Amours, délices… et piano
Concert d’automne des Saisons de la Voix à Gordes : embarquement pour un « voyage d’amour » de deux siècles et demi de musique d’Europe… et au-delà, avec la mezzo Violette Polchi et le pianiste Mathieu Pordoy.
Les Saisons de la Voix, concert d’automne. Dimanche 29 septembre, 18h, Gordes, Hôtel de Ville / Espace Simiane
Violette POLCHI, mezzo-soprano. Mathieu PORDOY, piano
Voyage de L’amour
William Bolcom (1938),Cabaret songs, George / Amore, textes d’Arnold Weinstein. Kurt Weill (1900-1950), Berlin im licht, texte de Kurt Weill. Richard Strauss (1864-1949),Der Rosenkavalier, air d’Octavian : « Wie du Warst … ». Manuel De Falla (1876-1946), Canciones populares, Jota / El pano Moruno . Ruperto Chapi (1851-1909),Las hijas del Zebedeo, Carceleras, texte de José Estremera. Enrique Granados (1867-1916), Quejas o la Maja y el Ruiseñor (extrait des Goyescas). Jules Massenet (1842-1912), Nuit d’Espagne, Texte de Jean-Louis Gallet. Hector Berlioz (1803-1869), Zaïde, Feuillets d’album, opus 19, texte de Roger de Beauvoir. Maurice Ravel (1875-1937),L’heure espagnole, air de Concepción : « Oh, la pitoyable aventure… ». Francis Poulenc (1899-1963), Mélancolie pour piano. Gaetano Donizetti (1797-1848),Lucrezia Borgia, air de Maffio Orsini : « Il segreto per esser felici… ». Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Cosi fan tutte,air de Dorabella : « Smanie implacabili… ». Mozart, La finta giardiniera, air de Don Ramiro : « Va pure ad altri in bra ».
Amours tumultueuses ou tendres, délices partagées, rêvées ou perdues, c’est un « Voyage de l’amour » que proposait le concert d’automne des Saisons de la Voix.
Un concert à Gordes constitue toujours une petite parenthèse hors du monde. Dans ce charmant village perché, si souvent pris d’assaut par les touristes, la fin d’après-midi est un moment béni. Y arriver par les bois de l’abbaye de Sénanque ou par la route de plaine qui suit la ligne du Luberon réserve toujours mille émotions, comme une mise en bouche que le concert va prolonger et multiplier. Que le concert se donne l’été dans le théâtre des Carrières à flanc de colline, ou dans la salle de l’hôtel de Simiane récemment rajeuni, les Saisons (tout sur la 11e édition, 2019) attirent un public connaisseur et régulier, et la présence fidèle de Maurice Chabert, qui, jadis maire de Gordes et aujourd’hui encore président du Conseil départemental, accompagna la naissance des Saisons – dont il trouva le nom !-.
Sur le socle historique des Saisons – lied et mélodie -, Raymond Duffaut, président depuis 2017, poursuit, avec la ténacité et la passion qu’on lui connaît, son œuvre de découvreur et promoteur de talents en herbe. Comme il le fait également à travers le Concours #cjeopera qui porte légitimement son nom, comme il le fait aussi à la tête du CFPL (Centre Français de Promotion Lyrique), réservant à Musique Baroque en Avignon, dont il est le conseiller artistique, la promotion d’artistes confirmés et prestigieux.
Ce concert d’automne proposait un voyage dans l’espace et dans le temps.
Il nous a promenés de Mozart, avec le beau chant d’amour de Dorabella (Cosi fan tutte, 1790) et la colère du jaloux Ramiro (La finta giardiniera, 1775) jusqu’au pianiste américain William Bolcom qui a ouvert la soirée.
Entre Mozart et Bolcom, le XIXe siècle a été bien représenté, avec une une chanson à boire de Donizetti – la recette du bonheur – tiré de Lucrezia Borgia (1833), puis une zarzuela piquante et brillante de Ruperto Chapi, dont se régala d’ailleurs Montserrat Caballé, ensuite une mélodie en forme de boléro de Berlioz (1850), et une « Nuit d’Espagne » de Jules Massenet (1872). « Nuit d’Espagne » reprise en écho, une génération plus tard, par « l’Heure espagnole » (1907) que son compositeur Ravel qualifiait de comédie musicale.
