« Voyages »
Vendredi 20 septembre 2024, 20h, La FabricA, Avignon
Orchestre National Avignon-Provence
Débora Waldman, direction
Victor Julien-Laferrière, violoncelle
Lūcija Garūta, Teika. Antonin Dvorak, concerto pour violoncelle et orchestre n° 2. Robert Schumann, symphonie n° 3
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Pour la deuxième année consécutive, l’ONAP avait choisi la FabricA-Festival d’Avignon pour lancer sa saison symphonique. Le début d’une tradition ? La soirée était voulue festive, conviviale, populaire, une volonté de démythifier la musique classique, de l’ouvrir, de la rendre accessible à tous les publics. Le concert était ainsi précédé, depuis 18h, d’échanges autour de points de restauration associatifs et d’une buvette, visant à poursuivre les liens tissés avec les quartiers de la ville au travers du dispositif Demos, qui nous valut le magnifique concert du 15 juin dernier dans la Cour d’honneur du Palais des papes, et les partenariats montés avec les centres sociaux avignonnais.
Pour affirmer un lien avec la société d’aujourd’hui et un rapprochement des cultures, une démonstration de danse hip-hop par les danseurs de la Cie Pokemon Crew et les jeunes de la Maison pour Tous Monfleury était également proposée au public.
A 20h enfin, Tiago Rodrigues, directeur du Festival d’Avignon, et Alexis Labat, directeur général de l’ONAP, se félicitant de l’excellente collaboration née entre l’ONAP et le Festival d’Avignon et remerciant tous les acteurs participant à la vie de l’orchestre, musiciens, techniciens et administratifs, ainsi que tous les intervenants de la journée, accueillaient le public, l’engageant à ne pas se laisser intimider par les codes de la « musique classique » et ne pas hésiter à exprimer ses émotions.
Le concert débutait donc avec Lūcija Garūta. Nous avons déjà présenté cette compositrice lettone (1902-1977), fin octobre 2023, lorsque fut donné son concerto pour piano. La pièce présentée ce jour en ouverture de ces « Voyages », Teika, a pour titre le nom d’un faubourg de Riga, ville de naissance de la compositrice. Sorte de méditation sans paroles, mystérieuse, envoûtante, le murmure des cordes qui s’enfle, le chant de la clarinette, un beau solo de violon dans l’aigu nous font regretter que cette œuvre soit si courte.
Le concerto pour violoncelle de Dvorak, fruit du voyage d’un Tchèque aux Etats-Unis, dernière œuvre achevée avant son retour en Europe, fut créé à Londres en 1896. Chef d’œuvre incontestable, qui a pu être qualifié, avec raison, d’Everest du violoncelle, il est parmi les œuvres les plus connues du répertoire et passage obligé pour de nombreux violoncellistes. L’ONAP, sous la direction toujours nette, précise et enflammée de Débora Waldman, et un Victor Julien-Laferrière inspiré nous en ont donné une belle interprétation. Tempi et nuances bien dosés, intensité des émotions, naviguant entre élans passionnés, parfois martiaux, mélancolie et nostalgie, tout fut parfaitement négocié. L’équilibre que le compositeur réussit à créer entre l’orchestre et le soliste a été bien rendu, le violoncelle virtuose de Julien-Laferrière sachant imposer son chant, quand il le fallait, doux ou conquérant, dialoguer ou se marier avec l’orchestre. La partition donne un rôle important aux vents, qui ont su répondre sans faillir, soit à découvert, soit dans les ensembles. On aura apprécié en particulier le duo nostalgique du violoncelle et de la flûte du premier mouvement, et à nouveau dans le deuxième, ainsi qu’un joli travail des bois, bois encore en évidence, avec les cors, dans le troisième mouvement, sans y oublier ce beau et vif duo violon-violoncelle. On aura remarqué, au passage, une acoustique des lieux très favorable au triangle. Tout cela ne pouvait qu’entraîner l’ovation finale d’un public qui, suivant le conseil d’Alexis Labat, avait manifesté son enthousiasme tout au long de l’œuvre. Victor Julien-Laferrière offrait en bis une pièce des suites pour violoncelle seul de Bach, en faisant ressortir toute la profondeur et la qualité musicale.
Pour achever ces « Voyages », nous nous retrouvions sur le Rhin, avec la 3ème symphonie de Schumann (1850), qui a la particularité d’être construite en cinq mouvements. Autre particularité de cette soirée conviviale, quelques enfants et adultes, tirés au sort, avaient gagné le privilège d’être intégrés au sein de l’orchestre pendant l’exécution de l’œuvre, que Débora Waldman attaquait avec vigueur, développant un premier mouvement vif, rythmé, marqué par une belle intervention des cors, maintenu dans sa dynamique jusqu’à son terme, mais manquant, à notre sens, avec le second thème, d’un peu plus de nuance et de lyrisme.
Le scherzo, rapide, dansant et joyeux, issu d’une mélodie populaire, fut bien abordé, suivi d’un intermezzo léger et délicat. L’andante, grave et majestueux, quasi religieux, rendit bien l’atmosphère d’une cathédrale, celle de Cologne, en l’occurrence, mettant particulièrement en évidence les cuivres, notamment les trombones de l’orchestre. Le 5ème mouvement, vivace, joyeux, entraînant, retrouvant la force rythmique du 1er mouvement et le thème solennel du 4ème, nous conduisait enfin vers une conclusion grandiose. Belle interprétation là aussi, au final, d’un orchestre bien en place, équilibré, qui nous annonce une belle saison.
A un public conquis, l’ONAP offrait en bis la 5ème danse hongroise de Brahms, accompagnée de la prestation chorégraphique de deux danseurs hip-hop, marquant encore cette volonté d’ouverture et de rapprochement des cultures.
Pour terminer cette belle soirée, Alexis Labat invitait sur scène et faisait applaudir les danseurs du Pockemon Crew et leurs jeunes stagiaires, ainsi que tous les collaborateurs de l’orchestre, personnages de l’ombre, présentés un à un, sans lesquels rien ne serait possible, techniciens et administratifs.
B.D. Photos 2 & 4 : G.ad. (la FabricA lors de la conférence de presse du Festival In 2024). Photo 3 : Jean-Baptiste Millot
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