Subtils équilibres…
Festival de Pâques 2021 d’Aix-en-Provence, Théâtre des Bernardines, Marseille. Captation mercredi 23 mars 2021, en ligne dimanche 4 avril 2021, 11h.
Trio Karénine : Charlotte Juillard, violon ; Louis Rodde, violoncelle ; Paloma Kouider, piano
Arnold Schönberg, Verklärte Nacht, opus 4 (La Nuit transfigurée), transcription d’Eduard Steuermann
Franz Schubert, Trio en mi bémol majeur pour piano et cordes n°2, D.929 opus 100
Captation réservée aux professionnels : nous y étions. Beau concert du Trio Karénine (Schönberg, Schubert), à ne pas manquer, en ligne le 4 avril à 11h
Le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, après l’annulation in extremis de son édition 2020 pour cause de pandémie de Covid-19, a décidé d’adapter cette année la manifestation en la proposant en direct et gratuitement au public, sur internet. Ce sont ainsi 16 concerts qui sont au programme en soirée à 20h30 entre le 27 mars et le 11 avril, en se rendant sur le site, dans une expérience qu’on annonce « immersive », puisque le spectateur pourra choisir son angle de vue parmi les 4 ou 6 caméras présentes pour filmer le concert.
D’autres concerts sont à l’affiche, comme celui du trio Karénine filmé ce 23 mars en soirée au Théâtre des Bernardines à Marseille, et qui sera diffusé le 4 avril à 11h.
Deux pièces de choix sont au programme, en commençant dans l’ordre chronologique avec Franz Schubert (1797-1828), rattaché à la Première école de Vienne, avec ses trois piliers Haydn, Mozart et Beethoven. Composé en novembre et créé en décembre 1827 au Musikverein de Vienne, et dédié « à ceux qui y prendront du plaisir » – quelle belle dédicace ! -, le Trio n°2 pour piano et cordes est une œuvre de la maturité de Schubert, une maturité malheureusement bien courte pour ce compositeur prolifique disparu prématurément à l’âge de 31 ans.
Chacun des trois solistes en présence ce soir possède une personnalité et un caractère affirmé, formant un groupe musical équilibré. Dès les premières notes, on remarque le splendide piano de Paloma Kouider, des notes superbement détachées dans les arpèges et une grande maîtrise et variété de nuances, qui forment déjà une solide colonne vertébrale du trio.
Les deux solistes aux cordes se montrent impeccables de précision musicale et de virtuosité, le violon caressant de Charlotte Juillard jouant souvent sur la délicatesse et la séduction, alors que le violoncelle de Louis Rodde développe parfois plus de force et affiche une expressivité plus démonstrative. Les équilibres ou les expositions à tour de rôle d’une phrase mélodique sont un régal, comme le deuxième mouvement Andante con moto, le plus connu, ou encore le troisième Scherzando allegro moderato, assez dansant, où chaque soliste offre des nuances variées à l’intérieur d’une large palette.
Avec Berg et Webern, Arnold Schönberg (1874-1951) est, quant à lui, l’un des trois représentants de la Seconde école viennoise. La Nuit transfigurée (Verklärte Nacht) est, dans sa version originale, orchestrée pour un sextuor à cordes, mais ce soir interprétée dans la transcription qu’en fit Eduard Steuermann pour un trio de piano et cordes.
A la date de composition de l’ouvrage (1899), nous sommes encore loin de la période de dodécaphonisme pur et dur de Schönberg (à partir de 1821) et même du Sprechgesang du plus proche pré-dodécaphonique Pierrot lunaire (1912). L’œuvre est très majoritairement tonale, dans une lignée d’un romantisme exacerbé qui pourrait suivre Johannes Brahms.
L’oreille est à la fête dans ces subtils équilibres, véritable alchimie entre les trois instruments, quand la ligne subtile du violon s’enchevêtre avec les deux autres, ou lorsque le piano plaque avec autorité quelques accords pour planter l’ambiance. La pièce n’est pas exempte de modernité, avec des rythmes qui parfois se précipitent vers une accélération fulgurante, ou encore des changements étonnants, par moments abrupts, de tonalité.
Tout cela est magnifique et somptueusement interprété par le trio Karénine, formation créée il y a 12 ans…
F.J.
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