Kader Attou
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La Scala Provence. 16h. Durée : 1h20. Du 8 au 13 juillet. Relâche le 7 juillet. Réservations : 04 65 00 00 90
Il apparaît dans un coin du plateau, fine silhouette et chemise blanche dans la pénombre, et s’avance jusqu’à une petite table. A la lueur d’une lampe, Kader Attou feuillette son carnet de bord et commence le récit, en forme de journal intime. Il nous confie cette difficulté à respirer, cette angoisse qui l’étreint au moment d’entrer en scène. Lui, l’enfant privé de souffle à la naissance, frère inattendu d’un jumeau, va chercher à partir de cette scène initiale de quoi nourrir sa danse et surmonter ses doutes. « Vis, bats-toi, et célèbre ! » : l’énergie maternelle, condensée dans ce triple impératif, lui donne l’élan. Tout est dans ce Prélude, l’avènement d’un danseur-chorégraphe, l’énergie d’une compagnie, le sens d’une vie.
Musicalement, c’est la Cinquième symphonie de Beethoven qui ouvre le bal. Puis les sonorités électro signées Raymond Dubois prennent le pas, entraînant les neuf danseurs, auxquels se joint de temps à autre le chorégraphe. On s’affronte, on s’aime, on se rencontre sur ce plateau nu, seulement animé par l’efficace création lumière de Cécile Giovansili-Vissiere, capable d’orchestrer sous nos yeux ébahis une époustouflante danse d’ombres chinoises. Comme toujours chez Kader Attou, c’est physique, très physique, il y a des battles nourries des danses de rue, des performances acrobatiques, de l’émotion aussi, beaucoup d’émotion. Il y a surtout une immense liberté chez ce chorégraphe et ses danseurs-virtuoses qui ne cessent de renouveler le hip-hop en le frottant aux influences les plus diverses, y compris classiques.
La parole a sa place, moment de slam, confidences du chorégraphe aux danseurs : « J’ai 51 ans, je ne peux plus danser comme vous… ». La voix d’Albert Camus s’invite un moment. C’est le discours de Stockholm : « L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l’artiste à ne pas se séparer ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d’artiste parce qu’il se sentait différent apprend bien vite qu’il ne nourrira son art, et sa différence, qu’en avouant sa ressemblance avec tous. » On ne saurait écrire mieux ce qui fait danser Kader Attou et les siens, et nous touche en plein cœur.
Carina. Photos Carlos Fernandez et Julie Cherki.
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