Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence, mercredi 22 février 2023
Orchestre national symphonique de Lettonie. Andris Poga, direction. Andrei Korobeinikov, piano
Peteris Vasks, Musica serena. Sergueï Rachmaninov, Concerto n°2 pour piano. Sergueï Prokofiev, Romeo et Juliette, extraits des Suites n°1 et 2
En tournée actuellement, l’Orchestre national symphonique de Lettonie, placé sous la direction du jeune et non moins très talentueux chef Andris Poga, fait escale au Grand Théâtre de Provence. Le programme démarre par une pièce de Peteris Vasks (né en 1946), le compositeur letton vivant le plus connu. Comme son nom le laisse deviner, la douceur domine dans Musica serena, court opus d’une dizaine de minutes, une musique tonale et très classique, qu’on pourrait penser à vrai dire issue des siècles passés et non pas de 2015, sa date de composition. Les pupitres de cordes seulement forment l’effectif orchestral et jouent de jolis unissons dans une ambiance souvent contemplative, voire planante par endroits.
Le pianiste Andrei Korobeinikov entre ensuite en scène pour interpréter le Concerto n°2 de Rachmaninov, un jeu d’un grand caractère dès ses premières attaques puissantes à l’instrument seul, avant un enchaînement naturel de l’orchestre. On apprécie la délicate poésie des doux passages et la fluidité des rapides arpèges chez le soliste, tout comme le souffle commun au piano et à l’orchestre au cours des moments les plus romantiques. On note toutefois une prédominance acoustique de l’orchestre sur le piano au cours du premier mouvement moderato, petit déséquilibre qui disparaît au suivant adagio sostenuto, au cours duquel les solos de clarinette et flûte sont joués avec application. Alors que des applaudissements malvenus marquaient la brève pause entre les deux premiers mouvements, le chef a le bon goût d’enchaîner le deuxième avec l’ultime allegro scherzando, mouvement au relief plus romantique et aux séquences d’une folle célérité où la virtuosité d’Andrei Korobeinikov paraît à toute épreuve.
En bis, la Valse triste de Sibelius fait figure de calme après la tempête du concerto précédent, et sa fougue déchaînée pour le final. Le jeu du piano seul commence ici par de douces nuances, pour culminer par la suite avec de grands accords plaqués avec force.
Après l’entracte, les extraits des Suites du ballet Romeo et Juliette de Sergueï Prokofiev réjouissent le public venu faire salle comble ce soir au Grand Théâtre de Provence. Les premières mesures de l’orchestre, en forme de chaos sonore, plantent le décor du drame à venir des amants de Vérone. Au fur et à mesure du déroulé des extraits, on admire la majesté des tutti orchestraux, le charme des deux flûtes, la vivacité des pupitres de cordes et l’expressivité des violoncelles parmi ceux-ci. On ne peut que tirer chapeau bas devant l’originalité et la modernité de la partition de Prokofiev, en relevant par exemple la présence régulière du piano et du saxophone. L’espièglerie n’est pas absente non plus, avec de petites séquences qui évoquent son Pierre et le loup. L’orchestre délivre en tout cas une interprétation de haute volée, remarquable de précision rythmique dans cet ouvrage très exigeant de ce point de vue. En bis, la phalange interprète un extrait de musique d’un autre compositeur letton, après que le chef a indiqué qu’en ces temps difficiles, la musique, davantage que les mots, peut œuvrer pour la paix.
F.J. Photos I.F.
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