Rien n’est insignifiant, tout est remarquable
Cour du lycée Saint-Joseph, 62, rue des Lices, Avignon
France – Espagne (Catalogne) / Création 2024
Avec Lucia Bocanegra, Noëmie Bouissou, Camille Decourtye, Miguel Fiol, Dimitri Jourde, Chen-Wei Lee, Rita Mateu Trias en alternance avec Amir Ziegler, Yolanda Sey, Julian Sicard, Marti Soler, Maria Caroline Vieira, Guillermo Weickert, Blaï Mateu Trias. Conception et mise en scène, Camille Decourtye, Blaï Mateu Trias. Collaboration à la mise en scène, Maria Muñoz, Pep Ramis (Mal Pelo). Collaboration à la dramaturgie, Barbara Métais-Chastanier. Collaboration musicale, Pierre-François Dufour. Scénographie et costumes, Lluc Castells. Lumière, María de la Cámara, Gabriel Pari. Son, Fanny Thollot. Recherche des matières et des couleurs, Benoît Bonnemaison-Fitte « Bonnefrite ». Céramiste, Sébastien De Groot. Régie générale, Samuel Bodin, Romuald Simonneau. Régie plateau, Mathieu Miorin. Régie plateau céramiste, Benjamin Porcedda. Régie son, Chloé Levoy. Régie lumière, Enzo Giordana. Habillage, Alba Viader. Cuisinier, Ricardo Gaiser. Direction déléguée et diffusion, Laurent Ballay. Production, Pierre Compayré. Administration, Élie Astier, Caroline Mazeaud. Production Baro d’evel. Coproduction, Festival d’Avignon, Théâtre de la Cité, Centre dramatique national Toulouse Occitanie, Grec Festival de Barcelona Instituto de Cultura Ayuntamiento de Barcelona, Festival Les Nuits de Fourvière (Lyon), Romaeuropa Festival, MC93 Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis Bobigny, Le Grand T Théâtre de Loire-Atlantique (Nantes), Scène nationale d’Albi-Tarn, Théâtre Dijon Bourgogne Centre dramatique national, Comédie de Genève, Grand Théâtre de Provence (Les Théâtres, Aix-en-Provence et Marseille), Le Parvis Scène nationale Tarbes-Pyrénées, Centre culturel de Bélem (Lisbonne), Les Halles de Schaerbeek (Bruxelles), Festival La Strada (Graz), Théâtre de Liège, Centre dramatique national de Normandie-Rouen, Les Célestins Théâtre de Lyon, Scène nationale du Sud-Aquitain (Bayonne), Équinoxe Scène nationale de Châteauroux, Tandem Scène nationale d’Arras-Douai, Scène nationale de l’Essonne, Théâtre Sénart Scène nationale (Lieusaint), Le Volcan Scène nationale du Havre, Théâtre d’Orléans Scène nationale, Le Grand R Scène nationale (La Roche-sur-Yon), Théâtre Châtillon (Clamart), Théâtre 71 Scène nationale Malakoff, Les Gémeaux Scène nationale (Sceaux), Cirque Théâtre Elbeuf Pôle national cirque de Normandie, SQY Scène nationale de Saint-Quentin-en-Yvelines, Teatre Lliure (Barcelone). Avec le soutien de la Direction générale de la Création artistique, Ministère de la Culture Drac Occitanie, Conseil départemental de la Haute Garonne, Région Occitanie, Ville de Toulouse, Artcena et pour la 78e édition du Festival d’Avignon : Spedidam, Institut Ramon Llull. Avec l’aide de L’animal a l’esquena à Celrà, Circa Pôle national cirque Auch Gers Occitanie, Pôle national cirque Auch Gers Occitanie, La Grainerie (Toulouse), Théâtre Garonne Scène européenne (Toulouse), La nouvelle Digue (Toulouse). Résidence La FabricA du Festival d’Avignon. La compagnie est conventionnée par le Ministère de la Culture Drac Occitanie et la Région Occitanie. Elle reçoit une aide au fonctionnement de la Ville de Toulouse.
