Dans le cadre du Festival international de piano de La Roque d’Anthéron (site officiel et notre présentation). Mardi 8 août 2023
Sinfonia Varsovia. Direction, Aziz Shokhakimov. Piano, Nathanaël Gouin & Alexander Malofeev.
Grazyna Bacewicz, Ouverture pour orchestre symphonique. Rachmaninov, Rhapsodie sur un thème de Paganini. Rachmaninov, 2e Concerto pour piano
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Un concert mé-mo-ra-ble
Assister à un concert de musique classique est toujours une expérience unique et enrichissante. La Roque d’Anthéron y pourvoit largement en invitant des artistes d’exception et en proposant une programmation non moins exceptionnelle.
C’est ainsi que la soirée « Intégrale des Concertos pour piano de Rachmaninov-Partie2 » (voir notre compte rendu de la soirée Rachmaninov-partie 1) n’a pas dérogé à la règle.
En ouverture, le Sinfonia Orchestra, placé sous la direction d’Aziz Shokhakimov, a donné une œuvre parfaitement inconnue du grand public : l’Ouverture pour orchestre symphonique (1943) de Grazyna Bacewicz (1909-1969). Cette compositrice, pianiste et violoniste polonaise du XXème siècle est considérée comme une musicienne des plus importantes de son époque. Son Ouverture pour orchestre symphonique est foisonnante, extrêmement rythmée, laissant une large place aux cuivres et percussions.
La célèbre Rhapsodie sur un thème de Paganini (1934) de Rachmaninov qui suit est interprétée par Nathanaël Gouin (voir notre entretien), dont nous recommandons aussi le CD Caprice : excellent enregistrement, interprétation intelligente et sensible, livret d’accompagnement très bien fait et photographe exceptionnel.
Il s’agit d’une œuvre emblématique du répertoire pianistique. Elle est basée sur le thème du 24ème Caprice pour violon de Niccolò Paganini. Cette pièce exigeante met en évidence les talents conjugués du soliste et de l’orchestre. Dès les premières notes, le piano de Nathanaël Gouin a captivé les 1400 personnes qui constituaient l’auditoire. La virtuosité du pianiste et sa sensibilité ont donné vie à chaque nuance de la partition. Son jeu subtil et expressif a permis de transmettre toutes les émotions contenues dans la musique de Rachmaninov. Les passages les plus techniques ont été exécutés avec une précision remarquable, laissant transparaitre la passion et l’énergie de l’œuvre, et ce malgré un orchestre parfois trop présent. Ce concert de Nathanaël Gouin accompagné par l’orchestre de Varsovie a été une véritable réussite, les spectateurs ont été transportés dans un univers musical d’une grande intensité émotionnelle. Une ovation a salué cette magnifique performance musicale. Le pianiste n’a pu que se remettre au piano pour nous offrir sa magnifique transcription des Pêcheurs de Perles de Bizet, La Romance de Nadir extraite de son album Bizet sans Paroles. Devant les applaudissements nourris du public, une seconde pièce a été interprétée, le Prélude N°12 op 32 en sol #mineur de Rachmaninov.
En seconde partie de soirée, le jeune pianiste Alexander Malofeev (né en 2001) entre sur scène. Il s’est fait connaître en 2014 en remportant le Concours International Tchaïkovski pour jeunes musiciens. Il n’avait alors que 13 ans ! Il s’impose depuis lors comme l’un des meilleurs pianistes de sa génération et remporte de nombreux prix.
Le deuxième concerto de Rachmaninov a été composé après l’échec de sa première symphonie, échec qui a plongé le compositeur dans une grave dépression. Après 3 années de soins tournés vers l’hypnose, Rachmaninov se remet au travail et compose ce second concerto qui sera l’un des plus souvent joués du répertoire. Sa célébrité a longtemps éclipsé les trois autres concertos, même si le troisième est extrêmement célèbre.
Le public est captivé dès les trente premières secondes du concerto jouées crescendo par Alexander Malofeev. C’est alors que l’orchestre dirigé par Aziz Shokhakimov s’impose avec beaucoup de ferveur. La virtuosité du soliste, la direction inspirée d’Aziz Shokhakimov, la complicité entre le piano et l’orchestre créent une atmosphère magique. Alexander Malofeev a fait preuve d’une incroyable virtuosité lors des mouvements rapides, semblant presque halluciné par la complexité de la partition, sa technique impeccable et sa maîtrise du clavier ont permis une exécution brillante de ces passages particulièrement difficiles. Ce qui a également captivé le public, c’est la façon dont le pianiste a su pratiquement suspendre ses notes en jouant au plus près du clavier, créant une atmosphère intime et émouvante, faisant ressortir toute la beauté et la profondeur de l’inspiration du compositeur. Le public est transporté dans un voyage musical captivant, où la passion a été à l’honneur, combinant la virtuosité d’Alexander Malofeev, la direction bondissante de Shokhakimov et le talent du Sinfonia Varsovia. Un moment de grâce ! Ovation extrême du public, bien évidemment. Le pianiste a donné en bis le Prélude pour la main gauche op9 n°1 d’Alexandre Scriabine, pièce d’une grande émotion musicale laissant, après la dernière note jouée, le public dans un silence religieux, et en second rappel toujours un compositeur russe du début du XXe siècle : Serge Prokofiev avec la Toccata en ré mineur op11, pièce à la rythmique ravageuse.
Une manière tonique et optimiste de clore cette soirée exceptionnelle.
D.B. Photos Valentine Chauvin
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