Vendredi 31 janvier 2020, 20h30, Métropole Notre-Dame-des-Doms, Avignon
Requiem allemand (Ein Deutsches Requiem, 1854-1868), Johannes Brahms
Caroline Semont-Gaulon direction. Ludivine Gombert soprano. Philippe-Nicolas Martin baryton. Jean-Pierre Lecaudey orgue doré. Luc Antonini orgue de choeur. Ekhô chœur de chambre
En co-réalisation avec l’Opéra Grand Avignon
Une oeuvre forte, unique, servie par des artistes de talent (Ludivine Gombert soprano, Philippe-Nicolas Martin baryton, le choeur Ekhô et deux orgues – Luc Antonini et Jean-Pierre Lecaudey -), dans un lieu patrimonial millénaire.
Une œuvre atypique, protestante et allemande, a-t-elle vraiment sa place dans une basilique millénaire, d’une ville qui fut pendant presque un siècle l’« altera Roma » à l’époque de la papauté en terre avignonnaise ? « Oui, elle est ici chez elle », a affirmé avec force le chanoine Daniel Bréhier, recteur de la métropole Notre-Dame-des-Doms, dans son mot d’accueil. C’est une œuvre de spiritualité, d’élévation, que les voûtes multiséculaires subliment comme une prière. Même si, a contrario d’un Requiem catholique appuyé sur des textes liturgiques en latin, elle prend source dans la Bible de Martin Luther, véto- et néotestamentaire, car Brahms la revendique beaucoup plus largement comme une œuvre « humaine », et l’on peut y voir aussi quelque parenté avec le mouvement œcuménique qui prenait forme alors en Europe.
C’est pour rendre hommage à Schumann, et en souvenir de sa propre mère, disparue en 1856 comme Schumann, que Brahms songe à un « Requiem allemand », que l’inspirateur n’avait pas eu le temps de composer lui-même. Cette œuvre majeure, pour deux solistes, chœur et orchestre, à mi-chemin entre la cantate funèbre et l’oratorio, est inscrite dans le programme des « grands concerts de musiques sacrées » de l’association Musique Sacrée Orgue en Avignon.
C’est le chœur qui porte majoritairement la responsabilité de cette œuvre. Malgré la jeunesse de l’ensemble montpelliérain Ekhô, fondé en 2017 (page Facebook), et du programme (2e représentation seulement), les quelque trente choristes ont offert une prestation très aboutie, avec un pupitre d’alti particulièrement homogène ; tutti ou pupitres séparés ont ciselé une version forte, aux attaques précises et au phrasé expressif. Avec de longues mains fines qu’on croirait toujours prêtes à s’envoler, Caroline Semont-Gaulon, chef de chœur et professeur de direction de chœur au CRR (Conservatoire à Rayonnement Régional) de Montpellier a imprimé avec élégance une vigueur et une conviction qui ne sacrifient jamais la finesse des nuances.
La présence sporadique des solistes ne les exonère pas de l’exigence de qualité : ils n’ont pas démérité.
Le baryton Philippe-Nicolas Martin – qui porte la voix de l’Homme confronté à son destin – avait fait belle impression il y a tout juste un an dans la Bohème (Marcello), aux côtés, précisément, de la soprano avignonnaise Ludivine Gombert. Il avait incarné Belcore (L’Elisir d’amore) en mai 2019 à Avignon également. Un timbre bien charpenté mais souple, une projection solide, une diction très pure, une ligne mélodique assurée, en font un artiste de belle classe.
Ludivine Gombert, elle, issue des chœurs de l’Opéra d’Avignon, avait été une Liu baignée de lumière (Turandot) à Marseille, en avril 2019, après une Mimi touchante (Bohème) à Avignon. Son talent, désormais reconnu au-delà de l’Hexagone, excelle aussi bien dans l’opera seria et les oratorios, où sa voix a des accents bouleversants, que dans la comédie, où elle pétille de façon irrésistible. Limpide, elle a exprimé avec grâce et profondeur les modulations de la consolation et de l’espérance, dans une partition redoutable.
Luc Antonini à l’orgue de chœur a su se jouer de toutes les difficultés de l’œuvre, et la transcription réalisée par Jean-Pierre Lecaudey – également à l’orgue doré -, a conforté ce Requiem dans toute son intensité dramatique.
Un lyrisme sans emphase, une sobriété qui se déploie des pianissimi aux fortissimi sans perdre sa force d’expression, et un parfait équilibre entre tous les artistes, ont dessiné une interprétation qui nous rejoint au cœur de notre « humanité » (G.ad. Photos G.ad.).
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