Un spectacle joyeux et léger
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Si j’étais roi, opéra-comique d’Adolphe Adam, à l’Opéra de Toulon, vendredi 18 novembre 2022
Robert Tuohy (Direction musicale), Marc Adam (Mise en scène), Roy Spahn (Décors), Magali Gerberon (Costumes), Hervé Gary (Lumières), Paulo Correia (Vidéo)
Armelle Khourdoïan (Néméa), Eleonora Deveze (Zélide), Stefan Cifolelli (Zéphoris), Jean-Kristof Bouton (Moussol), Nabil Suliman (Kadoor), Valentin Thill (Piféar), Mikhael Piccone (Zizel)
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Toulon
Sachant que les dernières représentations scéniques dans l’Hexagone (… un hexagone élargi puisqu’elles se déroulaient à l’Opéra Royal de Wallonie à Liège !) remontent à 1990, on attendait avec impatience la remise sur le métier du charmant opéra-comique d’Adolphe Adam. Et nous sommes loin d’être déçus, les forces toulonnaises ayant mis en effet tous leurs atouts dans l’opération, à commencer par la réalisation visuelle confiée à Marc Adam.
Pour traiter l’action qui se situe au royaume de Goa, dans une Inde imaginaire, la mise en scène joue alternativement d’un traitement figuratif et d’un second degré bienvenu, tout en agrémentant l’ensemble d’un humour justement dosé. Le spectacle commence avec un balayeur qui vient récupérer son chariot de nettoyage oublié à l’avant-scène, puis le rideau se lève sur un immense tableau, la peinture représentant une marine pour illustrer le village de pêcheurs du livret. Une copiste vient s’installer devant la toile et le technicien de surface du musée, très prévenant à l’égard de la belle, n’est autre que le pêcheur Zéphoris qui pourra, après être devenu roi pour un jour seulement, ainsi que moult autres péripéties, épouser sa chère Néméa, la princesse.
Derrière le tableau, qui reçoit parfois les élégantes séquences vidéos de Paulo Correia, est installé un praticable où les décors de Roy Spahn figurent un quai dans un port. Cette scénographie est en place pour les actes I et III, tandis que le II se situe dans les riches appartements royaux, Zéphoris prenant pour une seule journée la place que lui cède, par jeu, le roi Moussol. Troquant son bleu de travail pour une riche veste dorée et brodée, le roi par intérim Zéphoris n’en prendra pas moins plusieurs décisions, qui semblent d’abord insensées aux yeux des courtisans, mais tourneront à l’avantage du pays et de Zéphoris à la conclusion de l’ouvrage.
Dans le rôle le plus sollicité de Zéphoris, le ténor Stefan Cifolelli possède une voix d’une couleur agréable, mais d’un volume souvent très insuffisant. L’instrument a alors tendance à s’effacer au cours des ensembles, duos ou trios, surtout dans cette production où les protagonistes sont le plus souvent placés en fond de plateau. On trouve logiquement le chanteur à son meilleur dans les passages les plus doux, comme l’air élégiaque du premier acte « J’ignore son nom, sa naissance » accompagné par un léger tissu orchestral.
Le déficit de puissance contraste nettement avec celui de l’autre ténor Valentin Thill (Piféar, ami de Zéphoris), belle voix agréable et bien conduite, ainsi qu’un caractère bien affirmé pour dire l’ensemble de ses dialogues. La soprano colorature Armelle Khourdoïan (Néméa) possède le bagage technique pour venir à bout des difficultés de sa partie, en particulier son grand air du II « Des souverains du rivage d’Asie » : grande justesse d’intonation, souplesse pour les vocalises et notes piquées des passages d’agilité, ainsi qu’un très léger vibratello dans la voix, assez agréable à entendre. Dans le rôle bien moins développé de Zélide, sœur de Zephoris, l’autre soprano Eleonora Deveze paraît plus effacée, semblant plus à l’aise en duo avec Piféar au III, que dans son air qui précède.
Du côté des voix graves, le baryton Jean-Kristof Bouton en roi Moussol impressionne grandement, instrument superbement timbré, d’une qualité homogène du grave à l’aigu et une projection vocale ne lui posant aucun problème pour se faire entendre, quelle que soit sa position sur le plateau. Nabil Suliman tient aussi fort bien le rôle de Kadoor, le traître de l’histoire, également amoureux de Néméa, chanteur suffisamment puissant et stable vocalement, tout comme Mikhael Piccone en Zizel, emploi davantage de caractère.
On remercie enfin le chef Robert Tuohy qui anime avec énergie mais aussi délicatesse cette musique aux nombreux charmes. En très bonne forme, l’orchestre répond avec une concentration qui ne se relâche pas, depuis l’ouverture qui alterne entre séquences pleines d’allant et passages plus raffinés, où la harpe et le triangle se font acteurs principaux. Les chœurs toulonnais apportent également leur contribution vaillante.
On espère que cette production sera reprise dans un futur plus proche que l’échéance de la prochaine trentaine d’années…
I.F. Photos Jean-Michel Elophe
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