Nous voici aussi en Allemagne, avec Richard Strauss à Dresde en 1911 (Le Chevalier à la Rose), ou avec Kurt Weill vantant en 1928 à Berlin l’éclairage électrique urbain ( !).
Retour en Espagne avec les fameuses Goyescas pianistiques de Granados en 1911 (ici la romance lyrique d’une jeune fille à son rossignol, qui n’est pas sans rappeler le « moineau de Lesbie » de Catulle il y a plus de 2.000 ans), ainsi que les chansons populaires que De Falla créa à Madrid au piano dans les années 1915, et, dans un tout autre domaine, la pièce pour piano très raffinée de Poulenc (1940).
Des univers et des couleurs très divers, dans la proximité presque intime de cette salle. Des couleurs que l’acoustique a malencontreusement lissées. Spectateurs des premiers rangs, nous n’avons pu apprécier pleinement toutes les nuances vocales et instrumentales dont le fond de salle s’est, lui, régalé.
Le concert était en effet de belle facture. Violette Polchi et Mathieu Pordoy sont des artistes connus et reconnus.
La jeune mezzo s’est imposée depuis 2012 – où elle avait été justement lauréate du Concours international de la mélodie de Gordes – comme une valeur sûre, dans un répertoire très large. Nous avons pu la voir dans le rôle du Page de Rigoletto aux Chorégies 2017, nous l’attendons en juin 2020 à l’Opéra Grand Avignon dans le rôle de Mercedes (Carmen), puis, entre 2020 et 2023, dans le cadre de la tournée nationale du Voyage dans la lune (rôle de Caprice), que prépare le CFPL. Son phrasé, la clarté de sa ligne de chant, son expressivité délicate, en font une artiste de qualité.
Elle était accompagnée par Mathieu Pordoy, pianiste et chef de chant, invité dans de nombreux festivals et lieux prestigieux (Vienne, Zurich, Santiago du Chili, Luxembourg, Monte Carlo, Cologne, Bruxelles), avec des chefs renommés, et qui se produit en concert et récital, notamment avec Michael Spyres, Yann Beuron, ou Sabine Devieilhe. Complice artistique de la chanteuse, il a épousé son souffle, ses émotions, et a par ailleurs exprimé son talent de soliste dans deux pièces instrumentales.
Autre ambiance encore avec les bis (« la griserie » de La Périchole, et « Quand vient la mélancolie », Cellini de Berlioz).
Le prochain rendez-vous des Saisons de la Voix, son cœur d’activité, pourrait-on dire, sera le 12e Concours international de la mélodie, dans les 3 premiers jours de novembre, concours présidé par Béatrice Uria-Monzon (voir le concours 2018). Puis le Concert du Bout de l’An, samedi 28 décembre 2019 (G.ad. Photos G.ad.)
Vendredi 1er novembre 2019, à partir de 16h. Samedi 2 novembre, à partir de 11h. Epreuves éliminatoires.
Dimanche 3 novembre, à partir de 11h, épreuve finale. Gores, Hôtel de Ville, espace Simiane. Auditions publiques, entrée libre.
Présidente du jury : Béatrice Uria-Monzon. Membres du jury : Mireille Alcantara (artiste lyrique, professeur à l’Ecole Normale de Musique de Paris), Monic Cecconi-Botella (compositrice, 1er Grand Prix de Rome, fondatrice et présidente d’Honneur des Saisons de la Voix), Virginie Gouet (agente artistique Les Concerts parisiens), Susan Manoff (pianiste, directrice artistique de la Master Class des saisons de la Voix), Françoise Pétro (artiste lyrique, administratrice artistique des Révélations classiques de l’ADAMI), Daniel Bizeray (directeur général et artistique du festival d’Ambronay), Cyril Diederich (chef d’orchestre, directeur artistique des Concerts au coucher du soleil d’Oppède), Richard Martet (rédacteur en chef d’Opéra-Magazine).
Samedi 28 décembre, 18h. Gordes, Hôtel de Ville/ Espace Simiane. Mariamielle Lamagat et Jeanne Lefort (soprani), Virgile Van Essche (piano), lauréats du Concours international de la mélodie de Gordes 2018. Tarifs : 20€ à 5€.
Toutes informations sur Les Saisons de la Voix.
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