Une mise en scène violente et puissante, mais qui fonctionne
Voir aussi toute la saison 2022-2023 à l’Opéra de Toulon
Tosca, opéra de Giacomo Puccini, à l’Opéra de Toulon. Mardi 11 octobre 2022
Valerio Galli (Direction musicale), Sylvia Paoli (Mise en scène), Andrea Belli (Décors), Valeria Donata Bettella (Costumes), Fiammetta Baldiserri (Lumières), Lumières réalisées par Marie Lambert-Le Bihan
Ewa Vesin (Floria Tosca), Riccardo Massi (Mario Cavaradossi), Daniel Miroslaw (Baron Scarpia), François Lis (Cesare Angelotti), Vincent Ordonneau (Spoletta), Frédéric Goncalves (Le sacristain), Florent Leroux-Roche (Sciarrone)
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Toulon
Maîtrise de l’Opéra de Toulon et du Conservatoire TPM
En coproduction avec l’Opéra de Lorraine et Rennes-Angers-Nantes Opéra, le spectacle de Sylvia Paoli accueilli par la scène toulonnaise montre plusieurs originalités. Ceci dès l’ouverture du rideau, où il est bien difficile d’identifier l’église romaine de Sant’Andrea della Valle du premier acte, au vu des seuls échafaudages masqués par des voiles blancs, derrière lesquels Mario peint le portrait de Marie-Madeleine. Pas d’autel, pas de colonne évoqués dans le livret, mais une croix en bois qui s’appuie sur les tubulures métalliques et sur laquelle viendra se placer un Christ ensanglanté à la toute fin de l’acte, dans un tableau vivant rejouant la crucifixion de Jésus, en présence de Marie et autres apôtres et Romains.
Le deuxième acte est aussi d’un extrême dépouillement, d’une grande élégance aussi dans les lumières de Fiammetta Baldiserri, réalisées ce soir par Marie Lambert-Le Bihan. Dans une salle d’une blancheur éclatante, Scarpia est attablé en présence de trois cardinaux, quatre personnages ici à la lubricité débordante dans la vision de la metteuse en scène : une religieuse sort du dessous de la table et une autre montre son sexe à Scarpia qui retire sa ceinture et ouvre son pantalon, avant d’être interrompu dans son élan. Des empreintes de visages en relief apparaissent sur les toiles tendues des trois parois entourant le plateau, renforçant la cruauté de la scène de torture de Mario.
Le même dénuement prévaut au dernier acte, un ange passe quand le berger chante (une jeune fille pour cette représentation) et un nouveau tableau – cette fois davantage mort que vivant – est constitué en fond de scène, avec des figurants enchevêtrés en sous-vêtements, qu’on imagine victimes de Scarpia et ses sbires. Ceux-ci sont en effet remplacés un peu plus tard par un tas d’ossements et de crânes, amas que viendra grossir le corps de Tosca après son suicide au pistolet. Pas de saut dans le vide de la cantatrice depuis le haut d’une tour du château Saint-Ange donc, ni château non plus d’ailleurs. Au bilan, une mise en scène violente et puissante, qui fonctionne malgré les écarts vis-à-vis du livret et éventuels petits excès.
Le plateau vocal est dominé par la Tosca d’Ewa Vesin, que les spectateurs régionaux ont pu applaudir dans le même rôle la saison dernière à Montpellier. Les moyens sont conséquents et l’interprète montre un constant engagement théâtral. Son grand air du II, « Vissi d’arte » est un beau moment d’émotion, passée sa première note pour laquelle elle met un infime temps à trouver la juste intonation. Son Mario Cavaradossi est moins séduisant à l’oreille, le ténor Riccardo Massi émettant un timbre plutôt obscur, avec de nombreuses notes prises par-dessous, accentuant un côté larmoyant parfois répétitif. Son extrême aigu est cependant bien contrôlé et le chanteur peut ainsi faire briller les notes attendues par l’auditoire, comme « La vita mi costasse » au I, ou « Vittoria ! Vittoria ! » au II.
Autre troisième rôle de premier plan, le Scarpia de Daniel Miroslaw est un baryton plutôt aigu qui projette son grain noir vigoureusement. Le chanteur ne s’économise pas et paraît souvent pousser au maximum son instrument, quitte à fatiguer sensiblement pendant la cruelle confrontation avec Tosca du deuxième acte. Quelques petits signes de fragilité se font alors entendre, mais il parvient quand même sans accroc à la fin de l’acte. Les rôles secondaires complètent, ainsi que les chœurs et les jeunes de la Maîtrise de l’Opéra et du Conservatoire TPM.
Déjà présent plusieurs fois à Toulon, le chef Valerio Galli assure la bonne coordination de l’ensemble et insuffle une bonne dose d’énergie à la musique. Celle-ci présente alors un grand relief et une palette étendue de nuances, pour le bonheur de nos oreilles.
F.J. Photos Frédéric Stephan
Laisser un commentaire