dominateur, il en est résulté un déséquilibre dans ses rapports avec l’orchestre, une insuffisance de véritables échanges, de véritable dialogue. Pour s’affirmer, l’orchestre, de son côté, a usé de vents trop présents dans les tutti, avec des cors encore à la sonorité peu séduisante et des violons parfois un brin timides.
Cette vision de l’œuvre au final ne nous a pas entièrement convaincu. Les œuvres de Tchaikovski sont l’expression, le reflet d’une vie intérieure intense ; je n’ai pas retrouvé ici cette transmission, cette sensation. Les interprètes ont fait le choix de l’éclat, du flamboyant, du superficiel, d’un piano roi, il manquait l’intériorisation, la chaleur, le lyrisme, la passion. Ce concerto tend trop à être pris pour un morceau de bravoure, de valorisation de la technique pianistique, il en arrive souvent à perdre son âme.
Le public n’a pas été sensible à cette perception. Subjugué par la performance d’Alexander Malofeev, il lui réserva une longue ovation frénétique allant du battement des pieds sur le plancher des tribunes jusqu’à la « standing ovation ». Les trois bis qu’il offrit révélèrent avec bonheur une autre facette de l’artiste, confirmant sa complète maîtrise de l’instrument et sa sensibilité musicale, un jeu beaucoup moins musclé, plus délicatement nuancé et raffiné. Nous eûmes droit au Menuet HWV 434 n° 4 de Haendel, revu par W. Kempff, plein de délicatesse, au Prélude op. 3, n°2 de Rachmaninov, magistral, et, pour achever dans la maîtrise de la technique pianistique, au Prélude pour la main gauche, op. 9, n° 1 de Scriabine, tout en finesse.
B.D. Photos Pierre Morales
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