Salle comble pour cette pièce sombre
Woman at point zero, création mondiale de Bushra El-Turk, Festival d’Aix-en-Provence, Pavillon Noir (10-07-2022)
Direction musicale, Kanako Abe. Mise en scène, Laila Soliman. Décors et vidéo, Bissane Al Charif. Vidéo, Julia König. Costumes, Eli Verkeyn. Lumière, Loes Schakenbos. Fragments audio documentaire, Aida Elkashef
Dima Orsho (Fatma) ; Carla Nahadi Babelegoto (Sama)
Orchestre Ensemble Zar – Hyelim Kim (daegeum), Milos Milivojevic (accordéon), Raphaela Danksagmuller (flûte à bec, cromorne, fujara, duduk, kaval), Chatori Shimizu (sho), Faraz Eshghi Sahraei (kamânche), Hanna Kölbel (violoncelle)
C’est une plus petite forme que les grands opéras déployés dans la cour de l’Archevêché ou au Grand Théâtre de Provence que propose le Festival, avec la création mondiale de Woman at Point Zero de la compositrice Bushra El-Turk (née en 1982), sur un livret de Stacy Hardy, lui-même tiré de l’ouvrage-choc de Nawal El Saadawi paru en 1975.
La pièce d’un peu moins d’une heure met en scène deux femmes en Egypte : Fatma, emprisonnée pour avoir tué un homme, se confiant à Sama qui réalise un film de témoignages de femmes ayant subi des violences et également emprisonnées. Après excision, inceste commis par l’oncle, mariage forcé, maltraitance, prostitution, Fatma tue un proxénète pour se défendre et déclare finalement qu’elle se sent plus libre en prison qu’à l’extérieur. Pour sa part, Sama témoigne aussi des nombreuses violences sexuelles endurées lors des manifestations de la place Tahrir.
Placés sous la direction de Kanako Abe, sept musiciens sont répartis autour d’un praticable, la couleur noire régnant sur l’ensemble du plateau. L’accordéon prend souvent une place importante dans l’instrumentation, la musique de Bushra El-Turk sonnant le plus souvent de manière triste, plaintive, contrastant avec de rares séquences aux rythmes plus enjoués. Des sons enregistrés se mêlent de manière récurrente à la musique ou aux interventions des deux femmes, en général des bribes de conversations de femmes arrêtées pour les mêmes raisons, qu’on imagine tenues dans la prison.
Il s’agit moins d’un opéra que d’une pièce mettant en présence deux femmes qui dialoguent, en majorité en texte parlé, les parties chantées étant plus rares. Les deux chanteuses sont en tout cas sonorisées et n’ont pas à pousser leur voix pour dérouler le livret, en anglais et facilement compréhensible. La réalisation visuelle sort par moments de ce huis clos, par le moyen de courtes projections vidéos en fond de plateau. Un mot en conclusion pour constater que l’amphithéâtre du Pavillon Noir est comble pour cette première des deux représentations au programme, ce qui confirme l’intérêt du public pour la création contemporaine.
I.F. Photos Jean-Louis Fernandez
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