Pierre Cardin, 98 ans, 29 décembre 2020
« Couturier, hôtelier, restaurateur, mécène, académicien » : d’après cette énumération concise de Violeta Assier-Lukic (groupe du Dauphiné Libéré) qui le connaissait bien, tels furent les costumes, toujours sur mesure, qu’avait endossés Pierre Cardin. Né italien le 2 juillet 1922, il avait pris en France une revanche éclatante sur un destin initialement mal tracé. Il est décédé ce 29 décembre 2020 à l’hôpital américain de Neuilly.
Les hommages nationaux se succèdent. De ses diverses facettes, c’est le mécène que j’ai rencontré en lui, puisque j’ai eu la chance de couvrir depuis plusieurs années le Festival de théâtre et d’art lyrique qu’il avait monté en 2001, dans le château – l’un des divers châteaux – du marquis de Sade qu’il avait acheté à Lacoste dans le Luberon. Si les riverains s’inquiétaient du phagocytage immobilier du village, pour autant les carrières blanches et le château étaient devenus depuis lors un rendez-vous estival très couru. Dans un cadre magique comme peut en offrir la région, Pierre Cardin pouvait inviter les vedettes les plus prestigieuses, comme un Jonas Kaufmann lors d’un 14 juillet 2016 mémorable, ou dénicher de futures étoiles comme un contre-ténor Jakub Josef Orlinski en 2018.
Il savait s’entourer. Avec Eve Ruggieri en directrice artistique il avait su choisir le sourire, la compétence et le carnet d’adresses. Avec Jean-Pascal Hesse et son équipe, il disposait d’un staff d’une redoutable efficacité pour la communication. Avec Gérard Chambre, il traçait une continuité artistique entre les soirées-spectacles de chez Maxim’s et les comédies musicales de Lacoste.
Il avait noué avec l’association de Patrick Canac, les Musicales du Luberon, des relations de partenariat ; l’une apportait une implantation plus ancienne d’une bonne décennie, l’autre des infrastructures.
Je crois que Pierre Cardin aimait trop la beauté en général, pour n’être pas sensible à la musique en particulier. Mais je n’ai jamais pu savoir, sous son demi-sourire énigmatique, s’il était profondément mélomane. Du moins les artistes lui devaient-ils une mention prestigieuse sur leur CV. Et Classiqueenprovence.fr lui doit d’avoir pu interviewer de nombreux artistes de premier plan, dont Marie-Claude Pietragalla l’été dernier (programme), même si Kaufmann m’a échappé (il n’avait donné en 2016 qu’une seule interview en France, à Paris-Match).
Lors des soirées de Lacoste, Pierre Cardin arrivait parmi les derniers spectateurs, se glissant sur les gradins, toujours accompagné, et toujours discrètement. Mais j’ai en mémoire les conférences de presse du printemps au fil des ans : sa touchante naïveté (feinte?) n’avait d’égale que sa détermination, à présenter son programme d’été comme « le plus grand festival du monde ». Et il avait cette élégance rare de réserver à chacun le même accueil, aimable sans être pour autant chaleureux, et qui signait une séduction tout aristocratique ; et chacun lui portait la déférence affectueuse qu’on pouvait porter à un aïeul d’autrefois.
Comment le Festival, qui devrait fêter en 2021 sa 22e édition, survivra-t-il à son créateur ?
G.ad. Photos G.ad.2016
Jean-Pascal Hesse souligne que « c’est une page qui se tourne, un livre qui se ferme ».
Gérard Chambre, quant à lui, nous transmet la lettre qu’il aurait voulu adresser à « Pierre » :
« Pierre Cardin nous a quittés…
Au revoir Pierre, nous sommes tous tellement tristes ! Vous laissez un grand vide dans nos vies et dans nos cœurs, mais sur cette planète à la dérive, l’empreinte de votre génie restera inscrite à jamais dans l’histoire des hommes.
Tout au long de votre vie, Vous avez, par vos créations, entraîné le monde entier vers le Futur, mais dans cette quête incessante d’un mode de vie nouveau et révolutionnaire, vous avez toujours privilégié le bien-être, l’élégance et la liberté de vos contemporains.
Vous nous avez quittés brusquement, nous qui vous pensions immortel !
Immortel vous l’étiez en effet, mais pour vous le temps était différent : ni passé, ni présent, seul l’Avenir vous intéressait !
Cher Pierre, j’ai eu la chance inouïe de passer plus de quarante ans à vos côtés, et ainsi découvrir auprès de vous le véritable sens de l’Amitié.
Cette Amitié que vous m’avez donnée, avec simplicité, délicatesse et générosité.
Nous perdons par votre disparition un des grands hommes de ce siècle, et moi, un véritable Ami, auprès duquel j’ai tant appris.
Au revoir, Pierre, et merci, merci infiniment.
P.S. Alors j’imagine, pour vous qui aimiez tant les voyages, que désormais vous êtes parti dans les étoiles, en route vers votre destination préférée : le futur ».
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