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Samedi 1er avril 2023, 20h30, Grand Théâtre de Provence Page officielle du concert. Voir l’avant-concert
Ensemble Vocal de Lausanne
Orchestre de Chambre de Genève
Daniel Reuss, direction. Berit Norbakken, soprano. Barbara Kozelj, mezzo-soprano. Thomas Walker, ténor. Tobias Berndt, baryton
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Symphonie n° 40 en sol mineur, K. 550. Messe en ut mineur, K. 427
Il appartenait donc à l’Orchestre de chambre de Genève, à l’Ensemble vocal de Lausanne et au chef Daniel Reuss d’ouvrir le programme « classique » de ce 10ème Festival de Pâques dans la salle du Grand Thétre de Provence, qui accueillait aussi les quatre solistes de la Messe en ut mineur de Mozart, la soprano norvégienne Berit Norbakken, la mezzo slovène Barbara Kozelj, le ténor écossais Thomas Walker et le baryton allemand Tobias Berndt. On peut convenir que ce fut une belle entrée en matière.
L’une des œuvres les plus célèbres de Mozart, sa 40ème symphonie, en sol mineur, écrite en 1788, remaniée vers 1791 avec rajout des clarinettes, ouvrait le programme. D’emblée, les cordes de l’Orchestre de chambre de Genève ont affiché leur homogénéité et fait apprécier leur belle sonorité. On peut aussi affirmer que tout au long du concert les musiciens, dans leur ensemble, se sont montrés irréprochables. Daniel Reuss, maîtrisant son sujet, a donné de l’œuvre une interprétation bien équilibrée, aux tempi bien choisis. Quelle impression en a-t-il laissée ? Certes, le sol mineur tend plutôt vers le tragique, certains ressentent le thème d’ouverture comme fiévreux, pathétique, mélancolique, l’andante grave, le final intranquille, laissant sourdre un sentiment d’urgence, dominé par une colère fébrile. Ce n’est cependant pas tout à fait ce que j’ai pu retenir de l’interprétation de Daniel Reuss, avec lequel j’ai trouvé le molto allegro initial plutôt optimiste, volontaire et même conquérant, un Mozart « qui en veut ». Un andante grave ? Oui, si l’on considère comme grave une expression noble, retenue, parfois rêveuse, empreinte de douceur et de grâce, secouée, par instants, de soubresauts d’affirmation de soi. Le menuet, incisif au démarrage, présentait un trio central plus subtil dans ses échanges entre cordes et vents, avec une belle intervention des cors. Quant à l’allegro final, loin de moi l’intranquillité, la colère ou la fébrilité, il répondait au premier mouvement, avec un retour volontaire et conquérant, laissant place à des moments plus réfléchis, mais menant vers l’optimisme et la joie de vivre. Peut-être était-ce, ces impressions, les effets de la grâce et de la beauté mozartiennes bien comprises et exprimées par Daniel Reuss.
La Messe en ut mineur, la grande messe, fut aussi un grand moment. Grande messe, par sa durée, près d’une heure, bien qu’elle soit inachevée (le Credo est incomplet et manque l’Agnus Dei), mais aussi par son écriture touchant au grandiose. Composée en 1783, à la suite d’un serment d’amour fait à sa future épouse, elle constitue un pont entre le baroque et le pré-romantisme. Mozart avait découvert les maîtres du baroque et s’en trouve influencé, notamment dans les parties confiées à un chœur puissant. On peut y sentir les marques des oratorios de Haendel, des Passions de Bach ou de sa Messe en si mineur, comme dans le Qui tollis peccata mundi. Mais les parties confiées aux solistes tendent, elles, vers la théâtralité, vers l’opéra de cette fin du 18ème siècle. La partition est riche de gravité, de chants de louanges et de triomphe, de puissance et de tendresse. Des chœurs de bonne tenue (17 voix masculines et 15 féminines), un orchestre bien en place, des solistes bien intégrés à ces ensembles, un tout bien équilibré et maîtrisé par Daniel Reuss ont su rendre tout cela avec les nuances que l’œuvre impose. L’écriture fuguée, le contrepoint du Gloria in excelsis, du Cum sancto spiritu, de l’Hosanna in excelsis, le triomphe final du Benedictus ont été magnifiquement interprétés par le chœur. Les voix féminines solistes sont les plus sollicitées. Barbara Kozelj s’est mise en particulier en évidence dans un Laudamus te opératique à souhait avec ses vocalises parfaitement maîtrisées, Berit Norbakken nous a, elle, offert un Et incarnatus est des plus touchants, serein, empreint de douceur et de tendresse, marqué par ce beau dialogue avec le trio hautbois, basson, flûte rejoint ensuite par les cors. Thomas Walker, ténor plutôt barytonnant, n’a pu se faire apprécier que dans le trio du Quoniam tu solus, et dans le quatuor du Benedictus, tandis que Tobias Berndt a dû, lui, attendre ce même quatuor, qui fut de belle facture, pour se faire entendre.
Le public, enthousiaste, ne pouvait exprimer sa satisfaction que par une ovation chaleureuse, saluant une prestation qui aura marqué le début de ce Festival.
B.D. Photo B.D.
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