« Destin »
Unanimité enthousiaste du public pour ce concert tout particulièrement réussi
Vendredi 22 novembre 2024, 20h, durée 1h35. Opéra Grand Avignon
Direction musicale, Débora Waldman. Piano, Shani Diluka
Orchestre national Avignon-Provence. Avec les étudiants de l’IESM d’Aix-en-Provence
Lūcija Garūta, Meditàcija. Wolfgang Amadeus Mozart, Concerto pour piano n° 23. Piotr Ilitch Tchaïkovski, Symphonie n° 5
Tarif : De 5 à 30 euros. Réservations par téléphone au 04 90 14 26 40. Carte Club’Opéra 20€/an ; -20% sur tous les spectacles
Avant-concert. Rencontre avec un membre de l’équipe artistique. Salle des Préludes le jour même, 19h15-19h45
Promenade Orchestrale. Conférence avec la musicologue Elisabeth Angot. Jeudi 21 novembre, 18h-19h. Entrée libre et gratuite. La participation à cette Promenade Orchestrale permet de bénéficier d’un tarif C sur le concert Destin.
Compositrice et enseignante en classe d’histoire de la musique au Conservatoire à Rayonnement Régional d’Avignon, Elisabeth Angot a présenté les œuvres d’un programme symphonique pris par le souffle du destin, en partant de la Méditation de la compositrice estonienne Lūcija Garūta jusqu’à la poignante 5e Symphonie de Tchaïkovski.
Si vous souhaitez en savoir plus sur les œuvres musicales de la saison 2024-2025, les Promenades orchestrales sont faites pour vous ! Ces rencontres vous invitent à parcourir et à vous immerger dans la programmation symphonique de l’orchestre. Grâce à ses partenaires, l’Orchestre national Avignon-Provence vous accompagne dans une exploration musicale, tantôt sous forme de conférence musicologique ou philosophique, tantôt sous forme d’ateliers de pratique. Les formats se réinventent au fil de l’année révélant ainsi la richesse des résonances que les œuvres symphoniques trouvent en chacun de nous. Entre amis, en solo, en famille, venez réfléchir, écouter, danser, chansigner et partager la nouvelle programmation de l’Orchestre.
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C’est un magnifique concert que nous ont offert ce 22 novembre les musiciens de l’ONAP, renforcés, pour l’occasion, par des étudiants de l’Institut d’Enseignement Supérieur de la Musique d’Aix en Provence, collaboration qui se poursuit depuis 2011. Le programme initialement annoncé était légèrement modifié, la courte pièce de Lücija Garūta passant en début de deuxième partie, position plus logique, car plus en adéquation, en ouverture de l’œuvre de Tchaïkovski, et laissant ainsi la première partie au seul concerto de Mozart.
Pour ce 23ème concerto, créé en 1786, l’un des plus connus de son auteur, l’ONAP avait donc le plaisir d’accueillir l’excellente pianiste Shani Diluka, à la carrière déjà bien riche au disque et dans les plus grands festivals et salles, avec les orchestres, chefs et ensembles de chambre parmi les plus renommés.
Son exécution fut fidèle à son esprit et son atmosphère, Débora Waldman transmettant à ses musiciens, par sa gestuelle précise et engagée, son plaisir à le et les diriger. Dans un premier mouvement lumineux et gai, en la majeur, Shani Diluka faisait montre de son doigté clair, délicat, nuancé, offrait une cadence virtuose et espiègle. Venait ensuite l’adagio, en mineur cette fois, instant de questionnement, de réflexion profonde de la part du compositeur, soudain changement d’humeur entre deux regards plus joyeux et insouciants sur la vie, l’un de ses mouvements les plus célèbres. La pianiste, avec douceur et délicatesse, parfois retenue, exprimait cette pensée introspective, cette méditation, que l’orchestre accompagnait et traduisait également avec bonheur. Puis, ce moment passé, le la majeur revient, libérateur, gai, entraînant, menant vers un final parfaitement maîtrisé, allègre et enlevé, dans un mariage parfait entre le piano et l’orchestre. Une ovation unanime saluait cette interprétation et Shani Diluka offrait un bis d’une tout autre atmosphère, une transcription pour piano de la danse rituelle du feu de l’Amour Sorcier de Manuel de Falla, endiablée, envoûtante et virtuose, qui emballa le public.
Débora Waldman et l’ONAP poursuivent l’exploration de l’œuvre de Lücija Garūta, compositrice lettone (1902-1977) dont nous avons déjà eu l’occasion de parler. Après son concerto pour piano, donné en octobre 2023, puis sa courte pièce Teika, en septembre 2024, venait, en introduction de cette seconde partie de concert, une autre pièce, courte mais prenante, Meditàcija (Méditation). Cette méditation débute, grave, aux cors, bassons et clarinettes, bientôt suivis des altos, violoncelles et contrebasses, puis des violons et flûtes ; crescendo, elle prend de l’ampleur, s’enfle jusqu’au climax et décroît pour atteindre une fin apaisée.
Cette œuvre, expression, malgré tout, d’un état d’âme tourmenté, ouvrait donc la voie à la suivante, la 5ème symphonie de Tchaïkovski, œuvre redoutable pour les interprètes, chef et orchestre, mais on peut affirmer ici qu’en cette soirée, Tchaïkovski fut particulièrement bien servi. Débora Waldman, qui n’est jamais autant à l’aise que dans les pages symphoniques les plus intenses du répertoire, a su encore transmettre à son orchestre cette tension, cette énergie intérieure qui l’habite. La musique de Tchaïkovski est la traduction d’une vie intérieure intense et tourmentée, l’expression du plus profond de l’âme humaine ; l’interprète doit savoir les ressentir et exprimer. Ce fut le cas ici, aussi bien de la part de la cheffe que de l’orchestre. Orchestre bien en place, équilibres maîtrisés, tempi, dynamiques, nuances, climax bien dosés, attaques précises, pupitres à leur meilleur niveau ont contribué à cette réussite. On aura noté en particulier les diverses interventions de la clarinette, souvent sollicitée dans son registre sombre et, notamment en début de 2ème mouvement, celle du cor solo. Le premier mouvement, qui annonce le thème angoissé du destin, thème qui parcourra toute la symphonie, destin qui hanta Tchaïkovski toute son existence, est sombre, intense, animé. Dans le second, l’orchestre en maintenait la tension tragique et traduisait bien l’agitation intérieure du compositeur. La valse, rapide, fut délicatement menée, avec une belle précision. Passant du mode mineur des mouvements précédents au majeur, elle ouvre une porte vers la lumière. Le début solennel du 4ème mouvement précède une course dégageant comme une impression d’évasion, de libération de l’emprise du destin, interrompue par un moment plus calme, en mineur, avant d’atteindre, parfaitement réglée par nos musiciens, à nouveau dans le mode majeur, un final sur un thème de marche victorieuse. Le public, silencieux entre les mouvements, littéralement « scotché » à son fauteuil tout au long de l’exécution par la puissance de l’œuvre, pouvait laisser éclater son enthousiasme dès la dernière note, par une superbe ovation bien méritée d’un orchestre qui confirme, à chaque sortie, son niveau d’excellence.
B.D. Photo P.Morales
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