Parc du Château de Florans, La Roque d’Anthéron, mercredi 9 août 2023. Dans le cadre du 43e Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron (site officiel et notre présentation)
« Passer au présent » – Henri Dutilleux
Sinfonia Varsovia. Direction musicale, Andrew Gourlay. Piano, Florent Boffard. Violoncelle, Alban Gerhardt. Violon, Liya Petrova
- Dutilleux (1916-2013), Mystère de l’instant. P. Schoeller (né en 1957), Hymnus pour piano et ensemble orchestral. J. Anderson (né en 1967), Litanies, concerto pour violoncelle et orchestre. H. Dutilleux (1916-2013), Sur le même accord, nocturne pour violon et orchestre
Exceptionnellement, deux de nos chroniqueurs assistaient à cette soirée de création. Exceptionnellement aussi, nous publions leurs deux comptes rendus. (G.ad.)
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« Passer au présent » à La Roque d’Anthéron : voyage musical parmi les compositeurs actuels
La musique contemporaine est au programme de la soirée à La Roque d’Anthéron avec des pièces d’Henri Dutilleux et Julian Anderson, ainsi que – cerise sur le gâteau ! – une création mondiale de Philippe Schoeller.
Place d’abord à Henri Dutilleux à qui est consacré en majorité ce concert, dans la série des rencontres « Passer au présent », à la découverte d’un compositeur. Sa partition Mystère de l’instant pour cordes et percussions démarre sur de délicats accords de cordes ponctués par d’infimes pizzicati, suivis de certains unissons à la Messiaen, puis bientôt de mélodies qui se superposent en une modernité plus débridée qui oblique vers de brèves dissonances. C’est une atmosphère d’étrangeté qui domine globalement, venant des glissandi à main gauche, ou encore du cymbalum qui ajoute une touche orientale à la musique. Andrew Gourlay dirige avec passion les musiciens du Sinfonia Varsovia au répertoire décidemment très étendu… pour mémoire c’est la même formation qui jouait les deux soirs précédents des programmes Rachmaninov (concertos pour piano n°1 avec Alexandre Kantorow et n°2 avec Nathanaël Gouin et Alexander Maloffev) et Rimski-Korsakov.
Commande du Festival de La Roque d’Anthéron, Hymnus pour piano et ensemble orchestral est une composition d’une quinzaine de minutes de Philippe Schoeller, qui sollicite plus précisément le piano tenu par Florent Boffard (à qui la pièce est dédiée), six bois et six cuivres répartis des deux côtés du piano, tandis qu’officient trois percussionnistes à l’arrière. Cette musique s’écoute avec une certaine facilité et un intérêt qui ne se relâche pas, d’abord un continuum aux différents instruments à vent, puis des percussions qui interviennent par séquences, en particulier le xylophone qui interagit avec le piano. L’écriture est très riche pour le piano, interprété avec dextérité par Florent Boffard, spécifiquement lors de sa longue cadence. La composition explore la diversité des sons, parfois avec un soupçon d’expérimental en utilisant une large gamme de sourdines pour les cuivres, ou encore quand les flûtes soufflent à vide de son. Très belle précision rythmique impulsée par le chef, tandis que le compositeur vient recevoir au final les applaudissements d’un public trop peu nombreux mais très enthousiaste.
Après l’entracte, Litanies, concerto pour violoncelle et orchestre de Julian Anderson, morceau créé en 2020 au Festival Présences de Radio France, va encore plus loin dans la recherche et l’expérimentation des timbres musicaux. Alban Gerhardt joue formidablement de son violoncelle, entre pizzicati, archet frotté presqu’imperceptiblement, harmoniques avec doigts simplement posés à main gauche, certains thèmes étant repris dans la foulée par le pupitre de violoncelles. De jolies mélodies se déstructurent par instants avec les mains du soliste qui s’agitent frénétiquement, avant de conclure par d’infimes petites notes qui s’éteignent dans la nuit. Précédemment, le moment où tous les musiciens frottent ensemble leurs pieds à terre déclenche des sourires dans l’auditoire, qui a de nouveau la chance d’applaudir le compositeur de cette pièce, présent ce soir.
Henri Dutilleux revient en fin de programme pour une de ses œuvres plus récente, Sur le même accord, nocturne pour violon et orchestre créée en 2001. La soliste Liya Petrova au violon dessine ici un contour plus dramatique, illustré par des montées avec orchestre vers des climax conclus par de grands coups de percussions, avant des redescendre en des moments plus sereins… en forme de calme après la tempête ! Tous les artistes se présentent pour saluer ensemble à la conclusion de ce beau concert et l’on se dit qu’il est bien rare de pouvoir applaudir deux compositeurs vivants, parmi les trois à l’affiche du soir.
I.F. Photos Valentine Chauvin
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