Festival Off 2024: Scala, 11h45, 1h, relâche les lundis 8 et 15 juillet. Attention : « Le spectacle contient des effets de lumière qui peuvent affecter les personnes sensibles à l’épilepsie photosensible ».
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C’est un flux d’énergie qui déferle
Dimanche 17 décembre 2023, 16h, La Scala Provence, Avignon
Circus Baobab. « Yé ! l’eau »
Direction artistique, Kerfalla Camara. Mise en cirque et scénographie, Yann Ecauvre. Intervenant acrobatique Damien Drouin, compositeur Jeremy Manche
La troupe de 13 Acrobates – Danseurs : Bangoura Hamidou, Bangoura Momo, Camara Amara Den Wock, Camara Bangaly, Camara Ibrahima Sory, Camara Moussa, Camara Sekou, Keita Aïcha, Sylla Bangaly, Sylla Fode Kaba, Sylla M’Mahawa, Youla Mamadouba, Camara Facinet
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Ils et elles sont jeunes, bourrés de vitalité. Ils et elles ont des corps d’athlètes, n’ont peur de rien, prennent tous les risques. Attachez vos ceintures : lorsque les danseurs-acrobates de Circus Baobab déboulent, c’est un flux d’énergie qui déferle, et le public décolle ! Sur la grande scène de La Scala Provence où ils ont conquis le public du Festival cet été 2023, il nous est donné de les revoir, pour une séance unique, dans une salle comble où se pressent toutes les générations. Nous ne bouderons pas notre plaisir, tout en regrettant que le spectacle initialement programmé, Yongoyéli, qui devait être donné par une autre partie de la compagnie guinéenne sur le thème de l’excision, ait dû être annulé sur fond de tensions diplomatiques, les artistes n’ayant pas obtenu leurs visas. Avec Yé ! (L’eau), c’est un autre thème crucial qui est abordé, celui de l’eau sur un continent et une planète où sa rareté devient un enjeu. Ce spectacle-là a pu être programmé parce cette partie de la troupe vit en France, répète à Marseille et a devant elle une grande tournée française pour 2024.
Tout commence dans une lumière de fin du monde, par un dialogue muet. Celui d’une femme et d’une bouteille d’eau recelant encore quelques ultimes gorgées. La scène est jonchée de bouteilles en plastique écrasées, vides. Elle boit, et ce geste si anodin ne l’est plus du tout. Autour de lui, autour de la soif, va se déchaîner la violence. Bientôt, elle n’est plus seule. Ils et elles sont onze en scène ce jour-là, deux femmes et neuf hommes, enchaînant les séquences d’affrontement chorégraphiées, entrecoupées de formidables pyramides humaines, inventives et fragiles, aussi promptes à s’édifier qu’à s’écrouler, en souplesse, sans heurts. Le rythme est soutenu, les références urbaines, krump, break dance, hip hop, dialoguent avec les écritures circassiennes. La musique, avec ses basses vibrantes, la lumière et ses effets stroboscopiques, viennent souligner la tension sous-jacente où sourd la menace d’une fin du monde. Mais l’énergie reprend le dessus. L’écriture des corps dit la rage, la colère, mais aussi l’unité, la fusion, la force du groupe. On reste bouche-bée devant tant de virtuosité, entièrement pris par le langage des corps qui parlent. Et puis il y a cet incroyable contorsionniste, homme-serpent au corps de caoutchouc, qui semble amortir tous les coups, absorber par sa présence impassible l’impact de l’agressivité ambiante.
L’efficacité du spectacle se passe de mots. Les rares prises de paroles, sans relief, et les moments où les cris prennent le pouvoir, viennent en affaiblir la portée. De même que la séquence où les danseurs-acrobates se muent en supporters d’un match de foot. Quelques bémols vite oubliés alors qu’en forme d’apothéose les artistes saluent la salle en chantant, enchaînant les démonstrations de virtuosité, individuelles cette fois-ci. Les acrobates, jusqu’aux saluts, nous en mettent plein la vue, on bat des mains, on jubile. Et l’on applaudit ce faisant la trajectoire d’une compagnie fondée il y a 25 ans à Conakry pour proposer aux enfants des rues un avenir possible. Une réussite humaine et artistique.
C.I. Photos Raphaël Caputo
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