Van Gogh, La Nuit étoilée. Carrières de Lumière, Les Baux-de-Provence
Du 1er mars 2019 au 5 janvier 2020.
Et pour connaître toute l’histoire des Carrières de Lumières…
Pendant une année Culturespaces emmène le public à la (re)découverte de Vincent Van Gogh (1853-1890), un des « peintres maudits ». Cette « exposition numérique immersive » au sein des Carrières de Lumière aux Baux-de-Provence, est joliment intitulée La Nuit étoilée, du nom d’un tableau de 1888, exposé au Musée d’Orsay à Paris, un tableau peint pendant l’internement volontaire à l’asile Saint-Rémy-de-Mausole, et présenté au Salon des indépendants de 1889.
Le visiteur est totalement immergé, en effet, dans un bain de lumière, de couleurs, de sons, de musiques, enveloppé de tous côtés : murs, sol, parois…
Une expérience bluffante à tenter au moins une fois… et que l’on renouvellera sans aucun doute. Ayant connu chacune des éditions annuelles, je suis toujours prise de la même curiosité impatiente à l’heure de découvrir la suivante, à l’orée du printemps, et j’avoue me sentir chaque fois éblouie.
Au cœur des carrières immaculées, chaque lieu d’observation est unique ; il est donc recommandé de se déplacer en cours de projection, tout en sachant que l’on restera toujours sur une intime frustration, puisqu’on n’aura jamais vu l’exhaustivité. La projection est multiple et protéiforme.
Images fixes et vidéos s’entrelacent, des éléments (fleurs délicates, papillons légers, oiseaux lugubres) se détachent d’un tableau pour envahir tout l’espace. Chez Van Gogh, le soleil se met à tournoyer sur l’horizon, les étoiles scintillent dans le Rhône, les tableaux s’animent, les blés ondulent et se couchent sous le vent ou sous les pas, iris et tournesols frémissent sous l’aile des corbeaux… La Provence vibre et brûle, cette Provence qu’il habitera si peu (1888-1890) mais qui l’habitera si intensément jusqu’à consumer son énergie et sa vie même.
Quant aux petites silhouettes noires qui vont et viennent – celles des visiteurs -, elles s’intègrent dans la projection, et deviennent à leur tour des personnages de théâtre d’ombres…
De telles réalisations constituent à la fois une prouesse technique et une véritable création artistique.
La réalisation, la vidéo, le film (on peine à trouver le terme exact) bouscule allègrement l’ordre chronologique, mais nous fait pénétrer intimement dans le monde intérieur du peintre ; le visiteur glisse avec fluidité, emporté d’une section à l’autre sans heurt, sans commentaire, avec simplement l’impression d’un monde foisonnant, complexe et contrasté, pour ne pas dire contradictoire, allant de Paris à Arles ou Saint-Rémy, revenant à ses débuts, passant des bords du Rhône aux personnages du Nord alourdis par la misère ou aux amandiers en fleurs et aux autoportraits…
Ce que nous offre cette magnifique exposition, c’est un autre regard sur cet artiste aux quelque 2.000 œuvres (900 tableaux, 1.100 dessins), qui a inspiré fauvisme et impressionnisme, mais qui n’aura vendu qu’une toile de son vivant, en 1890 (La Vigne rouge, peinte en 1888).
Vigne rouge, vous avez dit Vigne rouge ?
Si l’on se réfère à la vente-record aux enchères de New-York, le 14 mai 2019, d’un tableau de Monet (le 1er de la série des 25 Meules), pour 110 millions de dollars, alors cette fameuse Vigne rouge aujourd’hui exposée au Musée Pouchkine à Moscou, si elle était mise en vente, deviendrait sans conteste la toile la plus chère du monde, la vente d’un Van Gogh étant en effet rarissime. Achetée 400F en 1890, La Vigne rouge avait été revendue à Paris 20 ans plus tard… 25 fois plus (10.000 F) par Anna Boch (héritière la maison Villeroy & Boch) au profit des artistes impécunieux. La galerie la céda ensuite au collectionneur Sergueï Chtchoukine, ami et mécène de Matisse, qui la conserva jusqu’à la révolution russe de 1917. Les 250 tableaux qui constituaient la collection furent saisis et décrétés biens nationaux par Lénine le 19 décembre 1918. Puis, en 1948, Staline et le Comité pour les affaires artistiques attribueront définitivement La Vigne rouge au musée Pouchkine.
Quant aux autres tableaux de Van Gogh, le Portrait du docteur Gachet a trouvé acheteur le 15 mai 1990 chez Christie’s à New York pour 138,4 millions de dollars. Un coup de fièvre identique avait été signalé en février 2012, lorsque la succession de l’actrice Elizabeth Taylor a mis en vente Vue de l’asile et de la chapelle de Saint-Rémy. Bien que non signée, la toile fut adjugée pour 16 millions de dollars chez Christie’s International, à Londres.
Pour s’approcher au plus près de ces tableaux au destin exceptionnel, les expositions des Carrières de Lumière sont vraiment des expériences multisensorielles, qui font même oublier la fraîcheur de l’air ambiant (13° à peu près constant). La bande son elle-même est de plus en plus sophistiquée d’année en année. Van Gogh est accompagné du plus beau monde : Lully, Vivaldi, Mozart, Grieg, Smetana, Puccini (avec le célébrissime « O mio babbino caro »), ou Brahms. Mais aussi des noms plus actuels, comme Miles Davis (Ascenseur pour l’échafaud), Nina Simone, et des compositions originales de Luca Longobardi.
Tout cela crée un véritable kaléidoscope, visuel et sonore, qui rend bien compte de la richesse de l’univers de Vincent Van Gogh.
L’exposition immersive comprend toujours, à côté du volet-phare, un programme court, en lien thématique ou artistique avec la projection éponyme. Van Gogh est donc accompagné de Japon rêvé, Image du monde flottant, dans le Japon de l’imaginaire collectif, des geishas, des samouraïs et des esprits… accompagné lui aussi d’une bande-son, qui n’est pas qu’exotique puisqu’elle intègre La Mer de Debussy !
Retour sur l’histoire des Carrières de Lumière…
L’on attend avec la même fébrile impatience l’exposition suivante, Dali, l’énigme sans fin (programme long) et Gaudi, architecte de l’imaginaire (programme court), du 5 mars 2020 au 3 janvier 2021.
G.ad. Photos G.ad.
Laisser un commentaire