Dans une salle comble, un début d’année roboratif et pétillant
Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence lundi 2 janvier 2023
Concert de l’Orchestre national de France. Enrique Mazzola, direction. Patricia Petibon, soprano. Cyrille Dubois, ténor
Jacques Offenbach, Extraits de La Fille du Tambour major, La Grande Duchesse de Gerolstein, Les Contes d’Hoffmann, Barbe-Bleue, Il Signor Fagotto, Orphée aux Enfers, La Périchole, Madame Favart, Le Roi Carotte
L’Orchestre National de France joue les prolongations des festivités de fin d’année 2022 : après ses deux concerts à l’Auditorium de la Maison de la Radio les 30 et 31 décembre, il fait étape au Grand Théâtre de Provence en ce tout début 2023. Le programme, qui puise dans les œuvres de Jacques Offenbach, se veut divertissant avant tout et il est extrêmement réjouissant de constater que le public fait salle comble ce soir pour accueillir et fêter comme il se doit le démarrage de la nouvelle année dans la joie, souhaitée pour tous, et la bonne humeur.
Dirigée par Enrique Mazzola, l’ouverture de La Fille du Tambour major donne le ton : on y entend bien sûr l’exubérance et le brillant de certains passages, sujets parfois à de folles accélérations, mais aussi la délicatesse d’autres séquences prises avec lenteur et douceur, dans lesquelles le charme des cordes de l’Orchestre national de France opère. C’est évidemment le calme de la partition qui ressort dans la Barcarolle des Contes d’Hoffmann – belle harpe et magnifique pupitre des violoncelles – puis à nouveau de forts contrastes dessinés au cours de l’ouverture de Barbe-Bleue.
Les passages musicaux alternent avec les airs, avec Patricia Petibon – que nous avions interviewée en 2016 puis en 2021 – qui chante La Périchole (« Tu n’es pas beau… » – nous venons de voir une Périchole intégrale à Toulon -) puis La Grande-duchesse de Gerolstein (« Ah que j’aime les militaires »). Le public rit de bon cœur à son humour décalé, quand elle s’adresse au chef d’orchestre (« enfin j’aime les chefs d’orchestre ») ou lorsqu’elle passe des coups de plumeau parmi les musiciens (« il faut toujours faire la poussière en début d’année ! »). Si l’interprète vit intensément ses personnages, le chant a cependant moins d’impact, ce qui n’est pas anormal en considérant ces airs de mezzo mis au programme de la soprano du soir.
Ténor léger et idéal pour ce répertoire, Cyrille Dubois paraît quant à lui comme un poisson dans l’eau, accédant facilement au registre aigu et suraigu dans « Un tailleur amoureux », air extrait de La Fille du tambour-major. Les deux solistes se retrouvent ensuite dans le duo « Nous voilà seuls enfin » du rarissime Il signor Fagotto, elle véritable bête de scène et lui confirmant son aisance vocale.
Les parties symphoniques sont à nouveau substantielles après l’entracte, en commençant par l’ouverture d’Orphée aux Enfers et ses jolis soli détaillés par la clarinette, le hautbois, le premier violoncelle, la flûte, ainsi que le long passage virtuose du premier violon, dont on admire la splendide précision de l’intonation. L’ouverture de Madame Favart est très offenbachienne, tour à tour poétique et très enlevée aux percussions et cuivres, puis celle de l’encore plus rare Roi Carotte est à l’affiche.
On trouve Patricia Petibon à son meilleur dans l’autre air de La Périchole « Ah quel dîner », chanteuse plus sonore et actrice très drôle en scène quand elle titube et s’en prend aux lacets du chef d’orchestre. Cyrille Dubois déroule la grande scène de Pluton dans Orphée aux Enfers, s’affirmant autant dans les textes parlés que dans le chant, avec ses cornes de diablotin sur la tête. Le duo de La Périchole « Le conquérant dit à la jeune Indienne » conclut le programme et amène un immanquable surplus de bonne humeur (« On sait aimer, quand on est Espagnol ! » et ses « gno – gno – … – gno – gnol » !).
Les artistes proposent en bis le duo des instruments, provenant de L’Île de Tulipatan, entre la soprano Alexis, fils de Cacatois XXII, duc de Tulipatan (en réalité sa fille) et le ténor Hermosa, fille de Romboïdal et Théodorine, en réalité leur fils !
Avant de se séparer, les artistes reprennent le final de l’ouverture d’Orphée aux Enfers, le chef organisant cette fois les claquements de mains du public, donnant à ce French cancan endiablé des allures de Marche de Radetzky !
F.J. Photos I.F.
Laisser un commentaire