Concert d’ouverture de la saison 2025-2026 : un régal !
Vendredi 26 septembre 2025, 20h, La FabricA, Avignon
Orchestre National Avignon-Provence. Kyoko Yonemoto, violon. Federico Santi, direction
Claude Debussy, Prélude à l’après-midi d’un faune. Maurice Ravel, Tzigane, pour violon et orchestre. Pablo de Sarasate, Carmen Fantaisie, pour violon et orchestre. Einojuhani Rautavaara, Adagio céleste. Francis Poulenc,Sinfonietta
Voir aussi notre présentation de saison
Pour la troisième année consécutive, la FabricA du Festival d’Avignon accueillait l’ONAP à l’occasion du concert d’ouverture de la saison, partenariat fructueux dont se félicitaient, en préambule, Eve Lombart, administratrice générale du Festival d’Avignon, et Alexis Labat, directeur général de l’orchestre. Ils ne manquaient pas, dans leurs propos, de remercier les associations de quartier et le brasseur qui avaient permis ces instants de convivialité et cette atmosphère festive précédant le concert, ainsi que les enfants du dispositif Demos, sous la baguette d’Emmanuelle Stimbre, et le chœur de l’Opéra Grand Avignon, sous la direction d’Alan Woodbridge, animateurs de ce prélude.
Le chef italien Federico Santi, nommé en octobre 2024 chef associé de l’Opéra Grand Avignon, surtout connu comme directeur d’opéras – il en a dirigé quatre ces dernières années à Avignon (un magistral Peter Grimes en 2021 pour la réouverture de l’Opéra Grand Avignon après travaux, Tosca et La Traviata en 2014, et La Bohème en 2025) et dirigera Turandot au mois de mai – et professeur au conservatoire de Maastricht, avait l’honneur de diriger ce premier concert de la saison.
Il commençait par, n’ayons crainte de l’affirmer, un superbe Prélude à l’après-midi d’un faune, dans une version réussie pour orchestre de chambre de David Björkman n’altérant en rien les qualités de l’œuvre. Tempo idéal, maîtrise des nuances et de la dynamique, on pouvait aisément imaginer ce faune somnolent, s’éveillant dans la chaleur de l’été, s’étirant, se prélassant, s’animant au rire des nymphes, puis retournant à son sommeil. Une flûte au joli timbre chante cette atmosphère sereine et rêveuse, la harpe égrène ses notes, les bois interviennent, l’orchestre nous enveloppe de ce calme champêtre, instant de grâce.
Se présentait ensuite la violoniste japonaise Kyoko Yonemoto (photo Akira Muto), qu’Avignon découvrait pour la première fois, mais pas le chef, puisqu’elle enseigne, comme lui, au conservatoire de Maastricht. Née en 1984, elle n’est plus une débutante et arrivait auréolée de plusieurs prix internationaux. Elle fut notamment, à 13 ans, la plus jeune interprète à obtenir un prix (le 4ème, ainsi que le Prix spécial du jury) au concours Paganini de Gênes. Elle avait choisi, pour notre scène, deux œuvres exigeantes en matière de virtuosité.
Le Tzigane de Ravel d’abord, œuvre créée en 1924, dans une version pour violon et piano, suivie, quelques mois plus tard, de la version pour orchestre. Cette pièce, qui veut rappeler une csardas hongroise, s’ouvre par un long solo du violon, qui semble improviser, hésiter, chercher son chemin, puis, avec l’entrée en jeu de l’orchestre, tout s’emballe et la virtuosité s’installe. Rapidité, pizzicati, cordes pincées, Kyoko Yonemoto en a fait étalage, variant les nuances, fougue, joie sautillante ou plus retenue. On regrettera, toutefois, une harpe parfois trop dominante, allant, un court moment, jusqu’à couvrir les autres instruments, et, dans quelques passages sautillants mêlant soliste et orchestre, comme une légère confusion.
Carmen est sans doute l’opéra le plus joué au monde, il a aussi inspiré d’autres compositeurs, comme Rodion Chtchedrine, décédé le 29 août dernier, qui, réorchestrant plusieurs des thèmes les plus célèbres, en a fait un ballet, ou Pablo de Sarasate qui, les reprenant, dès 1883, pour son propre usage de violoniste virtuose a produit cette Carmen Fantaisie en cinq mouvements que nous proposaient Kyoko Yonemoto et les musiciens de l’ONAP.
Sous la direction d’un chef sobre, précis dans sa gestuelle, et posé, cette pièce fut un véritable régal nous replongeant dans les émotions que peut engendrer cet opéra. En parfaite coordination avec l’orchestre, la soliste fit montre d’une belle virtuosité, notamment dans l’air des « Remparts de Séville » (4ème mouvement), maîtrisant les aigus, les trilles, les pizzicati, les glissandi, mais sachant aussi apporter toute la douceur voulue dans le lento assai (3ème mouvement) sur l’air de Carmen du 1er acte « Tra la la… ».
Le succès était bien évidemment au rendez-vous, un bis nous était offert, vif, virtuose, mais non dénué de nuances, dont nous ne pouvons préciser le titre et l’auteur, n’étant annoncé par personne. Il serait temps, nous l’avons déjà demandé, que la direction de l’ONAP puisse, d’une façon ou d’une autre, nous apporter ce genre d’information.
Dix personnes, tirées au sort, avaient par la suite le privilège de suivre le concert au sein même de l’orchestre, expérience bienvenue et méritoire, qui n’en était pas à son premier essai, pour populariser l’orchestre, le rendre plus proche du public, ainsi que son répertoire, mais quelques-uns, trop jeunes enfants, isolés sur leur chaise, n’étaient visiblement pas prêts à suivre une telle expérience. Peut-être faudra-t-il, à l’avenir, marquer une limite d’âge à ce tirage au sort.
La suite, donc, était d’abord consacrée à mettre en valeur les cordes de l’orchestre avec l’Adagio céleste, composé en 2000, du compositeur finlandais Einojuhani Rautavaara (1928-2016), dont beaucoup, sans doute, découvraient le nom en cette soirée. L’œuvre, inspirée d’un poème de Lassi Nummi (1982), se laisse écouter, développant sa méditation onirique, ample, mystérieuse, un peu sombre. Le programme de salle la dit aussi poignante que l’Adagio de Samuel Barber, peut-être pas. Ce dernier, plus intériorisé, est sans doute plus touchant. En tout cas, le chef et l’orchestre ont défendu Rautavaara avec une belle application. L’œuvre a-t-elle convaincu ? Elle n’eut droit qu’à de courts applaudissements.
La sinfonietta de Poulenc fermait la marche. Changement radical d’ambiance avec cette « petite symphonie » classiquement en quatre mouvements, parfaitement réussie par le chef, à la gestuelle cette fois plus expressive et démonstrative, et ses musiciens. L’esprit de Poulenc était là vraiment présent, enjoué, malicieux, avec ses allusions aux symphonies du 18ème siècle. Orchestre bien en place, coordonné, lignes musicales claires et bien définies, maîtrise des nuances et des dynamiques. On apprécia le beau travail des cordes et des vents dans le premier mouvement, la virtuosité de l’orchestre dans le très vif second mouvement, parfaitement construit, le doux et chantant andante, et la réalisation à la lettre du final, très vite et très gai.
Le succès fut ainsi au rendez-vous dans cette belle soirée qui inaugurait une saison dont nous attendons la suite avec une réelle impatience.
B.D.
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