Entretien avec Baro d’Evel, par le Festival d’Avignon
Un univers poétique et débordant d’humour, à la croisée du cirque et de la danse, qui se demande si nous savons qui nous sommes. Entre vertige et émerveillement.
Première surprise de Qui som ? (« Qui sommes-nous ? »), les hauts vases blancs en céramique qui s’alignent sur des tables, dans les couloirs du lycée Saint-Joseph, pour accéder à la vaste cour où se déroule le spectacle. C’est loin d’être là notre dernier étonnement ! Pendant près de deux heures, la compagnie franco-catalane Baro d’evel entraîne le spectateur de surprise en surprise ! Ce ne sont pas les traditionnelles trompettes du Festival d’Avignon qui lancent le spectacle, mais deux musiciens de la compagnie, à la clarinette et à l’hélicon, qui apparaissent, perchés dans l’embrasure d’une fenêtre. Sur le plateau, deux longues rangées de céramiques blanches encadrent la scène. Puis Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias, les cofondateurs de la compagnie, apparaissent, impeccables dans leurs costumes noirs. C’est elle qui prend la parole. Elle nous demande de nous déconnecter de nos portables pour nous reconnecter au monde et aux autres. Mais son discours, loin d’être moralisateur, fait rire l’assistance, qui reconnaît ses travers dans ces propos. Blaï Mateu Trias, lui, porte un vase qu’il casse et qu’il essaye de cacher… Et c’est parti pour un fabuleux voyage entre rêve et cauchemar, loufoque et drôle, improbable ! Rejoints par dix autres interprètes, comédiens, musiciens, danseurs, acrobates, clowns comme eux, plus un céramiste, ils nous entraînent dans un tourbillon de cascades, de rires, de réflexions aussi… car avec ces artistes, pas de place au hasard et à l’improvisation. Rien n’est insignifiant. Ils étaient beaux dans leurs costumes noirs. Ils ne vont pas le rester longtemps alors qu’un liquide blanc s’insinue sur la scène et les fait patiner, tomber, se relever, se contorsionner, sous les yeux du public hilare. Puis pendant que Camille Decourtye nous distrait en faisant le pitre, ils s’éclipsent et reviennent, la tête dans des vases de céramique crue, qu’ils sculptent, déforment et percent.
Que dire de la scénographie grandiose, monumentale, avec ce décor mouvant fait de longues bandelettes noires d’où surgissent et dans lequel disparaissent les artistes à l’énergie incroyable… Rocher sous-marin, monstre qui respire, haute muraille, devant laquelle s’accumulent un amoncellement de bouteilles en plastique aux mille couleurs, recouvrant entièrement le plateau. Pour continuer à jouer au milieu de ce fatras, les artistes n’ont plus qu’à enjamber, patauger, nager, danser, au milieu de ce sixième continent, ou vortex de déchets du Pacifique Nord de plus de 3 millions de km², dont parlent les scientifiques… Mais les adultes, ridicules, bouffons, pris dans cette avalanche de catastrophes, peuvent compter sur les apparitions de l’enfant qui leur suggère à chaque fois une solution… Sauront-ils l’écouter ? Espérons-le ! L’heure n’est pas au catastrophisme et aux lamentations mais à la joie et à l’espoir. Il suffit de se mettre tous ensemble, de se retrousser les manches et d’y croire. « Il va falloir apprendre à faire avec ce qu’on ne connaît pas », prévient Camille Decourtye. « Tout ce qui est fait reste à faire. Le monde n’est jamais fini. » Comme au sortir d’un rêve, ne sachant plus très bien où il est ni ce qui lui arrive, le public, conquis, émerge de ce spectacle protéiforme, d’une grande richesse et d’une extrême profondeur. Tonnerre d’applaudissements avant de suivre, le cœur léger, les musiciens de la fanfare à travers les couloirs du lycée, où des vases colorés ont remplacé les vases blancs qui se trouvaient là à notre arrivée. Et la fête se poursuit dans la grande cour de récréation de l’établissement, en danse et en musique. Personne n’a vraiment envie de se séparer et que la magie s’arrête…
Marie-Félicia. Photos : Christophe Raynaud de Lage
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