Samuel Coquard (sa biographie ici) chef de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône depuis 2002, dirigera dimanche 4 novembre 2018 à Avignon, puis dimanche 11 novembre à Aix-en-Provence, le Requiem de Gabriel Fauré, au cœur d’un programme Fauré/Poulenc/Messiaen. Rencontre avec un chef de chœur exigeant…
-Samuel Coquard, pouvez-vous nous parler d’abord de l’organisation du concert qui sera donné dimanche à Avignon ?
-Il s’agit d’une co-réalisation entre trois entités, l’Opéra Grand Avignon, la Maîtrise des Bouches-du-Rhône et Musique Sacrée/Orgue en Avignon, cette dernière association dans le cadre des 26es Automnales de l’orgue. Toutes nos forces vives seront mobilisées.
-De fait, la Maîtrise des Bouches-du-Rhône comprend plusieurs pôles, 3 formations différentes.
-Oui, nous avons le Chœur d’enfants, le Jeune chœur, et le chœur professionnel d’adultes Asmara, qui avait donné la Messe de Rossini cet été aux Musicales du Luberon. Ici, ce sera uniquement le chœur d’hommes, les voix féminines étant interprétées par les enfants.
-Un effectif total de… ?
-25 pour le Chœur enfants, 14 pour le Jeune chœur, 6 hommes Asmara, auxquels on rajoute 2 solistes, ce qui fait 47 chanteurs sur scène.
-Vous donnerez donc la 1e version du Requiem de Fauré ?
-Cette version qui a en effet été créée pour le chœur d’enfants de la Madeleine. L’ensemble est accompagné de Luc Antonini àl’orgue et Anne-Cécile Brielles au violon pour le Sanctus.
-Poulenc et Messiaen figurent aussi au programme. Comment avez-vous conçu ce concert ? Un fil rouge thématique, ou des univers complémentaires ?
-Ce sont d’abord trois compositeurs français de la fin du XIXe siècle-début du XXe. Tous les trois relèvent de la grande esthétique française, à la fois très différente chez chacun mais aussi très proche, pure, archaïsante. Voyez par exemple la ligne mélodique chez Fauré, au style très reconnaissable ; elle n’est peut-être perceptible avec autant de clarté chez les autres, mais elle s’y trouve aussi. Chez tous les trois également on trouve un rapport à la foi, plus ou moins tardive, plus ou moins intense. Ce sont trois œuvres sacrées marquantes.
-Les deux versions du Requiem de Fauré sont-elles bien différentes ?
-Ce sont des univers différents. Chez Messiaen également, ce sera la première fois que le O Sacrum Convivium sera interprété par un chœur d’enfants. Le plus souvent, ce sont des chœurs d’adultes mixtes. Je l’ai entendu une seule fois par des enfants, par des Anglais. C’est une œuvre a capella, un petit joyau très court, de 5 minutes, un vrai bijou.
-Votre Maîtrise est une pépinière de talents. Avez-vous quelques « anciens » qui maintenant mènent une belle carrière ?
-Théo Imart est maintenant chez William Christie. En août 2019, il chantera la Finta Giardiniera.
-Nous l’avions entendu l’an dernier au concours #cjeopera d’Avignon.
-Eh oui, Avignon l’a boudé, William Christie l’a pris. Ce jeune est tout de même le seul chanteur français à avoir intégré le Jardin des voix ! Dans les concours, je suis toujours étonné d’entendre des jeunes chanter un répertoire qui n’est pas fait pour eux. Mais que voulez-vous, c’est le standard des voix que les gens aiment…
-Pensez-vous à d’autres « anciens » ?
–Marie Pons, par exemple, a créé un trio, un trio de femmes, Irini. Elles se spécialisent dans les chants médiévaux et de la Renaissance. C’est un trio qui tourne déjà bien sur le territoire.
-D’autres encore ?
-(Rire) Vous savez, je ne suis là que depuis 2002, je n’ai pas eu le temps de faire beaucoup de petits… Du moins sommes-nous présents sur les plus grandes scènes. Ce qui me laisse perplexe quand je vois que le manque de financement risque de compromettre la pérennité de ce travail. La discipline et la rigueur que l’on nous reconnaît sont la traduction d’une grande écoute et d’une vraie attitude professionnelle, même et surtout de la part d’un chœur d’enfants réputés comme excellent.
-C’est le cas de nombreuses structures artistiques et culturelles…
-Sans doute. Je ne suis plus un jeune débutant (42 ans, NDLR), et cela m’attriste, surtout s’agissant de jeunes, car nous faisons avec eux un énorme travail de formation.
-Quant au concert qui s’annonce – aux deux concerts, puisque vous le donnerez également à Aix la semaine suivante -, que voudriez-vous souligner ?
-La présence d’un jeune baryton de talent, qui a le timbre juste pour la musique française ; il a été l’élève de Mireille Alcantara, comme Karine Deshayes d’ailleurs. Et Luc Antonini, lui, a été mon professeur d’orgue à Montpellier. Nous donnons souvent des concerts ensemble dans la région. Ce devrait être une belle soirée. (Propos recueillis le 29 octobre 2018 par G.ad. Photo G.ad., juin 2018).