Pour un coup d’essai…
Samedi 30 octobre 2021, 16h30, durée 1h, Conservatoire du Grand Avignon, Amphithéâtre Mozart. Concert présenté dans le cadre du cycle Apér’Opéra, suivi d’une rencontre conviviale avec les interprètes
William Shelton, contre-ténor. Bastien Dollinger, piano
Reynaldo Hahn (1874-1947), Trois jours de vendange, Alphonse Daudet. L’heure exquise, Paul Verlaine. Mélanie Bonis (1858-1937), La mer, Léon de Poul ar Feuntun. Ernest Chausson (1855-1899), Le temps des Lilas, Maurice Bouchoir. Cécile Chaminade (1857-1944), Chanson triste, La comtesse Joseph Rochaïd. Sombrero, Edouard Guinand. Camille Saint-Saëns (1835-1921), Si vous n’avez rien à me dire, Victor Hugo. Cécile Chaminade (1857-1944), Mots d’amour, Charles Fuster. Charles Gounod (1818-1893), Le banc de pierre, Paul de Choudens. Cécile Chaminade (1857-1944), L’amour captif, Thérèse Maquet. Ronde d’amour, Charles Fuster. Gabriel Fauré (1845-1924), Automne, Armand Sylvestre. Régine Wieniawski dite « Poldowski » (1879-1932), Mandoline, Paul Verlaine. Colombine, Paul Verlaine. Cythère, Paul Verlaine. Maurice Ravel (1875-1937). Le paon, Jules Renard. Lili Boulanger (1893-1918), Le retour, Georges Delaquys. Nous nous aimerons tant, Francis Jammes. Francis Poulenc (1899-1963), C’est ainsi que tu es, Louise de Vilmorin. Benjamin Godard (1849-1895), Le printemps, Edouard Guinan
Nous avons vécu un moment historique, mais en toute simplicité, dans l’écrin feutré de l’amphithéâtre Mozart, au cœur du Conservatoire Grand Avignon. Cet apér’opera#1 ouvrait la saison des petites formes lyriques du samedi après-midi, qui, depuis plus d’une décennie, drainent un public fidèle, et il représentait aussi le tout premier récital du duo William Shelton et Bastien Dollinger.
Auditions et concours avaient marqué le parcours (brillant) du contre-ténor franco-britannique et du pianiste bisontin jusqu’en septembre 2020. C’est à ce moment qu’ils ont franchi une étape décisive. Décrochant le Prix de l’Opéra grand Avignon au 12e concours international de la mélodie de Gordes, ils ont gagné ainsi leur première scène publique, une scène que le calendrier incontrôlable de la pandémie avait différée.
Et, si le public est généralement très bienveillant dans ce type de concert, force est de constater que les applaudissements n’étaient ce jour ni de complaisance ni d’habitude. Une voix, surtout de contre-ténor, qui tient sans fatigue et sans faiblesse toute la durée d’un concert d’une heure, sans pièce instrumentale, mérite déjà l’admiration de tous. D’autant que le programme comportait quelques acrobaties, dont plusieurs passages rapides de voix de tête en voix de poitrine (Mel Bonis, Gounod).
De surcroît, le jeune chanteur, né à Nancy il y a 27 ans mais ayant gardé son charme souriant de grand adolescent, a su offrir un univers de mélodie sans aucune mièvrerie. Qui pourrait échapper à l’image académique de ciels brumeux, de soleil voilé, de larmes douces, de cheveux blonds et de baisers volés, de lune blanche, de roses – qu’elles soient déjà fanées ou juste écloses -, d’arcs-en-ciel, de lumière sur feuilles bruissantes ? La sobre fraîcheur de l’interprétation, le velours maîtrisé d’un timbre aux aigus épanouis, et surtout une diction parfaite, jusque dans les syllabes atones et dans les diérèses élégamment soulignées, nous convainquent que ce jeune interprète a su trouver sa place dans cet univers.
Dans une sympathique complicité artistique et humaine, le jeu du pianiste sait également ciseler les nuances miroitantes de certaines partitions, même si son enthousiasme l’entraîne parfois, dans des pièces roboratives (Chaminade, Sombrero, ou Ronde d’amour) ou légères (Ravel, le paon, où d’ailleurs William Shelton sait manier l’humour avec une délicatesse de bon aloi), à une fougue généreuse quelque peu… tonique ! En revanche, pour présenter brièvement chacune des pièces du programme, il devrait sans doute, pour poser sa voix, pour lui donner lenteur et projection… prendre des cours de chant, comme en plaisante en coulisse son partenaire !
On n’aurait garde d’oublier le programme lui-même. Bien conçu, montrant sans pédantisme une évolution chronologique de la mélodie, depuis les années 1880 jusqu’à Francis Poulenc, en passant par l’inévitable Gabriel Fauré, et le « coup de cœur » du duo, le joli « banc de pierre » de Charles Gounod, il a tissé une intelligente cohérence. Une cohérence articulée autour de la mise en lumière des compositrices, aux côtés des compositeurs plus connus, dans un louable effort de parité : 4 sur 12 !
In fine les deux artistes auraient eu tort de nous priver du joli bis « Notre amour est chose légère », de Gabriel Fauré, qu’on entend toujours avec une intense jubilation.
G.ad. Photos G.ad.
MOULAY LOUIS dit
Ce jeune contreténor a une voix envoûtante qui me séduit et m’apporte beaucoup de joie intérieure. Je lui souhaite longue carrière et attends ses prochains enregistrements.